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F. Hugues et R. Triollet - EPRA

Immobilier coté en Allemagne - Un potentiel inexploité à débloquer ?

Un des traits les plus remarquables de l’immobilier coté européen est ce que nous pourrions nommer le paradoxe allemand. Avec une valeur sous-jacente évaluée à plus d’1 Md€, l’Allemagne est le marché immobilier le plus important d’Europe, devant la France et le Royaume-Uni, et le troisième au niveau mondial. Pourtant, à l’exception de l’Italie (0,6 %), c’est le pays européen ayant la plus faible proportion d’actifs sous-jacents détenus et gérés par les foncières cotées : seulement 1,6 % alors que la France et le Royaume-Uni sont autour de 5,8 % et 4,3 % respectivement.

Le problème ne vient pas du nombre de foncières cotées, mais de leur faible capitalisation boursière. Il y a 84 foncières cotées en Allemagne contre, par exemple, 70 en France et 143 au Royaume-Uni. Mais leur capitalisation boursière combinée ne représente qu’environ 20 % de celle de la France et 25 % de celle du Royaume-Uni. En moyenne, les foncières allemandes ont une capitalisation boursière, un flottant et un volume de transactions plus faibles que ceux des autres grandes économies européennes. Leur performance au cours des 12 derniers mois reste néanmoins en ligne avec celle de leurs pairs européens, signe que les investisseurs ont de l’appétit pour les foncières cotées allemandes de haute qualité.

Un certain nombre de raisons explique la faible titrisation historique sur le marché immobilier allemand. Mais il y a aussi des raisons d’être optimiste que ces conditions changent et que le potentiel du secteur coté allemand commence à s’ouvrir. La mission de l’EPRA est de promouvoir, développer et représenter le secteur européen de l’immobilier coté. Résoudre le paradoxe allemand est donc clairement l’une des priorités stratégiques les plus importantes de l’association.

Raisons historiques de la faiblesse du compartiment immobilier coté allemand

Premièrement, il est intéressant de noter le manque général d’affection des allemands pour la bourse, que ce soit pour l’immobilier ou les autres secteurs. Selon la dernière enquête du Deutsche Aktieninstitut, seule 5,7 % de la population allemande possède des actions, contre une moyenne de 20 % à 30 % pour les marchés développés (Pays-Bas 30 %, Japon 28 %, Etats-Unis 26 %, Royaume-Uni 23 %). Deuxièmement, et c’est sans doute lié, la forme la plus commune d’investissement immobilier non-institutionnel est celle des fonds d’investissement à capital variable (German Open-Ended Funds ou GOEFs) distribués par les banques. Cette forme de compétition pour l’argent des investisseurs particuliers ne prend pas les mêmes proportions dans d’autres pays européens. Troisièmement, comme au Royaume- Uni, la législation allemande des REIT arrive tardivement, en 2007, au pire moment possible au pic du marché et peu avant l’éruption de la crise financière. Un certain nombre de foncières adoptent le statut de pre-REIT, mais ne « transforment pas l’essai » par une introduction en bourse. Le nombre des REIT allemand (G-REITs) reste donc encore très limité.

Des conditions favorables se dessinent, qui donnent des raisons d’être optimiste

Il semble déjà que la dynamique d’introduction en bourse et de levée de capitaux des foncières allemandes s’accélère. L’entrée en bourse de GSW et de Prime Office cette année a par exemple permis de lever 1 milliard d’euros de capitaux. En outre, la réintroduction de IVG dans l’index FTSE EPRA/NAREIT a encore renforcé l’offre allemande pour les investisseurs internationaux. Depuis l’année dernière, la part de l’Allemagne dans l’index FTSE EPRA / NAREIT Europe a progressé de 3,5 % à 6,0 %, une augmentation de plus de 75 % en termes de capitalisation. Plus important encore, la comparaison entre GOEFs et G-REITs est plus que jamais à l’avantage de ces derniers. Les nombreux problèmes de rachat et de liquidités mis en lumière lors de la crise financière, et les questions entourant la crédibilité des évaluations sous-jacentes ont clairement endommagé la réputation des GOEFs. Un récent sondage réalisé par Schroders parmi 112 investisseurs institutionnels exposés aux GOEFs montre que 38 % vont arrêter d’investir dans les GOEFs en raison de l’introduction récente d’une obligation de détention minimale de 2 ans. Par ailleurs, un tiers des répondants ont déclaré prévoir retirer leurs investissements des GOEFs dans les 12 prochains mois. Mais au-delà des spécificités propres aux différents véhicules de placement, l’Allemagne est tout simplement entrain de renforcer sa position comme l’un des marchés d’investissement les plus importants du monde. Dans un récent sondage CBRE sur les intentions des investisseurs (“European Investor Intentions in 2012”, mars 2011), 340 établissements ont été interrogés sur le pays en Europe qu’ils trouvaient le plus attractif. L’Allemagne a récolté la plus grande proportion des suffrages : 32 %, contre 18 % l’année précédente. Bien sûr, une telle étude ne porte que sur la demande potentielle, mais cette prédiction a déjà commencé à se traduire en volumes de transaction: 5,5 Mds€ au premier semestre 2011, soit une augmentation de 18 % par rapport au premier semestre 2010.

L’Allemagne et les priorités de l’EPRA

Faire de la croissance du secteur coté en Allemagne une priorité n’est pas nouveau pour l’EPRA. Les développements récents ne font que renforcer notre détermination à répondre au paradoxe allemand et contribuer à déverrouiller ce vaste potentiel. Nous poursuivons donc nos efforts pour informer le marché allemand sur les avantages de l’immobilier coté et des REITs et cherchons activement à recruter de nouveaux membres auprès des investisseurs et des foncières allemands. Nous avons également noué un partenariat solide avec ZIA, la fédération de l’immobilier allemand et nous efforçons de tirer parti de toutes les synergies possibles entre nos organisations. Nous allons également accroître notre présence sur le sol allemand, notamment en participant activement à des événements comme la conférence des investisseurs ZIA en Octobre à Francfort. Par ailleurs, notre prochaine conférence annuelle aura lieu les 6-7 septembre 2012 à Berlin. L’Allemagne pourrait bien être à l’avant garde d’une nouvelle période d’expansion pour l’immobilier coté européen. EPRA travaillera en étroite collaboration avec ZIA et utilisera toutes ses ressources pour soutenir et promouvoir le secteur auprès des investisseurs, des gouvernements et des autorités de marché de la manière la plus forte possible.


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