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Alain Béchade

La fin de l’Illuxisme ?

L’illuxisme, béchaderie protégée (!), est à l’immobilier ce que le mortier est au bâtiment : composé de 3 éléments; 1/3 d’illusion,1/3 de laxisme et 1/3 de mensonge.

La forme la plus raffinée de mensonge étant de se mentir à soi-même, le monde de l’immobilier s’est depuis plus de trente ans, dévoyé dans la quête de subventions et autres perfusions économiques. Ce qui a eu pour conséquences de déconnecter les prix des immeubles des pouvoirs d’achat réels ; il y a aujourd’hui une grande disparité entre les prix de l’immobilier et la richesse économique réelle.

La crise de la dette souveraine, conséquence de l’illuxisme, implique que l’immobilier, de logement en particulier, va devoir trouver en lui-même les ressources nécessaires à son développement.

Il faut dire qu’en 20 ans, nous sommes passés de la macro-économie à la finance de maquereaux ! Cette expression vernaculaire exprime le fait que la finance, se prenant pour le moteur de l’économie et non plus le carburant, vit aux dépends de l’économie immobilière au moyen d’une prostituée de luxe : la valeur.

C’est en effet quand la notion de création de valeur l’a emportée sur celle du prix, que le schisme dominateur a produit ses effets : la création de valeur (finance) détruit de la richesse (économie) car le retour sur fonds propres attendu (10 à 15 %, voire 20 % au début) est incompatible avec l’évolution économique.

Comment a-t-on procédé alors ? Au moyen d’une astucieuse supercherie : la baisse des taux de financement (et par là des taux de placement).

L’analyse du prix des loyers de bureaux à Paris sur les trente dernières années en Euro constant le prouve : le niveau des loyers actuels est plus bas que dans les années 1986/1992 ou 200/2001 ; ce n’est donc que par la baisse des taux financiers que l’on a augmenté artificiellement la valeur des actifs. Or, cette baisse des taux est demandée à juste titre pour relancer l’économie, mais la finance l’a détourné à son profit et la baisse des taux n’a fait qu’alimenter le financement, à bon compte, des financiers et entretenir ainsi la spirale des fous : acheter à crédit (effet de levier par l’emprunt) dans le seul espoir de revendre plus cher demain… et de faire payer la facture par son voisin, le contribuable.

Pour sortir de cette spirale infernale, il faudrait imaginer deux sortes de taux de refinancement par les banques centrales tant sollicitées : un taux faible qui financerait l’économie réelle et un taux plus fort pour financer les financiers.

La valeur d’un immeuble ne peut pas être formatée en vertu du rendement attendu en fonction d’un emprunt et du retour sur fonds propres espéré.

Il faudrait donc remplacer la notion de création de valeur par celle de « valeur économiquement fondée « (VEF) : le cash-flow attendu étant déterminé par le pouvoir d’achat de l’occupant (revenus ou taux de marge) ce qui rejoint le concept de prix, et non par le rendement financier calculé en fonction des taux et de leur évolution seulement .

Par ailleurs il faudrait prendre en compte pour le calcul de l’inflation-indexation des loyers, le concept de bi-flation (1) : différencier l’inflation selon les produits dont nous avons besoin (what we need) et ceux dont nous avons envie (what we want) ; L’inflation des produits dont nous avons besoin (alimentation , logements, énergies...) est plus forte que celle des produits que nous désirons (écrans plasma , mobiles... )D’où une mauvaise appréciation de l’évolution réelle du pouvoir d’achat et par là des rendements nets possibles. Enfin, cessons d’utiliser des indices de prix comme des indices de coûts (ICC) !

Il va nous falloir abandonner une partie de nos dogmes passés (le travail nuit à la liberté, l’argent est sale, etc.) en raison de la prise de pouvoir économique mondial par deux pôles : USA et BRICS pour qui la valeur de l’homme n’est pas au centre des préoccupations . Ainsi, nous pourrons agir utilement pour faire coïncider la valeur des liquidités disponibles dans le monde (7 fois le PIB mondial !) avec la réalité des richesses disponibles ; ce qui casserait enfin les cyclo-bulles sur des actifs successifs ( thème déjà développé dans Business Immo ) par recherche de prétextes à effets de levier .

Enfin, il faut se rendre à l’évidence : il n’y a pas de véhicule de financement possible pour les énergies renouvelables en l’état actuel des choses. Si nul ne peut imaginer contester la nécessité de réduire l’augmentation des besoins énergétiques (même si 90% de cette augmentation viendra des émergents !) on n’est pas obligé d’enfermer le débat immobilier entre le photovoltaïque et l’éolien : les deux sont des fournisseurs d’énergie intermittents et dépendants (vent , soleil). Il faut donc pouvoir soulever le débat de l’implication des scientifiques spécialisés dans la production d’énergie primaire (comme l’hydrogène ou autre) et dans le Grenelle 2, sans risquer d’être convoqué par le grand Tribunal de l’Inquisition de la très Sainte Eglise Ecologique et de sortir en murmurant «  et pourtant elle tourne » . Ne tombons pas du dogmatisme financier au dogmatisme énergétique, puisque nous faisons supporter aux utilisateurs les subventions déguisées aux coûts du vent et du soleil , créant ainsi la précarité énergétique (what we need).D’autres solutions existent. Stimulons la recherche fondamentale sur ce sujet.

Enfin l’immobilier ne peut plus supporter de nouvelles hausse d’impôts en tous genres : il en est saturé. Il faut donc réduire les dépenses publiques (dont les subventions à l’immobilier) ; c’est d’ailleurs comme cela que la Suède, il y a 15 ans, et le Canada, il y a 6 ans, ont redressé leur situation similaire. Mais c’est peut-être un peu d’illusion ?

(1) Oxborne BROWN 2003

Mots-clés : Grenelle 2, ICC