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Les compartiments du marché de la transaction immobilière ne sont pas étanches

La communauté des agents immobiliers s’agite depuis plusieurs mois avec l'arrivée sur le marché de la transaction, de nouveaux acteurs, les réseaux de mandataires. Il s'agit d'enseignes nationales ou régionales sans agence, avec pour vitrine un site Internet et pour collaborateurs des agents commerciaux amenés à quadriller l’hexagone.

Rien de nouveau sous le soleil, ce métier n'est en réalité pas tellement nouveau, le leader, par exemple, est né au début des années 2000. Les premiers réseaux sont apparus en France il y a une vingtaine d'années, inspirés de modèles éprouvés aux Etats-Unis.

Alors pourquoi cette soudaine inquiétude des professionnels de l’immobilier ?

L’élément déclencheur fut certainement le rachat des deux plus importants réseaux français de mandataires par l'industriel François Pinault. En effet l'opération, a non seulement validé ce modèle économique comme étant un modèle pérenne mais a également propulsé cette profession sur le devant de la scène, du fait même de l’intérêt porté par une figure emblématique de l’entreprenariat.

Le second élément provient des agences immobilières elles-mêmes qui ont eu, en plein examen du projet de loi Lefebvre, le sentiment que ces acteurs s'étaient organisés pour faire du lobbying à leur profit, au détriment des agences immobilières. A ce titre, plusieurs tentatives de modification de la loi Hoguet leur ont été imputées, de nature à les privilégier et à faciliter leur exercice.

Il est important de signaler que lorsqu’un particulier recourt à ces agents commerciaux mandatés par des agents immobiliers, ces derniers ne sont pas habilités à rédiger les promesses, ni les compromis de vente, ni à encaisser les indemnités d'immobilisation versées par les acquéreurs.

Ces missions sont précisément réservées aux agents immobiliers, c'est-à-dire aux titulaires de la carte professionnelle, autorisation officielle d'exercer délivrée par la préfecture.

En somme, les réseaux de mandataires limitent leur intervention à l'acte purement commercial, bien sûr majeur, consistant à rapprocher les différentes parties.

Les tarifs pratiqués par ces mandataires sont en général moindres par rapport à ceux pratiqués par les agences immobilières: aucune charge liée à des boutiques, pas de charge salariale puisque les agents commerciaux sont des travailleurs indépendants, avec seulement une redevance à acquitter à la tête de réseau. Voilà les fondamentaux d'un modèle économique qui permet de baisser les prix du service apporté.

La question essentielle pour la profession est simple: ces réseaux de mandataires sont-ils une menace pour les agences immobilières? François Gagnon, le président du réseau de franchises ERA France a été le premier à analyser la situation avec plus de sérénité et moins de passion. Il considère que ce service, qu'il juge à moindre valeur ajoutée, moins cher aussi, viendra réduire le marché de gré à gré, et ne prendra qu'à la marge des parts de marché aux agences.

L'approche est très intéressante et postule que le marché de la transaction est « segmentable » en trois parties :

- le marché des agences, à forte valeur ajoutée

- celui des mandataires, dont les services sont moindres et avec en quelque sorte des tarifs d'appel pour le particulier a priori peu enclin à s'adresser immédiatement à une agence

- enfin le segment du marché sans intermédiation.

Si le président d'ERA France, a raison comme je le crois, le constat mène loin: nous savons que, dans tous les marchés à segments, les compartiments ne sont pas étanches. En clair, le consommateur passe d'un segment à l'autre. Nous savons également que les transferts se font de façon ascendante, et jamais dans l'autre sens, sauf exception ou accident.

Prenons une comparaison : quand j’ai travaillé chez L’Oréal, l’arrivée des coiffeurs à domicile en 1995 a eu le même effet sur les salons de coiffures traditionnels. Ces coiffeurs itinérants considérés comme moins professionnels par leurs confrères ont su capter une clientèle habituée à se coiffer seul avec les produits de grande surface. La conséquence finalement a été que les salons traditionnels ont pu augmenter leur clientèle grâce à la démocratisation des services permettant de capter une nouvelle cible tentée de monter en gamme en découvrant des services à plus forte valeur ajoutée. 17 ans plus tard, ces différents professionnels de la coiffure ont appris à cohabiter ensemble.

En somme, la preuve semble faite que le marché de la transaction immobilière est réversible, avec des particuliers prêts à passer par tous les canaux, y compris, par un mandataire pour vendre ou acheter un bien immobilier. Nul doute d'ailleurs que le même particulier pourra aussi sans exclusive mandater un agent immobilier si ce professionnel sait lui démontrer sa valeur ajoutée.

Le marché immobilier français, que trop de professionnels regardent comme coupé en deux moitiés, l'une dévolue aux agences, l'autre structurellement dans les mains des particuliers, est porteur de beaucoup d'espoirs d'intermédiation.

A condition que les protagonistes d'un segment ne stigmatisent pas ceux du segment contigu...

Mots-clés : ERA, François Gagnon
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