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Point de vue de Raymond Le Roy Liberge

Logement et entreprise : des destins liés

La campagne électorale a mis la politique du logement au rang des préoccupations d'importance pour l'avenir proche de la France. Quand on appartient à la communauté immobilière, on ne peut que s'en réjouir, et comme citoyen, on peut en nourrir l'espoir que la situation du logement dans notre pays s'améliore. La campagne a été plus silencieuse sur un sujet crucial : le besoin de soutenir le développement des entreprises, et en particulier des petites et moyennes entreprises, à l'origine de l'essentiel des emplois dans notre pays.

Au bout du compte, une analyse n'est pas menée, et aucun remède n'a été imaginé par les candidats à la Présidence de la République : l'une des raisons majeures de l'insuffisant développement des entreprises tient à la difficulté des salariés à trouver un logement accessible. Le couple entreprise-logement est un couple malheureux, et ce depuis des années, la discorde ne faisant que croître. Cette problématique est fondamentale : sans possibilité pour les salariés des TPE et des PME de se loger à bon compte, les entreprises peinent à recruter. Et si elles font l'effort d'aider financièrement leurs salariés pour rendre accessibles des logements en location ou à la vente, elles se fragilisent et altèrent leur compétitivité.

Cette réalité est évidemment d'autant plus douloureuse dans les zones tendues, sachant que cette catégorie recouvre non seulement les grandes agglomérations, mais aussi des régions inattendues. Ainsi, la mer et la montagne, tel que le Pays Basque, et nombre de zones littorales touristiques et exposées comptent parmi ces endroits où le décalage entre le pouvoir d'achat et les prix des loyers et du mètre carré à la vente est pathologique. Les entreprises privées, les services publics de même en sont pénalisés : un agent de maîtrise, une infirmière devront se loger à trente ou quarante kilomètres de leur travail. Du coup, beaucoup renonceront à l'emploi plutôt que de dégrader leur qualité de vie.

Bien sûr, les remèdes sont essentiellement à chercher dans un meilleur aménagement du territoire, et la concentration est la cause première de l'inflation et de la rareté. Pour autant, il faut agir où le bât blesse, et repenser le mécanisme du 1 % logement, cette contribution solidaire des entreprises pour loger leurs salariés inventée après-guerre, collectée par des opérateurs spécialisés réunis au sein d'Action Logement. Depuis des années, les gouvernements successifs ont procédé à des ponctions financières qui ont empêché ce circuit d'atteindre son objectif originel, fournir un logement aux salariés des entreprises privées. D’ailleurs, les syndicats patronaux sont également conscients de ces problèmes et souhaitent un recadrage de cet outil afin qu’il redevienne opérationnel. Le mouvement du 1 % lui-même a un peu perdu le sens de sa mission et est remis en cause.

Aujourd’hui, de grandes interrogations se posent sur sa finalité alors que de nouveaux besoins en logement apparaissent avec les personnes en mobilité. D’ailleurs, dans une étude du Conseil d’analyse économique*, le logement apparaît comme le principal frein à la mobilité des salariés.

Quant à Foncière Logement, créée il y a une dizaine d'années précisément avec les fonds du 1 % logement, son avenir paraît bien confus, et le rythme de constitution de son patrimoine s'est ralenti. Ce dispositif intelligent a fait l'objet de suspicion quant à la transparence de ses procédures, et les doutes ont obscurci l'avenir de cet intéressant concept.

Il est temps qu’Etat et Entreprises prennent des mesures concrètes pour favoriser la mobilité tant les besoins sont de plus en plus flagrants. Le 1 % logement est une des réponses possibles, son utilité est réelle. Avec les prêts à la mobilité et ceux à l’installation, il conduit à la production de logements locatifs sociaux dont intermédiaires indispensables à toute une population qui en manque grandement. Il est de la responsabilité de nos futurs dirigeants de recentrer les sommes nécessaires pour mettre en place de telles mesures.

Bref, réconcilier logement et entreprise est désormais une urgence politique, passée sous silence, négligée, insue peut-être de trop de nos élus. Pourtant, cette réconciliation participe à l’attractivité des territoires, la compétitivité économique de la France et son dynamisme à créer des emplois. Tout se passe comme si le logement, qu'on dit impossible à trouver sans emploi, était en même temps la condition de l'emploi, dans un lien complexe. Il faut sans attendre résoudre ce paradoxe et recréer le lien emploi-logement.

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