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Point de vue de Gilles Ricour de Bourgies

La gouvernance du logement en Ile-de-France : une reprise en main de l’enjeu par l’Etat est la seule solution viable et efficace

Inutile de revenir en détail sur les causes des problèmes du logement en Ile-de-France. Tous s’accordent sur un constat : la pénurie de logement. Les effets d’annonce avant les élections comme par exemple le blocage partiel des loyers ou encore leur encadrement n’y feront rien. Ce sont bien souvent des effets de communication qui n’auront aucun impact positif sur le marché de l’immobilier, bien au contraire. L’expérience de la loi de 1948 - qui rappelons-le a entrainé le terrible hiver 1954 - démontre bien l’effet pervers de telles mesures. Pour les professionnels de l’immobilier réunis au sein de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France, le débat sur le logement mérite mieux. Il mérite un engagement national sincère et volontariste sur le long terme, au niveau de l’Etat. Certes, répondre à l’urgence est un impératif social et économique évident. Nous professionnels avons d’ailleurs formulé un certain nombre de propositions efficaces et simples à mettre en œuvre pour remédier aux situations les plus tendues, notamment en faisant participer le parc privé au logement social. Mais le réel enjeu est celui de la volonté politique en la matière qui passe par la construction de 70 000 logements par an à programmer. Sans cette volonté d’impulsion majeure, la question du logement en Ile-de-France restera une frustration pour des centaines de milliers de nos concitoyens, qu’ils soient locataires ou propriétaires. Mais la volonté politique ne s’affirme pas, elle s’incarne. Pour atteindre cet objectif, l’urgence est à une réelle gouvernance du logement en Ile-de-France. Elle sera à la fois  le garant d’une réelle ambition pour redresser la situation du logement dans notre région ; elle donnera un signe fort aux investisseurs qui aujourd’hui doutent ;  elle renforcera l’attractivité de notre capitale monde. Car le Grand Paris est une nécessité. Plus personne - à gauche comme à droite – n’a de doute sur ce point, sauf peut-être à une ou deux exceptions près, telle que la nouvelle Ministre du Logement Cécile Duflot.

Pour être un plein succès, cette gouvernance devra impérativement pallier deux écueils et combler un manque. Soyons bien clairs, il ne s’agit pas de créer une nouvelle entité ou collectivité ou encore un syndicat sur le modèle du STIF. Bien au contraire, cette gouvernance doit tout d’abord mettre un terme définitif à la fragmentation actuelle qui caractérise la politique du logement en Ile-de-France.  Enchevêtrée entre différents niveaux de collectivités, les mairies, les intercommunalités, les départements et la région, elle ne permet pas  aujourd’hui une lecture globale et cohérente des besoins à l’échelle de la région capitale pourtant nécessaire. Elle n’offre pas la visibilité stratégique qu’il faudrait pour y répondre. D’autre part, et plus grave encore, cet enchevêtrement ne fait que diluer les responsabilités avec pour conséquence que personne, quelque soit l’échelon, ne prend les bonnes décisions en matière de logement. Ensuite, elle doit s’affranchir des contingences électorales et des particularités micro-locales qui, à l’échelle du Grand Paris, n’ont plus de sens. Seule l’échelle communale au travers des schémas d’urbanismes, est vue comme l’Alpha et l’Omega de la politique en matière de logement. Or, il faut le dire, nombre d’élus rechignent à la construction de nouveaux logements, en particulier de logements sociaux ou en accession à la propriété, de peur de bouleverser des équilibres sociologiques sur leur terre d’élection. Il y a là une réelle incohérence. En clair, la politique francilienne du logement doit s’inscrire dans le long terme, au-delà de la durée des mandats électifs. Pour atteindre cet objectif, seul l’Etat, garant de l’intérêt général, dispose de l’autorité nécessaire. L’Etat, en Ile-de-France, est clairement identifié au travers du Préfet de Région qui dispose d’ores et déjà d’outils juridiques notamment grâce à la Loi SRU de décembre 2000 qui lui permettent d’intervenir. De plus, la mise en place des Contrats de développement territoriaux créés par la loi sur le Grand Paris en 2010 va dans le bon sens en ce qu’elle permet à l’Etat, au niveau régional, de négocier avec les collectivités territoriales tout en donnant une certaine cohérence métropolitaine dans le temps et l’espace. Il est impératif d’aller encore plus loin et de renforcer ses pouvoirs – donc l’autorité de l’Etat - en matière de logement. En complément, une mesure simple de mise en œuvre, pourrait avoir un effet rapide et positif sur le coût du foncier en fusionnant les quatre établissements publics fonciers franciliens en un seul et même EPF du Grand Paris.

Enfin, plus que jamais, cette gouvernance francilienne du logement doit être participative et collaborative. Elle est l’affaire de tous : l’Etat, les maires et les élus locaux mais aussi les citoyens et les grands oubliés que sont les professionnels de l’immobilier et du logement. Ces derniers ont une expertise vitale pour éclairer les choix des décideurs publics car ils connaissent les réalités du terrain, les besoins. Ils en maitrisent tous les paramètres et caractéristiques, quartier par quartier, rue par rue.

Le logement francilien à besoin d’une feuille de route claire, écrite, sur le long terme, cohérente à l’échelon de la métropole mais aussi ouverte et transparente. La gouvernance du logement francilien n’a pas besoin de nouvelles structures, elle doit simplement être un volontarisme politique et républicain pour une démocratie locale renouvelée et apaisée qui seule permettra, enfin, de prendre en charge l’enjeu fondamental de l’habitat au sein Grand Paris. Les professionnels de l’immobilier, car ils sont des acteurs de la Cité, sont disposés à y jouer pleinement un rôle constructif, à leur place, mais de manière déterminée.