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Point de vue de Diana Diziain

Logistique urbaine, transport pour compte propre et besoins immobiliers

Parc des Guillaumes à Noisy-le-Sec (93) Promoteur Caprim, propriétaire GViO. Parc des Guillaumes à Noisy-le-Sec (93) Promoteur Caprim, propriétaire GViO. © Caprim
Parc des Guillaumes à Noisy-le-Sec (93) Promoteur CAPRIM, propriétaire GViO.
Parc des Guillaumes à Noisy-le-Sec (93) Promoteur CAPRIM, propriétaire GViO. © Caprim

Les flux urbains de marchandises générés par les PME n’ayant pas externalisé leur transport seraient-ils un visage méconnu de la logistique urbaine ?

D’après la définition officielle du ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie « La logistique urbaine est la façon d’acheminer dans les meilleures conditions les flux de marchandises qui entrent, sortent et circulent dans la ville. » Il y a bien là une notion d’optimisation, qui est le quotidien des professionnels du secteur, d’un point de vue économique, mais aussi, plus récemment, environnemental.

D’après les enquêtes nationales sur le transport de marchandises en ville du Laboratoire d’Economie des Transports de Lyon, seuls 15 % des flux urbains de marchandises sont générés par des transporteurs professionnels. La moitié des marchandises sont transportées par les coffres de nos voitures. Il reste un gros tiers (35 %) de transport pour compte propre.

Si la part du compte propre a diminué depuis les années 1980 sous l’effet de la professionnalisation du secteur du transport routier et d’une tendance à l’externalisation et au recentrage des firmes sur leur cœur de métier, cette baisse n’est pas uniforme selon les distances : le compte propre reste très présent sur les courtes distances (moins de 150 km).

D’après un décret de juin 1963, le transport pour compte propre est un « transport exécuté pour ses besoins propres par une personne physique ou morale, pour déplacer, en gardant la maîtrise du transport, des marchandises lui appartenant ou faisant l’objet de son commerce ou de son industrie ou de son exploitation ».

Le compte propre est le fait d’entreprises qui n’émargent pas à un code APE transport ou logistique. Leur diversité : de taille, d’activité, de fonctionnement, rend difficile la compréhension de leurs besoins immobiliers et de localisation. Ils sont pourtant indispensables au bon fonctionnement de la ville : artisans, petits commerçants, entreprises de réparation ou  services après-vente en tous genres.

Le compte propre est surtout le fait de PME, les grandes entreprises ayant en général externalisé les prestations logistiques. On constate par exemple que la possession d’une flotte de véhicules utilitaires varie inversement avec le nombre de salariés d’une entreprise. Sauf pour les très petites entreprises où le constat est plus nuancé et les données d’analyse plus rares.

Le compte propre est réputé mauvais élève sur le taux de remplissage de ses véhicules et sur leur performance environnementale. En effet, qualité de service oblige, une PME peut être amenée à déplacer une camionnette pour livrer un seul colis à un client. Et cette même PME n’a parfois pas les moyens de renouveler son véhicule au gré des évolutions technologiques.

Pour certaines PME, de service ou  de production,  le transport est une partie intrinsèque de leur métier, difficilement externalisable, tant il difficile de le séparer des autres opérations. C’est le cas du poseur de panneaux de signalisation, du réparateur de pianos, de l’installateur d’équipements de ventilation ou de réfrigération…. Les mouvements de leurs véhicules, utilitaires légers en général, pèsent largement dans les flux urbains de marchandises, mais échappent souvent aux réflexions et études sur la logistique urbaine.

Ces PME, si elles ont certes besoin de surfaces de bureau pour les tâches administratives, d’ateliers pour les fonctions productives ou autres tâches de réparation, elles ont aussi parfois besoin de postes à quai dédiés ou d’espaces mutualisés pour les opérations de chargement/déchargement et aussi d’espaces de stockage.

Un autre besoin essentiel est celui d’être proche de leurs clients, donc aux portes de la ville dense.  On retrouve d’ailleurs ces « petits métiers de la ville » dans les tissus mixtes des premières couronnes de grandes villes, dans des arrière-cours, des pavillons ou bien dans des bâtiments d’activités de seconde jeunesse. Avec les nuisances afférentes et des locaux pas idéalement configurés. Leurs besoins en m² sont parfois réduits (200-500m²).
                                                                                                                                                                                                                           
Or, les tickets d’entrée pour des lots dans des bâtiments professionnalisés proposant des postes à quai et des parkings pour véhicules utilitaires démarrent souvent au-dessus de 2 000 m².

Les flux de ces petits métiers de la ville sont un volet à part entière du système de  logistique urbaine de toute agglomération : les évincer des portes de la ville signifierait rallonger considérablement les kilométrages parcourus et alourdir leur bilan carbone. Optimiser leur implantation spatiale aurait a contrario des effets vertueux. Cerise sur le gâteau, en termes d’insertion urbaine, des solutions existent, proposant une façade noble côté espace public et une façade technique.

En termes de fonctionnement, la gestion des marchandises transportées par ces PME constituent un gisement conséquent de gains économiques et environnementaux par le biais de la mutualisation, de l’espace d’abord, de certains services ensuite et, plus à la marge, des flux. Le sujet n’est pas simple car les freins à la mutualisation peuvent être à peu près les mêmes que les freins à l’externalisation du transport.

Néanmoins, une certaines dose de mutualisation  n’est peut-être pas impossible si la forme immobilière la facilite par la conception a priori d’espaces et de services mutualisés, c’est-à-dire par une organisation en parc, avec un gestionnaire présent et impliqué. La mixité avec des entreprises de transport et logistique, de taille petite et moyenne, peut être aussi un atout.

Dans les réflexions sur la logistique urbaine, sujet à la mode s’il en est, il serait bon d’intégrer la question des flux et de la localisation de ces métiers-support de la ville, ainsi que la question immobilière : desserte et accès routiers, divisibilité des surfaces, services communs, mutualisation d’espaces de stockage ou de chargement/déchargement.

Voici un beau champ d’investigation pour la logistique urbaine !

Les produits immobiliers eux, sont déjà là, signés Sirius, Caprim ou Spirit par exemple. Dans le cadre de leur politique publique en faveur de la logistique urbaine, les collectivités pourraient utilement prendre en compte la localisation, via les documents d’urbanisme et de planification, de ces activités-support de notre vie urbaine.