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Philippe Gauguier, Deloitte In Extenso

"Les nouvelles normes hôtelières sont pour moi un succès mitigé"

Depuis le début de l'année, les performances hôtelières en France accusent le coup, notamment dans les catégories Economique et Super Economique. Taux d'occupation et RevPAR sont en repli, alors qu'ils progressent légèrement dans les catégories supérieures. Bilan de ce premier semestre avec Philippe Gauguier, associé chez Deloitte In Extenso.

Business Immo Hôtel: Le marché hôtelier a-t-il enregistré de bonnes performances depuis le début de l’année ?
Philippe Gauguier: Nous observons globalement, sur ces six premiers mois, un décrochage du taux d’occupation. Le chiffre d’affaires hébergement résiste mais essentiellement grâce au prix moyen. Le taux d’occupation varie de 59 % à 63 %, avec un décrochage qui varie entre 1 % et 3 %. La catégorie Grand luxe est stable, tandis que le Super économique décroche de plus de 3%. Paris, avec ses établissements haut de gamme se distingue cependant avec des progressions de la fréquentation. Exception faite de Paris et de la catégorie haut-de-gamme, qui affichent des progressions importantes. Le prix moyen est lui en progression de 1 à 5 points pour la catégorie Grand luxe, et de 1 à 2 % pour les catégories Economique et Super économique. Cette dernière ayant le plus de mal à faire progresser son prix moyen. Au niveau national, le prix moyen s’établit à 360 € pour le Grand luxe, 180 € pour le haut de gamme standard, 100 € pour le milieu de gamme, 65 € pour l’Economique et 40 € pour le Super économique. Les efforts de rénovation incontestables entrepris par les hôtels en France et le travail conséquent réalisé par les opérateurs sur Internet ont permis de faire progresser les prix moyens.
BIH: Qu’en est-il du RevPar (revenu par chambre disponible, ndlr) ?
PG: Le RevPAR est en recul de 1 % sur les catégories entrée de gamme, et compris entre 2 et 4 % pour les catégories supérieures. Sur l’année 2012, nous estimons que le RevPAR ne dépassera pas les 2 % de progression, toutes catégories confondues.
BIH: Comment ces performances s’évaluent-elles à Paris et en province ?
PG: Paris a bien maintenu sa part de marché depuis le début de l’année, tout comme la Côte d’Azur et des agglomérations comme Bordeaux, qui sont tirées par les catégories supérieures. Nous retrouvons d’ailleurs un phénonème que nous n’avions pas vu depuis plusieurs années : la saturation de la capacité hôtelière parisienne certains jours, toutes catégories confondues. L’hôtellerie a surtout été portée par la clientèle de tourisme, notamment celle en provenance des marchés émergents qui bénéficient aux catégories Grand luxe. Les catégories qui se positionnent sur la clientèle individuelle et d’affaires ont été plus affectées par le contexte actuel.
BIH: Beaucoup parlent, au sujet de l’investissement hôtelier à Paris, de spéculation immobilière. Etes-vous de cet avis ?
PG: Oui, le marché parisien est spéculatif du fait du manque d’offres, avec des opérateurs qui cherchent à s’installer coûte que coûte. De plus en plus souvent, nous dépassons le multiple de cinq fois le chiffre d’affaires dans l’acquisition d’un fonds de commerce à Paris alors qu’auparavant, le multiple était compris entre trois et quatre fois le chiffre d’affaires. C’est un phénomène qui s’accélère et qui ne connaît pas de tassement.
BIH: Quels profils présentent les investisseurs ?
PG: Jusqu’à la catégorie 4*, les investisseurs sont surtout français. Au-delà, ce sont des investisseurs internationaux. Les fonds d’investissement restent très actifs et jouent un rôle déterminant dans la liquidité du marché. Ils dopent le marché parisien, mais le rendent également très spéculatif sur les prix. En Province, on constate ces derniers temps un engouement certain pour les Vefa (vente en l’état futur d’achèvement, ndlr) à un rythme que nous n’avions pas connu depuis les années 80. Les promoteurs affichent un véritable intérêt pour la création de nouveaux produits, dans toutes les grandes agglomérations comme Marseille, Lyon, Nantes ou Montpellier. Certains investisseurs, face à la complexité des mises aux normes, préfèrent également créer ex nihilo des établissements plutôt que d’en reprendre des existants.
BIH: Le marché est-il toujours confronté à une problématique de financement ?
PG: En ce moment, ce sont surtout les financements en crédit-bail qui parviennent le mieux à sortir et les banquiers régionaux qui continuent à jouer un rôle déterminant pour financer des projets régionaux, avec des acteurs qu’ils connaissent bien.
BIH: En termes d’investissement, qu’anticipez-vous pour cette année ?
PG: Il y a une vraie liquidité du marché aujourd’hui, que nous pouvons constater avec le nombre de mandats sur lesquels nous travaillons aujourd’hui. Les investisseurs continuent d’afficher un véritable intérêt pour cette classe d’actif, qui présente des rendements sécurisés et de bonnes performances, même en temps de crise. Les investisseurs individuels et les fonds d’investissement se montrent intéressés par tous les hébergements touristiques, y compris l’hôtellerie de plein air. Je pense qu’en termes de volumes investis, les montants seront supérieurs en 2012 à ceux enregistrés l’année dernière, avec plusieurs portefeuilles actuellement sur le marché. Partout en France, ce sont surtout des single assets qui sont cédés. Des cessions qui ne sont pas dues à des situations financières critiques, mais plutôt à la volonté d’investisseurs privés de vendre des établissements pour lesquels ils sont arrivés au bout de la création de valeur. En revanche, en province, il n’y a pas assez de produits pour satisfaire l’appétit des investisseurs, notamment en termes de capacité et de mises aux normes.
BIH: Quel bilan pouvez-vous dresser de l’entrée en vigueur des nouvelles normes hôtelières ?
PG: Les nouvelles normes sont pour moi un succès mitigé. Nous avons pu constater des surclassements d’hôtels, qui étaient auparavant classés 3* et qui sont aujourd’hui classés 4*, sans avoir eu trop d’efforts à faire. La lecture de l’offre hôtelière française est désormais plus homogène vis-à-vis de nos voisins pour un client étranger, surtout pour ce qui concerne les catégories 4 et 5 étoiles. Le classement 5 étoiles peut toutefois s’avérer un choix à réaliser en conscience ; certes, ceci tend à favoriser l’accueil de clientèles individuelles à forte contribution, mais à contrario, ceci peut également être repoussoir pour certaines entreprises dans le cadre de l’organisation de séminaires.

 

Mots-clés : Philippe Gauguier, RevPAR