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Point de vue de Marc Gedoux, Pierre Etoile

Le « Duflot » est-il un nouveau « Scellier » ?

Jusque dans la médiatisation, tout s'est passé comme si la longue série de dispositifs fiscaux favorables à l'investissement locatif privé se poursuivait avec la création d'un nouvel avantage et de son intégration au projet de loi de finances initial pour 2013 de la part de notre Ministre du Logement et de l'Egalité des territoires, Cécile Duflot. La presse a parlé du « Duflot », comme naguère du « Scellier », ou jadis du « Périssol », du « De Robien » ou du « Méhaignerie » - qui fut le premier de ces dispositifs. Pourtant, la mesure récemment calibrée est différente de celles qui l'ont précédée depuis 30 ans.

Il ne saurait être question de prétendre que ce nouveau dispositif ne présente pas d'intérêt pour les investisseurs, quand les autres étaient indubitablement attractifs. Il s'agit seulement de ne pas se leurrer et de ne pas tromper les français.

Un seul chiffre en dit long : alors que le « Scellier » avait un coût budgétaire annuel de l'ordre de 350 millions d'euros en moyenne (410 en 2010, 300 en 2011, sans doute moins en 2012), le « Duflot », au terme du projet de loi de finances initial et avant le débat parlementaire, coûtera...35 millions ! Soit dix fois moins. La raison est simple : l'Etat a pour priorité la réduction des déficits à hauteur de 3 % du PIB, et les moyens sont comptés pour soutenir l'activité sans obérer l'avenir du pays. D'ailleurs, s'il est un secteur dans lequel on sait l'importance de la vertu budgétaire, c'est bien l'immobilier.

Que penser du « Duflot » ? Que les critères fixés pour en profiter vont à l'évidence réduire le nombre d'opérations éligibles. Ces critères sont de plusieurs ordres. Le plus important est la localisation du logement, puisque le dispositif ne sera effectif que dans les territoires où les besoins locatifs sont avérés. Au demeurant, comment critiquer cette précaution, qui va éviter aux investisseurs d’acquérir des logements qui peineraient à trouver locataires preneurs ? On évitera des drames et on redorera le blason de l’investissement immobilier que les dispositifs précédents avaient terni pour quelques centaines de logements vacants, alors que des milliers avaient été loués sans difficulté. Quant aux critères de modération des loyers, qui devront être inférieurs de 20 % aux loyers de marché, et de plafond de ressources des locataires, ils orientent clairement les investissements vers des logements adaptés aux ménages intermédiaires. On sait que c'est dans cette tranche de population que les besoins sont les plus forts et les attentes les moins satisfaites dans les agglomérations. Enfin, les logements acquis devront répondre à des normes exigeantes d'économie d'énergie, au même titre que le « Scellier » avec le label BBC.

La ministre annonce 40 000 logements neufs dès 2013. Des esprits chagrins parlent plutôt de 25 000, prenant pour référence le dispositif « Besson » datant d’une quinzaine d'années, proche par son calibrage. Ce sont en fait les professionnels qui détiennent une grande partie de la réponse. Il appartient aux promoteurs d'entrer dans ce nouveau dispositif avec détermination, de travailler l'offre foncière des zones éligibles, et d'ajuster les équilibres financiers des opérations pour proposer des prix de vente et des rendements locatifs corrects, tout en ne négligeant pas l’habitabilité et le confort du logement. Ce dernier critère a toute son importance, le risque étant de voir revenir à la vente des biens « déclassés », de trop petite superficie, qui auront du mal à trouver preneur à la fin de l’avantage fiscal. En résumé, de terminer en mauvais investissements.

A ce stade, l'honnêteté commerciale est de mise et distinguera les bons professionnels. Non, la rentabilité ne sera pas celle que le Scellier a servi jusqu’en 2011. Non, ce dispositif ne sera pas sans intérêt pour les ménages, pour deux raisons majeures.

Tout d'abord, le « Duflot » conduit à construire dans des endroits tendus, où le risque de perte en capital est inexistant, alors que les précédents dispositifs pouvaient diriger vers des villes dans lesquelles l'évolution positive des valeurs n'était pas attestée. On a même vu des situations dans lesquelles l'investisseur devait faire face à des moins-values à la revente, au terme du contrat fiscal, quand l'achat s'était porté sur un site économiquement peu porteur. Il faut d’ailleurs ajouter que le régime de taxation des plus-values, inconsidérément alourdi en 2011, sera peut-être allégé sous peu. Notons enfin que, dans l'avenir, seuls les logements récents, confortables et économes en énergie se négocieront aisément, et ménageront une plus forte plus-value que ceux qui sont à cet égard en retrait technique et à l’habitabilité contestable.

De ce fait, la situation présente bien des atouts : les risques d'investissements mal situés disparaissent et le réalisme des niveaux de loyer écarte le danger de la vacance locative. Le loyer d’un logement neuf fixé au-dessous des prix du marché aura deux vertus : la stabilité du locataire, avec des revenus constants pour le bailleur, et la vacance de logements anciens énergivores, que les locataires n’hésiteront pas à quitter au profit des appartements « Duflot ».

Le « Duflot » n'est pas un « Scellier ». Il est simplement un dispositif d'un autre ordre, loin d’être inférieur, bien au contraire. Ceux qui s’y attarderont, particuliers et professionnels, en prendront rapidement conscience, et dépasseront la nostalgie fiscale, qui ne mène à rien.

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