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Point de vue de François Gagnon, Era

Logements vacants : le miroir aux alouettes de la politique du logement

La politique du logement a ses vieilles lunes. Voici que Madame Cécile Duflot brandit à son tour la menace de la réquisition, après avoir réactivé le mécanisme existant, mais un peu ensommeillé, de la taxe sur la vacance et avoir accru sa sévérité.

Elle s'inscrit à cet égard dans la droite ligne de ses prédécesseurs aux affaires, de Jacques Chirac, maire de Paris, à Marie-Noëlle Lienemann, ministre du Logement, en passant par Pierre-André Périssol dans le gouvernement d'Alain Juppé, Premier ministre. En clair, la question n'est pas idéologique... C'est bien pire : elle résulte d'une erreur d'appréciation, qu'il est temps de dénoncer.

Les pouvoirs publics ont accrédité la thèse que les propriétaires étaient prêts à tous les incivismes et à toutes les absurdités économiques. Ainsi, l'opinion a fini par penser que, par méchanceté ou par désespoir, une majorité de bailleurs personnes physiques préférait laisser leur logement en jachère plutôt que de s'embarrasser d'une faible rentabilité et d'une exploitation délicate.

Seulement voilà, c'est faux. Deux indices de taille : lorsque le Président Chirac en 1995 a voulu réquisitionner 1 000 logements, il n'a trouvé que des immeubles en cours de réfection appartenant à des investisseurs institutionnels... que l'État a achetés et transformés en logements sociaux. Madame Lienemann, en 2001, n'a pas fait différemment pour trouver 300 appartements dans la capitale intra-muros, avec à terme la même ingénierie financière... Bref, de la poudre aux yeux, du symbole si vous voulez, en tout cas pas le début d'un filon de solution politique. Second signe de l'inanité de ce moyen, la taxe sur la vacance : depuis qu'elle existe, consistant en gros en une taxe d'habitation négative, l'exercice de lever l'impôt coûte plus cher que le rapport de l'impôt lui-même, tellement sont rares les logements passibles de sanction. L'administration envoie à l'aveuglette des avis, qu'elle est conduite à annuler lorsqu'elle connaît la situation du logement. Pourquoi ? On en arrive au sujet de fond, celui de la réalité et du fantasme de la vacance.

C'est en 1991 que l'État français s'est pour la première fois attaché à comprendre le mécanisme de la vacance des logements en cœur de ville, là où le marché locatif est structurellement tendu. Trois types de vacance résidentielle ont été identifiés : la vacance technique, lorsque des travaux de rénovation sont engagés au départ d'un locataire, ou après une acquisition avant mise sur le marché locatif, ou encore lorsqu'un bien est l'enjeu d'une succession en cours de liquidation ; la vacance de friction, quand un bailleur ou son mandataire peinent à trouver un locataire ; et la vacance spéculative, fruit d'une volonté de ne pas louer.

Toutes les décisions de taxation ou de réquisition visent la troisième catégorie, par principe condamnable. Problème : sur 100 logements, elle en concerne 1 et le plus souvent de façon provisoire. En effet, au nom de quelle logique un investisseur préfèrerait-il acquitter la taxe foncière, la taxe sur la vacance, laisser se dégrader le bien du fait de l'inoccupation, se priver de tout revenu foncier, fût-il modeste, s'exposer au squat, plutôt que de louer ? Oui, il y a des cas d'exaspération, quand un bailleur sort d'un long contentieux avec un preneur indélicat, mais ils sont rarissimes et ne durent que quelques semaines, le temps que le traumatisme fasse place à la raison. Ces cas, en outre, ne concernent que le tiers du parc autogéré ; lorsqu'un administrateur de biens est dans le jeu, il n'y a pas de débat pour un motif évident : ses honoraires sont prélevés sur les loyers encaissés !

En somme, ce qu'il est convenu d'appeler une fausse bonne idée. Au passage, on favorise une psychose des investisseurs, qui se sentent la cible d'une sorte d'opprobre publique et politique. Certes, la situation de beaucoup de ménages envers le logement est préoccupante en France. Faut-il pour autant faire feu de tout bois ? Que gouvernement et parlement s'emploient à identifier les leviers les plus puissants. Les Français n'attendent pas qu'on s'agite pour le logement, mais qu'on agisse.

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