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Binaire, vous avez dit binaire…

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Il faut lire plus souvent les magazines d’actualités pour mesurer le fossé qui sépare un monde idéologique du monde économique. Cette semaine, c’est l’hebdo Marianne qui décroche le pompon, avec un article sur les bureaux bourrés d’approximations et d’inexactitudes, avec un zeste de mauvaise foi. Que dit cet article ? En substance que les investisseurs préfèrent garder leurs bureaux vides plutôt que de les louer !? Que de les louer en habitation, s’entend. Il est vrai qu’un plateau nu, sans cuisine, ni salle de bains, avec une profondeur de 18 mètres, pourrait faire un joli loft post-tertiaire pour quelques hipsters en quête d’un nouveau « lifestyle ».

Plus sérieusement, Marianne pointe un sujet sensible en Ile-de-France. Celui d’un déséquilibre entre une sur-offre de bureaux (dont beaucoup sont obsolètes) et une pénurie de logements, pointé notamment par une étude de Jean-Michel Ciuch, président du cabinet d’expertise Immoconsulting. Mais en tire des conclusions caricaturales. Ainsi, les premiers responsables sont les investisseurs immobiliers – privés ou institutionnels, on ne fait pas la distinction – qui sont tous à mettre dans le même panier, celui du « vilain spéculateur ». Des investisseurs aussi avides que stupides, « abusés par le discours financier des courtiers anglo-saxons » Dixit. C’est bien connu, la mauvaise graine est toujours de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique.

L’hebdomadaire en met une petite couche également sur les politiques, coupables d’avoir privilégié le bureau au logement. Et d’en payer aujourd’hui la double peine : bureaux vides, logements absents. Avec ce raisonnement binaire, on omet (volontairement ?) que certains territoires franciliens ont retrouvé une dynamique positive grâce à l’activité économique. Voyez Saint-Denis, Montreuil, Regardez demain Aubervilliers, Ivry-sur-Seine, ou Choisy-le-Roi. Autant de communes de l’ancienne ceinture rouge parisienne qui intègrent la dimension économique dans leurs stratégies urbaines. Et que beaucoup de cités dortoirs aimeraient pouvoir imiter pour sortir de leurs conditions. Amener les entreprises sur son territoire ne s’est pas résumé uniquement à une histoire de taxe professionnelle. Feu soit-elle.

Sorti du constat, quelles sont les solutions proposées ? La transformation de bureaux en logements est finalement beaucoup plus complexe qu’elle n’y paraît. Même la reconversion d’immeubles haussmanniens à leur première vocation n’est pas viable économique sans EPO fiscale. La taxation des bureaux vides, proposée par le député (PS) Christophe Caresche, réactivée par son homologue de Seine-Saint-Denis Daniel Goldberg, est pour le coup la vrai double peine. Imposer une mixité minimale aux investisseurs immobiliers dans leur portefeuille comme le suggère Marianne peut apparaître séduisante, mais risque de se transformer rapidement en épouvantail. Elle pourrait se concrétiser au niveau du territoire, avec un peu de courage politique et financier… le jour où l’on arrêtera en France d’opposer le bureau au logement, l’économie au social, le privé au public… Le jour, où l’on arrêtera de raisonner binaire !

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