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Régis Chemouny, KPMG Audit

Les enjeux de la communication financière des sociétés foncières cotées

KPMG et la Fédération des Sociétés Immobilières et Foncières (FSIF) ont récemment publié la sixième édition de l’étude de benchmark relative à la mise en œuvre des normes IFRS et à l’information financière des sociétés foncières cotées. L’étude porte sur un panel de vingt SIIC. Elle vise à analyser l’information financière de ces sociétés. Cette nouvelle édition de l’étude témoigne des efforts continus des sociétés foncières cotées pour favoriser la comparabilité de leur information financière. Il est vrai que les différents rapports de l’EPRA ont apporté un cadre structurant et permettent d’initier des réflexions de place sur des problématiques d’actualité, telles qu’environnementales.

Rappel sur les principales thématiques comptables

L’évaluation des immeubles de placement (norme IAS 40)

Selon la norme IAS 40, un immeuble de placement doit être évalué, lors d’une acquisition réalisée en dehors d’un regroupement d’entreprises, au prix d’achat incluant les coûts de transaction (honoraires juridiques, droits de mutation…).

La société doit ensuite choisir comme méthode comptable de valorisation des immeubles de placement soit le modèle de la juste valeur, soit le modèle du coût amorti. Elle doit appliquer cette méthode de façon homogène à tous ses immeubles de placement.

La juste valeur correspond à la valeur d’expertise hors droits, c’est-à-dire sans prise en compte des coûts de transaction liés à la vente de l’immeuble et doit refléter les conditions de marché à la date de clôture.

Le choix de la méthode comptable comporte des incidences financières significatives sur le résultat et/ou la situation nette de la société foncière.

Dans le cas de l’option pour la méthode de la juste valeur, les variations de juste valeur, mise à jour à chaque arrêté comptable, doivent être comptabilisées en résultat, conduisant ainsi à une plus grande volatilité de ce dernier en fonction de la conjoncture du marché immobilier. De plus, lors de l’acquisition, se pose le problème des coûts de transaction supportés par la foncière qui viennent majorer la valeur comptable initiale de l’immeuble. Les coûts de transaction n’étant pas valorisés dans la juste valeur, ils sont comptabilisés en résultat, dès le premier arrêté suivant l’acquisition, en l’absence d’augmentation de juste valeur suffisante sur la période pour compenser le montant de ces coûts.

Dans le cas de l’option pour la méthode du coût amorti, l’information relative à la juste valeur du portefeuille immobilier, également mise à jour à chaque arrêté comptable, doit être mentionnée dans les notes de l’annexe.

Le reclassement des actifs non courants détenus en vue de la vente (norme IFRS 5)

La norme IFRS 5 « Actifs non courants détenus en vue de la vente et activités abandonnées » précise qu’un actif non courant doit être classé comme détenu en vue de la vente si sa valeur comptable est recouvrée principalement par le biais d’une transaction de vente plutôt que par l’utilisation continue, et que la vente est hautement probable.

La norme considère que la vente d’un actif est hautement probable dès lors que :
• un plan de vente de l’actif a été engagé par un niveau de direction approprié ;
• l’actif est activement commercialisé à un prix raisonnable par rapport à sa juste valeur actuelle ;
• il est probable que la vente soit conclue dans un délai d’un an sauf circonstances particulières.

Les actifs détenus en vue de la vente doivent être présentés séparément au bilan et évalués au montant le plus bas entre leur valeur comptable et leur juste valeur diminuée des coûts de la vente.

Les objectifs de la réforme de la norme IAS 17 

L’objectif de ce projet élimine l’obligation faite par IAS 17 de distinguer le contrat de location simple du contrat de location-financement, afin de lui substituer un modèle unique de comptabilisation des contrats de location, applicable à tous les preneurs et bailleurs.

Avec ce projet, l’IASB vise notamment à répondre aux critiques formulées de longue date à l’encontre de la comptabilisation des contrats de location jugée d’une part trop permissive en matière de traitement hors bilan par les preneurs, et d’autre part trop complexe et soumise à des règles arbitraires.

Les nouvelles normes de consolidation et de partenariat

Le caractère consolidant ou non consolidant des montages est essentiel pour les sociétés foncières dans la conduite de leurs opérations de croissance externe. Les nouvelles normes de consolidation (IFRS 10) et de partenariat (IFRS 11), vont modifier les critères d’analyse du contrôle et des règles de consolidation des participations, entrainant également la disparition de l’intégration proportionnelle aujourd’hui applicable aux entités co-contrôlées. Quant à la norme IFRS 12, consacrée aux notes d’annexe concernant les intérêts détenus dans d’autres entités, elle va accroître de façon significative les informations qualitatives et quantitatives à présenter en annexe.

La date d’application de l’ensemble de ces nouveaux textes (IFRS 10, IFRS 11, IFRS 12, IAS 27 et IAS 28 amendés) est le 1er janvier 2013. IFRS 12 peut toutefois être « anticipée » seule en tout ou partie. Dans le contexte européen, cette date d’application obligatoire sera vraisemblablement reportée aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014.

Les enjeux de la communication financière

L’année 2012 marque la « maturité » de cette industrie, comme l’illustre le renforcement des fondamentaux économiques et financiers des sociétés foncières. Depuis près de trois ans, les sociétés foncières se sont efforcées de réduire leur ratio d’endettement (« Loan to Value ») et de limiter l’effet de levier de la dette. Cela ne peut que rassurer les actionnaires ainsi que les investisseurs, même si les décotes sur les ANR (« Actif Net Réévalué ») déjà revus à la baisse restent dans certains cas significatifs.

La structure financière des sociétés foncières

L’année 2012 a été marquée par une forte volatilité et une très grande nervosité des marchés financiers. Le secteur de l’immobilier n’a pas été épargné par ce contexte économique incertain.

Les taux d’intérêt, à court et long terme, sont restés relativement bas en 2011 et 2012 avec une très grande volatilité à court terme du fait notamment de la faible croissance et des incertitudes liées à la crise de la dette souveraine. Dès lors, le niveau des financements bancaires s’est contracté.

Les acteurs du marché immobilier ont souhaité renforcer leurs ressources bancaires à moyen terme et diversifier leurs ressources financières, ceci afin de conserver un potentiel de financement pour des investissements futurs.

La majorité des sociétés de l’échantillon précise, dans leur rapport annuel, la nature et la maturité de ses financements. Ces sociétés publient également toutes un échéancier de leurs dettes.

La mise en place de nouvelles ressources financières

Au cours de l’exercice, la majorité des foncières a poursuivi le renforcement et la diversification de ses ressources bancaires à moyen et long terme. Toutes les sociétés foncières ont communiqué sur la nature et le coût de leur financement.

Toutes les sociétés de l’échantillon présentent leur financement par nature.

La majorité d’entre elles mentionne également les nouveaux financements mis en place sur l’exercice.

75 % des foncières de l’échantillon ont mis en place de nouvelles lignes de crédit. Il s’agit le plus souvent de nouveaux emprunts obligataires (de type Ornane, OBSA,…).

Le coût moyen de la dette

Les sociétés foncières de l’échantillon disposent d’un coût moyen de financement qui s’est amélioré entre les exercices 2010 et 2011.

75 % des sociétés de l’échantillon communiquent sur leur coût moyen de la dette.

La durée moyenne de financement

La majorité des sociétés a cherché à stabiliser la durée de vie moyenne de sa dette mentionnée dans leur rapport annuel.

Toutes les foncières présentent leur financement par maturité. La majorité d’entre elles communique un échéancier de leur dette année par année.

85 % des sociétés foncières communiquent sur la durée moyenne de leur financement.

Le calcul et la présentation de l’Actif Net Réévalué (ANR)

Compte tenu des impacts importants relatifs à la mesure de la performance et à la comparabilité de cette performance entre les différentes foncières, l’EPRA fournit un guide de calcul de l’Actif Net Réévalué (ANR) en indiquant une liste des ajustements à effectuer.

La majorité des foncières calcule l'ANR conformément aux recommandations de l'EPRA :

Net asset value per share (NAV)
NAV per share per the financial statements
Effect of exercise of options, convertibles and
other equity interests
Diluted NAV, after exercise of option, convertibles
and other equity interests
(i) Revaluation of investment properties, development
properties held for investment and other
non current investments
(ii) Fair value of tenant leases held as finance
leases
(iii) Fair value of trading properties
(iv) Fair value of financial instruments
(v) Deferred tax
Diluted EPRA NAV

Toutes les sociétés foncières de l’échantillon ont communiqué sur le niveau de leur ANR par action. La majeure partie d’entre elles a d’ailleurs constaté une augmentation du niveau de l’ANR par action sur l’exercice 2011.

L'ANR est devenu l'un des principaux indicateurs communiqués par les sociétés foncières

Triple net asset value (NNNAV)
Diluted EPRA NAV
(i) Fair value of financial instruments
(ii) Fair value of debt
(iii) Deferred tax
Diluted EPRA NAV

La majorité des sociétés foncières communique sur :
• un « ANR de liquidation » : il s’agit de la valeur du patrimoine hors droits de mutation sur les titres et les immeubles de placement ;
• un « ANR de remplacement » : il permet de mesurer la valeur du patrimoine en incluant les droits et frais d’acquisition des actifs.

Contrairement aux précédentes années, la majorité des sociétés foncières communique également sur un « ANR EPRA Triple Net ». Toutes les sociétés foncières détaillent le calcul de leur ANR dans le document de référence. La majorité des sociétés foncières précise que les actions d’autocontrôle sont déduites dans le calcul de l’ANR. 40 % des sociétés de l’échantillon précisent qu’elles ont pris en compte une dette à taux fixe dans le calcul de leur ANR.

Calcul et présentation du résultat par action et du résultat récurrent

L’EPRA recommande le modèle de calcul suivant du résultat par action récurrent :

Earning per share (EPS)
Diluted EPS per IFRS income statement
(i) Revaluation movement on investment properties,
development properties held for investment
and other investment interests
(ii) Profits or losses on disposal of investment
properties, development properties held for
investment and other non current investment
interests
(iii) Tax on profit or losses on disposals
(iv) Negative goodwill / goodwill impairment
(v) Movement in fair value of financial instruments
(vi) Deferred tax
(vii) Minority interests in respect of the above
Diluted EPRA NAV

En 2010, une seule société foncière de l’échantillon présentait un calcul du résultat par action conformément aux recommandations de l’EPRA. En 2011, huit sociétés foncières le présentent ainsi.

Le « Grenelle II » de l’environnement

La loi du 12 juillet 2010, dite loi « Grenelle II » portant sur l’engagement national pour l’environnement, propose des mesures pour respecter les engagements et atteindre les objectifs du Gouvernement en matière d’environnement et de développement durable (notamment la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité ou encore, la contribution à un environnement respectueux de la santé). « Grenelle II » introduit donc de nouvelles obligations en termes de communication des données extra-financières, en particulier une obligation de vérification par un tiers indépendant.

Les articles 75 et 225 de cette nouvelle loi et leurs décrets d’application comportent notamment les exigences suivantes :

• l’extension des obligations de communication environnementale, sociale et sociétale à d’autres que les sociétés cotées (décret du 24 avril 2012) ;
• la vérification par un organisme tiers indépendant des informations sociales, environnementales et sociétales ;
• l’obligation de réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre pour le 31 décembre 2012. Ce bilan rendu public doit être mis à jour tous les trois ans ;
• l’obligation de réaliser une synthèse des actions envisagées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (décret du 11 juillet 2011).

Les dates d’application de ces nouvelles obligations sont pour les sociétés foncières cotées les exercices ouverts après le 31 décembre 2011.

Ainsi, avec la loi du 12 juillet 2010, l’information financière se met au service de la cause environnementale. Dès lors, les initiatives se multiplient pour converger vers un investissement socialement responsable.

2013 sera-t-elle une année de changement dans le paysage des sociétés foncières cotées ou faut-il penser qu’il est encore urgent d’attendre ? Il ne semble pas qu’une reconfiguration de l’actionnariat des sociétés foncières soit une priorité absolue, notamment au regard des contraintes de refinancement. Certes, les décotes sur ANR sont propices à une reconfiguration du paysage des SIIC, toutefois elles rendent également les accords entre les parties plus difficiles, dans un climat d’incertitudes conjoncturelles et fiscales. Les exemples récents des dernières transactions réalisées en 2012 ont démontré, dans un certain nombre de cas, la primauté d’un modèle industriel, créateur de valeur sur les purs aspects spéculatifs.


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