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Lefèvre, Pelletier & Associés

Investissements chinois dans l’immobilier français : quelles contraintes juridiques ?

Les Chinois réalisent désormais plus de transactions sur le continent européen que l’Union européenne n’effectue d’investissements en Chine. Les investissements chinois dans l’immobilier français sont encore peu nombreux, mais doublent d’année en année. Ils ont déjà réalisé diverses acquisitions dans les vignobles, les châteaux français mais également dans les hôtels et bureaux parisiens. A ce rythme, les investisseurs chinois compteront parmi les acteurs incontournables du monde immobilier français sous peu.

Silke Nadolni, MRICS, Avocate à la Cour, Associée et Ran Hu, Legal Adviser China Desk, cabinet Lefèvre, Pelletier & Associés.

Les investisseurs chinois peuvent ainsi s’interroger sur les contraintes juridiques liées à leurs investissements dans l’immobilier français.

Le principe est simple : le droit français offre un système juridique très sûr pour tout investisseur et il n’existe aucune exception pour les investisseurs chinois.

De manière plus précise, il peut être retenu ce qui suit :

- Le droit immobilier français ne prévoit aucune contrainte spécifique pour un investisseur étranger, et donc chinois.
- Le Conseil constitutionnel français a reconnu au droit de propriété valeur constitutionnelle, au même titre que la liberté d’entreprendre. Il s’agit donc d’un « principe fondateur » de la démocratie qui ne saurait être vidé de son sens par le législateur même en cas d’alternance politique. Le droit de propriété est en France un droit absolu.
- Le système juridique français permet pour tout investisseur chinois d’acquérir la pleine propriété du bien immobilier, à perpétuité. Si le droit français connait des aménagements de la propriété comme la copropriété (comme, par exemple, pour un appartement acquis dans un immeuble haussmannien à Paris) ou la division en volume (comme souvent pour une tour de bureaux à La Défense), il ne s’agit pas d’entorses au droit absolu de propriété : le propriétaire d’un bien en copropriété ou d’un lot de volume doit certes respecter les autres propriétaires et leur détention commune du bien immobilier dans son ensemble être organisée, mais il n’en demeure pas moins unique propriétaire de sa part dans la copropriété ou la division en volume. Cette propriété n’est pas limitée dans le temps (sauf exceptions rares), ce qui implique qu’elle se transmet en cas de décès de son propriétaire à ses héritiers. De même, la propriété d’une personne morale (une entreprise) se transmet, en cas de transmission de son patrimoine, comme dans le cas d’une fusion ou d’une absorption.

- Si l’acquisition du bien immobilier est effectuée à titre d’investissement, les baux signés avec les locataires offrent la sécurité du rendement locatif. En effet, les loyers sont en principe librement fixés par les parties et peuvent suivre certaines indexations en s’orientant à des indices publiés par l’Institut national de la statistique et des études economiques (Insee).
- Les locataires de bureaux ou de commerce ne peuvent résilier les baux qu’à des périodes déterminées par le contrat de bail. Le statut des baux commerciaux, reposant sur un décret du 30 septembre 1953, ne permet aux locataires de résilier leur bail que tous les trois ans, étant précisé que le locataire peut renoncer à son droit. L’investisseur bénéficie là encore d’une grande sécurité juridique.

Certains montants d’investissement dans l’immobilier (ou dans un autre domaine) sont, le cas échéant, susceptibles de permettre l’obtention d’un titre de séjour. A titre d’exemple:
• la carte de séjour « compétences et talents » (valable pour une durée de trois ans renouvelable) peut être délivrée à un investisseur créateur d’activités, porteur d’un projet comportant un investissement en immobilisations corporelles ou incorporelles d’au moins 300 000 € ;
• la carte de résident (valable pour une durée de dix ans renouvelable) peut être délivrée à un investisseur qui a effectué ou s’engage à effectuer en France un investissement en immobilisations corporelles ou incorporelles d’au moins 10 M€.

En règle générale, les investissements chinois se pratiquent à travers des sociétés, de préférence à responsabilité limitée. Le système juridique chinois est, en effet, familier des sociétés à responsabilité limitée, telle la SARL (société à responsabilité limitée) ou la SAS (société par actions simplifiée). Par contre, les investisseurs chinois connaissent moins la société civile immobilière (SCI), dans laquelle les associés sont indéfiniment tenus aux dettes sociales chacun à hauteur de ses engagements dans la société, et qui est un véhicule usuel pour les investissements du patrimoine familial.

Tout dirigeant d’une société française sera considéré comme un commerçant au titre de la législation française et devra s’assurer d’être titulaire des titres de séjour requis, variant notamment en fonction de l’établissement de la résidence en France ou non.

Du côté de la Chine, le projet d’investissement direct à l’étranger doit faire l’objet d’un processus d’approbation administrative. En fonction du montant d’investissement et de son ampleur, l’autorité compétente en la matière pourra être le bureau de commerce et d’industrie au niveau de la province, voire le ministère du Commerce. En dehors de ladite approbation, il faut ajouter la surveillance du SAFE (« State Administration of Foreign Exchange ») en matière du contrôle des changes. A noter que, pour les sociétés d’état, le processus d’autorisation est aisé à passer.

Notons également que les compagnies d’assurance chinoises sont, depuis une circulaire d’application d’octobre 2012 publiée par La China Insurance Regulatory Commission notamment, autorisées à investir dans les biens immobiliers tertiaires localisés dans les quartiers centraux de villes importantes de certains pays développés, à condition pour ces biens, de présenter une rentabilité stable. Parmi la liste des 25 pays figure la France, ce qui laisse présager des investissements dans les immeubles tertiaires à Paris et dans d’autres grandes villes françaises.

Enfin, tous les acteurs de l’immobilier français se sont désormais équipés pour travailler au mieux pour les investisseurs chinois : les agents immobiliers, les études notariales, les consultants et les cabinets d’avocats spécialisés en droit immobilier (comme Lefèvre Pelletier & Associés) se sont dotés de « chinese desks », composés d’équipes françaises et chinoises susceptibles de conseiller les investisseurs chinois dans leur langue et de comprendre leurs soucis particuliers.

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