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Point de vue de Michel Fréchet, CGL

Sécurité sociale logement : un cercle vicieux qui va creuser les inégalités

Le projet de loi Duflot, présenté en Conseil des Ministres le 26 juin dernier, prévoit notamment la création d’une « Sécurité sociale du logement » destinée à protéger les propriétaires contre les impayés de loyers et par conséquent à réduire le nombre d’expulsions. La principale piste repose sur la participation financière des locataires et des bailleurs, qui alimenteraient une caisse permettant d'indemniser ces derniers en cas d’impayés. Michel Fréchet, président de la Confédération générale du logement (CGL) revient sur cet aspect du projet de loi qu’il juge totalement injuste.

Plusieurs pistes sont examinées par Cécile Duflot pour prévenir des impayés de loyers en France. La solution privilégiée consisterait à faire payer une cotisation de 1 à 2 % sur le loyer, répartie à parts égales entre tous les locataires et les bailleurs. Pour la CGL, faire participer les locataires à la constitution de cette caisse serait une véritable injustice. D’autant plus que seulement 3 % des locataires ne payeraient pas leur loyer. Ce problème relève donc plutôt de la solidarité nationale et non des seuls locataires.

Aujourd’hui, le paiement des loyers et des charges est devenu insupportable pour beaucoup de ménages. Certains loyers représenteraient 35 à 40 % des revenus des familles. Cette mesure contribuerait à charger encore un peu plus les locataires, majoritairement bons payeurs. Il serait plus judicieux de réfléchir aux aides sociales à mettre en place plutôt que de solliciter les locataires, dont une partie peine déjà à subvenir à ses propres besoins. Laisserait-on un industriel obliger ses salariés à souscrire à une assurance en cas de pertes ?

L’autre alternative serait de rendre obligatoire aux propriétaires l’assurance contre les loyers impayés. La CGL trouve cette mesure plus raisonnable. Cette solution n’impliquerait pas les locataires et semble donc à privilégier. Un propriétaire reste un investisseur et prend par essence des risques ! Curieusement, aucune organisation de bailleurs ne propose de partager les bénéfices réalisés par les sociétés immobilières. Pourtant, selon les comptes du logement 2012, le total des loyers encaissés par les propriétaires du parc privé est passé de 29 Mds€ en 2001 à 41,6 Mds€ en 2011, soit une progression de 11 %.

Il faut trouver d’autres solutions pour réduire les expulsions locatives. Tout d’abord, en cas d’impayé, la CGL recommande aux bailleurs de réagir très vite à travers un plan d’apurement des dettes dans le temps, afin de permettre aux locataires de s’organiser et d'éviter un recours en justice si le plan est respecté. Dans la situation de crise que nous vivons, les propriétaires doivent accepter de s’adapter aux difficultés rencontrées par les locataires lorsque des imprévus surviennent (séparation, maladie, chômage, etc.).

Toutefois pour résoudre le problème, il faut le prendre à son origine : le chômage progresse et les loyers ne cessent d’augmenter. La multiplication des expulsions est l’une des conséquences directes de la situation sociale de la France qui s’est s’aggravée. Un remaniement général de l’ensemble du système via notamment la remise à niveau des loyers s’impose.

Les inégalités s’accentuent et la mise en place d’une nouvelle charge sera un cercle vicieux : plus de retards de loyers et plus d’impayés. La CGL préconise la création d’une caisse nationale qui serait abondée par les bailleurs, par les dépôts de garanties des locataires, par le 1 % logement ainsi que par l’Etat et les collectivités locales. De nombreuses inconnues demeurent toutefois, notamment concernant le loyer des impayés : sera-t-il limité dans le temps ? Concernera-t-il la totalité du loyer ? Etc.