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Nicolas Boytchev et Emmanuelle Briand, Cabinet d’avocats Racine

Promesses de vente et conditions suspensives : attention aux délais

Emmanuelle Briand et Nicolas Boytchev © racine.eu

Des conditions suspensives sont usuellement stipulées dans les promesses de vente, qu’elles soient unilatérales ou synallagmatiques, afin de permettre au futur acquéreur de sécuriser l’opération envisagée.

On retrouve, de façon régulière, des conditions suspensives d’obtention d’un permis de construire définitif, d’un prêt ou encore de non exercice d’un droit de préemption.

D’autres conditions suspensives, spécifiques à l’opération envisagée, peuvent également être stipulées en fonction des difficultés rencontrées.

Si l’évènement prévu dans la condition s’accomplit, celle-ci est réalisée et la promesse de vente, sous réserve de sa levée d’option en cas de promesse unilatérale, vaut vente et peut être réitérée par acte authentique.

En revanche, si l’évènement prévu ne se réalise pas, la condition est défaillie et la promesse de vente est caduque de plein droit.

Ainsi, la réalisation ou non des évènements convenus conditionne la réalisation de l’opération dans son ensemble.

L’encadrement des conditions suspensives dans un délai déterminé, correspondant au calendrier économique des parties, est donc particulièrement important.

Par un arrêt du 21 novembre 2012, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rappelle l’importance de prévoir un délai spécifique pour la réalisation des conditions suspensives, distinct du délai de réalisation de la vente par acte authentique.

L’arret de la Cour de cassation du 21 novembre 2012

Des parties avaient conclu, en 2001, une promesse de vente sous trois conditions suspensives, stipulées dans l’intérêt exclusif des acquéreurs.

La promesse prévoyait une réitération par acte authentique au plus tard le 31 décembre 2004.

Toutefois, les parties n’ont apparemment pas réagi à l’issue de ce délai, le vendeur étant décédé peu de temps après.

Ce n’est que le 14 juin 2007, soit près de trois ans après la date d’expiration contractuelle de la promesse, une fois les conditions suspensives réalisées, que les acquéreurs ont mis en demeure les héritiers du vendeur de signer l’acte authentique de vente.

La Cour d’appel avait déclaré la vente parfaite, estimant que le délai de réitération par acte authentique stipulé dans la promesse ne constituait pas un terme extinctif, mais le point de départ à partir duquel l’une des parties pouvait obliger l’autre à s’exécuter.

La Cour de cassation confirme cette analyse, considérant que les conditions suspensives pouvaient parfaitement se réaliser postérieurement à l’expiration de ce délai, obligeant le vendeur à procéder à la vente trois ans après la date d’expiration contractuelle de la promesse.

Cette jurisprudence, publiée au bulletin de la Cour de cassation, rappelle l’importance de prévoir des délais précis pour la réalisation des conditions suspensives, tout comme d’ailleurs pour la réitération de la vente par acte authentique.

La stipulation d’un délai pour la réalisation des conditions suspensives

Lorsque les conditions suspensives sont enfermées dans un délai précis, les parties constatent, à l’expiration de ce délai, si l’évènement prévu s’est ou non réalisé.

Ce délai expire généralement un peu avant celui prévu pour la réitération par acte authentique de la promesse, afin de permettre au notaire, une fois que les parties savent si les conditions suspensives sont ou non réalisées, de réunir les derniers documents administratifs nécessaires à la finalisation de l’acte authentique et permettre ainsi sa signature.

Si l’évènement objet de la condition s’est réalisé, la promesse synallagmatique vaut vente et, dans le cas d’une promesse unilatérale, le bénéficiaire peut lever l’option.

Si, au contraire, l’évènement ne s’est pas réalisé, la condition suspensive a défailli et la promesse est devenue caduque de plein droit.

A noter, dans ce dernier cas, que les parties, ou celle au bénéfice de laquelle la condition a été stipulée, peuvent toutefois renoncer à se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive et conclure la vente.

Dans cette hypothèse, les choses sont simples et ne donnent pas lieu à interprétation : les parties savent, à l’expiration de ce délai, si la vente pourra ou non se réaliser.

Il en va différemment lorsque la promesse ne prévoit qu’un seul délai, celui de la date de signature de l’acte authentique.

Les conséquences de l’absence de délai de réalisation des conditions suspensives

S’il n’a pas été prévu, dans la promesse de vente, de délai pour la réalisation des conditions suspensives, l’article 1176 du code civil dispose que la condition « peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’évènement n’arrivera pas ».

Cette règle engendre une incertitude sur le délai de réalisation de la vente et la durée d’engagement des parties, ce qui n’est pas souhaitable.

La jurisprudence a, dans un premier temps, recherché l’existence d’un délai tacite souhaité par les parties.

Ainsi, certains arrêts ont admis qu’en l’absence de terme exprès, les parties avaient nécessairement voulu enfermer la réalisation des conditions suspensives dans un délai raisonnable (Cass 3ème civ. 3 février 1982 ; Cass. Com. 3 janvier 1991 ; CA Reims 17 janvier 1996).

Une telle position avait été adoptée en se fondant notamment sur l’absence de clause d’indexation ou d’actualisation du prix dans la promesse, les juges considérant que, dans ce cas, il était clair que l’intention des parties n’était pas de rester engagés dans un délai très long.

Toutefois, la Cour de cassation a ensuite censuré cette position, en revenant à une application stricte de l’article 1176 du Code civil.

Ainsi, par un arrêt du 19 décembre 2001, la Cour de cassation a considéré, s’agissant d’une condition suspensive portant sur l’extension d’une voie publique, datant de plus de 40 ans, que la Cour d’appel aurait dû vérifier qu’il était devenu certain que cette extension n’aurait pas lieu, avant de constater la défaillance de la condition.

Par l’arrêt du 21 novembre 2012 susvisé, elle réitère cette position, en validant l’exécution forcée d’une vente près de trois ans après le délai convenu entre les parties pour la signature de l’acte authentique de vente.

Elle considère ainsi que le délai fixé pour la signature de l’acte authentique de vente ne correspond pas nécessairement au délai de réalisation des conditions suspensives en l’absence de délai exprès. De la même manière en matière de promesse unilatérale de vente, elle considère qu’en l’absence de terme stipulé pour la réalisation de la condition suspensive, celui-ci peut tout à fait être postérieur au délai de levée d’option.

Cette position comporte une grande insécurité juridique et économique pour les parties, qui peuvent se retrouver obligées de conclure une vente à un prix déterminé plusieurs années auparavant.

Si, compte-tenu du temps écoulé entre le délai d’expiration contractuel de la promesse et la demande en réalisation forcée de la vente, l’immeuble a été vendu à un tiers, l’acquéreur ne pourra agir qu’en dommages-intérêts à l’encontre du vendeur.

L’arrêt du 21 novembre 2012 est également l’occasion d’attirer notre attention sur la rédaction de la clause relative au délai de réalisation de l’acte authentique de vente.

L’importance de la rédaction de la clause relative au délai de reitération de la vente par acte authentique

Dans l’espèce soumise à l’examen de la Cour de Cassation, la promesse prévoyait « que la vente sera réalisée par acte authentique (…) au plus tard le 31 décembre 2004 sauf prorogation jusqu’à l’obtention de la dernière pièce nécessaire au notaire rédacteur pour l’établissement de l’acte ».

Si ce type de clause est fréquent dans les promesses de vente, celles-ci font planer une incertitude sur les parties, dans la mesure où, compte-tenu de la jurisprudence, elles peuvent laisser perdurer une promesse pour une durée indéterminée. Il est, en conséquence, impératif de prévoir une date butoir au-delà de laquelle, en l’absence de réitération par acte authentique, la promesse est définitivement caduque, ainsi que d’encadrer le délai laissé aux parties pour demander l’exécution forcée de la vente, afin de ne pas se trouver dans l’obligation de conclure la vente plusieurs années après le délai de réalisation contractuel à un prix sans rapport avec la valeur de marché.

Ainsi, la jurisprudence nous rappelle l’importance qu’il convient d’accorder à la rédaction des clauses relatives aux délais dans les promesses de vente et au bon fonctionnement du mécanisme mis en place pour assurer son exécution.


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Mots-clés : Magazine 95