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Point de vue de Denys Brunel, La Chambre des propriétaires

La GUL : après l’exil fiscal, l’exil immobilier ?

Le projet de garantie universelle des loyers (GUL), intégré dans le projet de loi Alur qui sera très prochainement soumis au Parlement, consiste à obliger les propriétaires bailleurs à souscrire à une garantie pour couvrir le montant des loyers qu’ils pourraient ne pas recevoir si le locataire est mauvais payeur.

Dans un premier temps, les propriétaires bailleurs des moyennes ou petites villes de province qui rencontrent des difficultés à trouver des locataires solvables ont pu être séduits, mais ils ne pensaient pas qu’ils seraient les principaux financeurs d’un système très coûteux.

L’objectif du gouvernement est de remettre des logements sur le marché locatif français, notamment dans les zones dites tendues, que sont la région parisienne et de nombreuses grandes agglomérations. L’impact possible à ce titre reste très faible. La GUL, faisant peser des contraintes toujours plus lourdes sur les propriétaires et déséquilibrant davantage leurs rapports avec les locataires, risque d’écarter une majorité de candidats investisseurs. L’ensemble de ce dispositif va grever encore les rendements de l’immobilier locatif par ailleurs mis à mal par toute une série de mesures récentes ou prévues. On peut donc douter de l’efficacité de la GUL.

Le gouvernement a chiffré le coût de la GUL avec des lunettes roses. Tous les assureurs et tous les banquiers savent pertinemment que, dans un tel système, le coût des impayés dépend essentiellement de deux facteurs :
- la sélection à l’entrée (en l’occurrence la bonne adéquation entre le coût du loyer et les ressources réelles et durables du locataire),
- les sanctions qui découlent du non paiement (en l’occurrence, principalement l’expulsion). Par conséquent, une attitude plus laxiste sur ces deux facteurs ne peut que se retrouver dans les montants impayés et donc dans le coût de la garantie.

L’estimation du gouvernement reste hypothétique. Le dispositif coûterait, selon lui, entre 400 à 700 M€ par an. Il serait financé par une taxe de 1,5 à 2 % du montant des loyers, répartie à moitié entre le locataire et le propriétaire. Comment peut-il affirmer que le coût annoncé ne pourra pas augmenter ? Les examens sérieux du coût de la GUL conduisent à une taxe d’au moins 5 à 6 %. Très légitimement, les propriétaires peuvent craindre que l’essentiel de l’effort soit à leur charge.

A ce chiffrage, il faut ajouter le coût généré par l’administration qui sera mise en place à cet effet (locaux, salaires et frais des personnels affectés pour la gestion mais aussi pour la médiation vis-à-vis des locataires qui ne paieraient pas leur loyer). Face à des contraintes toujours plus fortes, les investisseurs vont préférer l’abstention et la fuite.

Les assurances relatives à la loi Duflot, qui font elles-mêmes suite à une accumulation de mesures très défavorables aux propriétaires (règlements, fiscalité), ont d’ores et déjà provoqué deux réactions chez les candidats investisseurs :
- l’abstention : les chiffres concernant l’investissement locatif sont tragiques,
- la fuite : ils continuent à investir dans l’immobilier locatif mais hors de nos frontières.

Considérer le propriétaire bailleur comme un suspect, un « pigeon » dont on peut sans dommage retirer un grand nombre de plumes, ne peut que conduire au désastre. En ce qui concerne les entreprises, après une attitude comparable lors des premiers mois, le gouvernement semble avoir compris que faire fuir les candidats investisseurs ne peut que déboucher sur des conséquences très graves sur l’emploi et sur les recettes fiscales. Le sujet est similaire en matière d’immobilier, nous sommes dans un monde ouvert, les capitaux sont mobiles, les investisseurs aussi. Internet, la mise en place de l’euro, les facilités de gestion offertes par les banques rendent faciles les investissements dans la zone euro, voire au-delà. Faire revenir la confiance et l’envie d’investir est le seul moyen de combattre la pénurie, laquelle conduit inévitablement à la hausse des prix, aux tensions et aux conflits exacerbés.