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Point de vue de Philippe Tannenbaum

Loyers : vers la fin du levier de l’indexation

Ce n’est qu’un chiffre, mais il est à prendre en considération, car il est chargé de sens, et il pourrait bien valider les scénarios les plus pessimistes.

Au 2e trimestre 2013, l’Indice du coût de la construction (ICC) s’est établi à 1637, faisant ressortir un glissement annuel négatif de 1,74%.

Les autres indices ont continué à faire apparaître des hausses du glissement annuel, mais le rythme de leur hausse a été considérablement réduit, et ne cesse de diminuer depuis plusieurs trimestres ; pour l’Indice des loyers commerciaux (ILC) en particulier, la prolongation de la pente actuelle, qui est très marquée, montre qu’on pourrait bien entrer assez vite également en territoire négatif, donc en baisse absolue.

Ces évolutions ne sont pas inattendues. Depuis leur refonte, les trois indices enregistrent mieux qu’avant la tenue des sous-jacents économiques, tels le PIB, la consommation, etc... Donc, en période de récession, ils n’ont pas vocation à avoir le même dynamisme qu’auparavant. Si les indices n’ont pas décru plus vite, c’est essentiellement parce qu’à côté de ces fondamentaux, ils enregistrent aussi des coûts, dont ceux liés au pétrole, et que celui-ci est cher, du fait de la demande des pays qui continuent à croître ou ont repris leur croissance – pas la France en tous cas.

Les indices ne resteront peut-être pas durablement négatifs; mais il semble clair qu’on est entré dorénavant dans une nouvelle période, où le formidable levier que l’indexation avait pu apporter aux revenus des propriétaires (rappelons-nous les indexations à 2, 3 même 4%...) jouera moins, voire beaucoup moins.

Ainsi, beaucoup de choses commencent à s’expliquer.

La première est le niveau élevé des primes de risque appliquées à l’achat. Si le rendement est appelé à baisser, la prime de risque apparaitra d’un seul coup beaucoup moins élevée : c’est tout le mécanisme de l’entrée en déflation, de la rupture des ressorts de l’économie, maintes évoquée comme le risque majeur pesant aujourd’hui sur l’immobilier d’investissement, qui pourrait commencer à s’incarner. Il ne sert à rien d’investir, si le seul placement dont la valeur et le rendement ne baissent pas est le cash, de plus en plus rare…

La seconde est l’hyper sensibilité manifestée par l’immobilier en Bourse aux rumeurs de hausse des taux : dès les premières rumeurs, en juin-juillet de cette année, le compartiment a décroché du CAC. Il a un peu rebondi lorsque les rumeurs se sont éloignées, mais il a accumulé un fort retard.

Le rendement moyen des foncières françaises est supérieur à 5,5% : à ce niveau on peut avoir a priori le sentiment qu’elles sont plutôt en bonne position, et prêtes à affronter des hausses de taux. D’où vient donc cette hypersensibilité ?

Elle vient d’une conjonction implacable : si on prévoit une baisse des loyers du fait d’une indexation devenue négative, s’y on y ajoute l’impact des baisses occultes de loyers, on doit s’attendre à une baisse des coupons ; si l’on prend en compte en sus le frottement fiscal sur ces coupons, redevenu très fort depuis les dernières mesures de Bercy (sortie des Siic du PEA, très forte hausse sur la fiscalité des coupons), ainsi que la hausse possible des taux concurrents, (une des issues possibles au «shut-down» passe par une hausse des taux à la suite de la disparition totale du marché du crédit) on se rend compte tout simplement que ce que le marché indique par son hypersensibilité aux hausses de taux, c’est qu’il ne croit plus ni au 5,5%, ni à la position privilégiée des Siic françaises comme valeurs de rendement.

Là aussi, le ressort qui avait justifié une très longue période de performance pourrait donc bien se distendre, démultipliant dans les faits l’impact de la baisse de l’indexation. Il ne s’agit encore que de scénario. Ce qu’on peut constater, c’est que le scénario du pire acquiert, au fil des mauvaises nouvelles, et une indexation négative en est une, une plausibilité croissante.