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Les chasseurs de tête et le recrutement de femmes administrateurs

Trois recruteurs, Florence Soulé de Lafont, partner en charge de la practice Finance et Immobilier chez Boyden Executive Search, Frédérique Deriquehem, responsable practice Infrastructure, Environnement & Immobilier chez Progress et Paul Jaeger, managing director chez Russell Reynolds Associates, nous livrent leurs points de vue au sujet du recrutement des administrateurs et administratrices.


Paul Jaeger. Paul Jaeger.
Florence Soule de Lafont. Florence Soule de Lafont.

Le recrutement des femmes administrateurs

Les trois professionnels précisent que le recrutement des administrateurs a longtemps été uniquement réalisé par cooptation. Cependant et notamment depuis l’entrée en vigueur de la loi Copé-Zimmermann, les tendances changent et ces dernières années, les missions de recrutement ont explosé dans ces trois cabinets. Frédérique Deriquehem indique : « Alors que les mandants déclarent rechercher « de préférence une femme », cette demande n’est pas toujours si explicite. Mais les chiffres parlent d’eux même, 70 % des administrateurs recrutés depuis 5 ans par Russell Reynods, étaient des femmes. Florence Soulé de Lafont de son côté, insiste sur l’importance du choix d’un administrateur non seulement pour les entreprises cotées mais aussi pour les entreprises de taille moyenne et/ou familiales ; ces dernières recherchent autant une expertise qu’un souffle pour l’entreprise tout en respectant la cohésion du système décisionnel. Les processus sont alors complexes, et même parfois plus longs que pour un dirigeant. Paul Jaeger constate que le recrutement des administrateurs est profondément modifié par l’internationalisation de l’économie elle-même. De nombreuses entreprises françaises cherchent à diversifier leur conseil d’administration afin de faire face aux nouveaux challenges de l’économie globale. Une femme étrangère est alors la perle rare pour venir siéger dans un conseil, répondant à une double exigence de parité et d’expérience internationale.

Le discours des entreprises sur la parité Homme-Femme

Il semble qu’il y ait assez peu de discours d’entreprises sur la parité (homme-femme) dans les conseils d’administration. Il faut admettre que les mandants se préoccupent avant tout de respecter la loi. On peut toutefois citer ici l’initiative de certains chief executive officer du CAC 40 qui ont une démarche proactive en organisant eux même le recrutement de leurs futures administratrices par l’identification anticipée de femmes de talents, soit par un système de mentoring de leurs carrières, soit par une période d’apprentissage de la culture de leur entreprise. Ainsi, ces patrons préparent-ils, en amont et en « circuit fermé », l’intégration de femmes dans leur conseil d’administration.

Les atouts de la parité dans les conseils d’administrations

A la question : qu’apporte plus de parité dans les conseils d’administration ? Frédérique Deriquehem nous donne la réponse la plus évidente mais surement la meilleure : « le reflet de la sociologie ! Un conseil d’administration se doit de définir et de valider les orientations à moyen terme et à long terme d’une entreprise, comment pourrait-il le faire avec une vision tronquée de la société ? ». Les deux autres professionnels s’accordent sur la complémentarité des hommes et des femmes et sa nécessité au sein des organes de gouvernance. Les trois conseils pensent que la parité apporte, tout simplement, une forme de diversité qui permet des prises de décisions plus éclairées.

Les principaux critères nécessaires pour être recruté en tant qu’administrateur

De façon unanime, les critères de recherche pour une femme et pour un homme administrateurs sont les mêmes. Les critères communs cités par nos trois chasseurs de têtes sont, l’expertise, l’expérience et une personnalité en adéquation avec la culture de l’entreprise, tout en étant compatible avec celle des administrateurs en poste.

Frédérique Deriquehem souligne que certains mandants cherchent des administrateurs avec une compétence soit technique, pour un comité d’audit ou un comité de nominations, soit sectorielle, pour éclairer d’un avis expérimenté les éventuelles stratégies d’expansion ou de diversification. Globalement, c’est principalement une vision stratégique qui est demandée à l’administrateur et sa « capacité contributive » est essentielle pour reprendre l’expression de Paul Jaeger. Ce sont des femmes ayant une expérience à un haut niveau d’encadrement et de prise de décision, ayant une certaine liberté de parole et de pensée conclut Florence Soulé de Lafont.

En outre, les mandants recherchent une expérience de la gouvernance, et c’est là que le bât blesse. Si les trois conseils reconnaissent la qualité de la formation de l’IFA, HEC ou l’Essec, ils s’accordent tous pour considérer que l’expérience d’un poste similaire est encore le meilleur atout d’une femme pour être recrutée en tant qu’administrateur. Ce qui conduit au phénomène de cumul des mandats décrit en introduction par Sandra Roumi et sur lequel nous reviendrons. Pour Florence Soulé de Lafont, la pratique du rôle d’administrateur au sein d’une entreprise familiale ou de petite taille est le meilleur apprentissage pour envisager des mandats d’administrateurs plus prestigieux.

Enfin, le dernier critère est plus subjectif, c’est celui de l’adhésion au groupe d’administrateurs et à la culture de l’entreprise. Ce dernier est traité de diverses manières, soit par des entretiens multiples avec les autres administrateurs, soit par un programme d’intégration formel pour découvrir la culture de l’entreprise. Pour conforter cette cohésion du groupe, Paul Jaeger suggère de nommer deux administratrices en même temps au sein d’un conseil d’administration, afin de créer une complicité plutôt qu’une différence.

L’identification des profils

Le problème de cumul des mandats a limité la selection par cooptation et la valeur ajoutée des cabinets de chasse de têtes est mise en avant : « C’est une approche par cercle concentrique autour de la société » imagine Frédérique Deriquehem, « il faut rechercher ce qui lui ressemble en terme de business model, de produit, d’implantation ou de culture, par exemple ».

Florence Soulé de Lafont insiste sur la nécessité de se rendre visible, de travailler son réseau ou encore de participer à des groupes de travail de place. Une formation à la gouvernance est une démarche essentielle pour les femmes souhaitant accéder à un poste d’administrateur et n’ayant pas la pratique récurrente de ce type d’organe dans leur propre entreprise par exemple.

Enfin, Paul Jaeger lance un appel : « Messieurs les dirigeants, faites entrer des femmes dans vos Comex ! » La loi impose un quota de femmes dans les conseils d’administration mais pas au sein des organes de fonctionnement de l’entreprise, et on compte seulement 8 % de femmes dans les Comex français aujourd’hui, contre 20 % aux Etats Unis. Le vivier des femmes françaises ayant des postes et des responsabilités de haut niveau est donc limité pour l’instant.

Le renouvellement des générations

Sur la question du renouvellement des générations, les chasseurs sont tous d’accord, dans la lignée de ce qu’ils expliquent ci-avant en matière d’expérience : le poste d’administrateur n’est pas destiné aux moins de 40/45 ans, à l’exception peut-être du secteur des nouvelles technologies.

Ce renouvellement passe certainement par un plus grand nombre de mandats de recherche, c’est à dire une approche plus structurée et systématique, permettant aux recruteurs d’exprimer de la créativité en proposant des profils différents ou des candidats n’ayant pas encore de mandat d’administrateur. Frédérique Deriquehem explique que la plus-value du chasseur, c’est un conseil au-delà du « brokerage de CV » ; Florence Soulé de Lafont et Paul Jaeger évoquent l’intérêt de la constitution d’un vivier de candidats, certains présidents de conseils d’administration familiarisant les candidats avec l’organisation de la société pour les faire accéder au poste d’administrateur par la suite.

Enfin, les règles limitant le cumul des mandats sont indirectement une façon de faciliter la régénération des conseils d’administration.


Cette nouvelle édition de Business Immo Madame intitulée "Où en sont les femmes ?" a entièrement été réalisée par les membres du Cercle des Femmes de l'Immobilier et son Cercle Complice.

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