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Frédéric Oudéa, Société Générale


« Dès lors que les Comex seront féminisés, les conseils d’administration le seront aussi »

La Société Générale peut se targuer d’être l’une des sociétés du CAC 40 à compter le plus de femmes au sein de son conseil d’administration. L’établissement financier a fait le choix de devancer l’obligation instaurée par la loi Copé-Zimmermann. Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale depuis 2009, nous explique pourquoi.

Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale.
Business Immo : La Société Générale, que vous présidez depuis 2009, compte 7 femmes au Conseil d’administration, ce qui vous place en 2e position des sociétés du CAC 40, ex-aequo avec Safran, sur le nombre de femmes administratrices dans votre Conseil. Est-ceun hasard ou avez-vous décidé de devancer l’obligation instaurée par la loi Copé-Zimmermann, et si oui pourquoi ?
Frédéric Oudéa : Clairement, nous avons cherché à prendre les devants, il s’agissait pour nous de se préparer et d’anticiper. L’objectif était double : tout d’abord, il s’agissait d’avoir le choix ; en s’en préoccupant tôt, on a pu chercher des profils adaptés aux besoins du Conseil d’une banque qui ne sont pas si nombreux. D’autre part, nous avons pu organiser la mutation du CA et faire de la place aux femmes dans la sérénité vis-à-vis des autres membres du Conseil.
BIM : Quel est pour vous le profil idéal ?
FO : Il ne s’agit pas de se contenter de « cocher la case » statistique femme, la compétence est le critère clef pour nos recrutements. Nous souhaitions des femmes ayant une expérience des institutions financières à un niveau exécutif et dont l’activité professionnelle en cours ne serait pas en conflit avec un mandat d’administrateur chez nous. Si l’on croise ces critères avec la volonté d’intégrer au Conseil des profils internationaux et une certaine diversité, cela donne des profils rares.
BIM : Comment se passe le processus de recrutement ?
FO : Nous procédons par chasse de têtes, dans le cadre d’un processus organisé et collégial. Outre une compétence crédible et structurée dans le domaine de la finance, l’expérience d’un mandat d’administrateur est un plus. Après une première sélection par le cabinet de conseil, une short-list est établie et présentée au Comité des nominations. Les 5 membres rencontrent individuellement la ou les candidates pressenties.
BIM : Vous soulignez que les profils sont rares, est-ce selon vous un manque de potentiel ou un manque de visibilité ?
FO : Selon moi, le « vivier naturel » des Conseils d’administration sont les Comités exécutifs. Or actuellement encore le « réservoir » est faible. Il suffit de regarder les organigrammes du CAC 40 pour mesurer le chemin à accomplir. L’exigence d’une forme de parité au Conseil d’administration ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Le véritable enjeu, ce sont les Comités exécutifs. Dès lors que les Comex seront féminisés, les Conseils d’administration le seront aussi assez naturellement à mon avis.
BIM : Précisément, qu’en est-il du Comité de direction de la Société Générale qui compte seulement… 20 % de femmes ?
FO : Le Comité de direction de la Société générale (55 personnes) compte effectivement 20 % de femmes aujourd’hui. Ce taux était de 10 % il y a 3 ans… Pour progresser, il faut affirmer une vraie volonté et se donner les moyens d’une politique visant un meilleur équilibre. Je suis vigilant sur 2 points. Le premier est que les femmes souffrent souvent de ce que j’appelle le « syndrome de l’imposteur » : bien que compétente, une femme hésitera à postuler pour ou prendre un poste parce qu’elle n’aura pas la certitude de répondre à l’ensemble des exigences. Un homme se posera en général beaucoup moins de questions et s’estimera plus facilement légitime. Nous devons donc prendre cette donnée en considération. L’autre aspect sont les évaluations annuelles, on y remarque que les défauts des collaboratrices sont parfois plus stigmatisés que ceux des collaborateurs masculins, il faut donc souvent pondérer ces jugements. Enfin, et j’y suis très attaché, il faut donner aux femmes des fonctions métiers et ne pas les cantonner à des fonctions traditionnelles (du type Communication ou RH). A la Générale nous avons des responsables opérationnels femmes en Chine, au Luxembourg, en Italie, nous avons des patronnes de l’obligataire, de notre filiale de gestion d’actifs LYXOR, et par ailleurs mon DRH est un homme ! A mon sens, la parité des équipes opérationnelles est un gage d’efficacité. Il conjugue l’équilibre des compétences et une approche des problématiques différente. Je constate que les équipes mixtes sont performantes et pacifiées…
BIM : Qu’apportent les femmes dans un CA ?
FO : Je fais un parallèle avec les équipes opérationnelles dans lesquelles les femmes abordent leur fonction en général avec moins d’égo, un plus grand courage à dire les choses sans établir de rapport de force entre les gens, les compromis se dégageant ainsi plus facilement. Un CA s’inscrit moins dans une logique de rapports de forces et l’importance de gommer les tensions au quotidien est moindre, mais on retrouve le bénéfice de la franchise et du courage de dire les choses. Notre CA bénéficie de son équilibre actuel et de la diversité des compétences et sensibilités de ses membres à l’image de la société dans laquelle nous vivons et de nos fonds de commerce.
BIM : Comment ont été accueillies les nouvelles administratrices au sein de votre CA. Avez-vous senti des réticences ?
FO : En commençant tôt à opérer cette mutation, nous n’avons pas agi avec brutalité avec les administrateurs en place en les sortant pour libérer des postes. Cette anticipation nous a permis de traiter les membres de notre conseil avec respect et les administratrices ont été accueillies sans le moindre réflexe machiste.
BIM : On dit que certains patrons du CAC 40 s’organisent un vivier de talents et suivent la carrière de femmes pour les intégrer le moment venu dans leur Conseil. Avez-vous une démarche de ce type à la Société Générale ?
FO : Je fais moi-même du mentoring dans le cadre d’une association qui propose à des patrons de devenir mentor de jeunes talents féminins et de les accompagner dans leur recherche de mandat d’administrateur en les rendant plus visibles et en leur prodiguant le cas échéant des conseils. Par ailleurs, je veille en interne à ce que des collaboratrices de la Société Générale soient promues à des postes d’administratrices de nos filiales pour leur donner cette visibilité indispensable et aussi pour les former à des métiers adjacents.

Cette nouvelle édition de Business Immo Madame intitulée "Où en sont les femmes ?" a entièrement été réalisée par les membres du Cercle des Femmes de l'Immobilier et son Cercle Complice.

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