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Pourquoi il faut sauver la tour Triangle

Le projet de la tour Triangle © tour-triangle.com

Dans un peu plus d’une quinzaine de jours, le Conseil de Paris va trancher sur le sort de la tour Triangle, programme de plus de
90 000 m2 de bureaux porté par Unibail-Rodamco sur le site du parc des expositions de la porte de Versailles. Ce projet, qualifié ironiquement de « pharaonique » par certains, cristallise une intense opposition de la part de ses riverains, relayée et amplifiée par un curieux attelage de politiques où se retrouvent des élus de tous bords : UMP, UDI, Modem, Parti de gauche, EELV et peut-être même quelques frondeurs du Parti Socialiste si l’on gratte un peu.

Que reproche-t-on à la tour Triangle ? A peu près tout et n’importe quoi à la fois. Mais, d’abord d’être une tour. Et à Paris, une nomenklatura a décrété qu’un IGH ne pouvait être qu’un échec depuis l’édification de la tour Montparnasse et la construction du Front de Seine. On a l’impression d’être replongé au 19e siècle où d’irréductibles gaulois se battaient contre un amoncellement de ferraille qui allait devenir l’emblème de Paris. Le débat sur les immeubles de grande hauteur dans la Capitale doit être une bonne fois pour toutes clos. La tour est un élément parmi d’autres de la composition d’un paysage urbain, répond à des fonctions vitales au sein de la ville, et peut être un des éléments de réponse à l’intensification de l’usage de la ville dans un contexte de concentration de l’économie sur les grandes métropoles. La tour n’est pas une fin en soi, ni même l’expression paroxystique d’une quelconque libido de la part d’un architecte, d’un promoteur ou d’un politique.

Ensuite, on accuse la tour Triangle d’être moche ! Un argument qui peut faire sourire dans la bouche d’un politique en campagne électorale, mais qu’un juge a osé retenir pour s’opposer au projet de la Samaritaine. Cela rappelle un peu les débats autour de la pyramide du Louvre, censée défigurer le musée et qui, au final, lui a redonnée une seconde jeunesse. Si l’on devait retenir des critères esthétiques, c’est toute une frange de la France urbaine et péri-urbaine qu’il faudrait raser ! Un peu de logique s’il vous plaît.

Enfin, la tour Triangle serait le symbole de ces projets « inutiles ». L’argument est d’autant plus savoureux qu’il est délivré par des personnes dont on commence sérieusement à douter de leur utilité, mais passons. Ce type de raisonnements témoigne surtout d’un profond égoïsme de quelques uns qui menace l’avenir des autres. Il est quand même désolant qu’il soit autant relayé par les mêmes qui dénoncent la rente. Nous y sommes ici.

Plonger une ville dans le formol en arguant de la sauvegarde de son patrimoine culturel et architectural est aussi bien un mensonge qu’une hérésie. Mensonge car les acteurs de l’industrie immobilière savent mieux que quiconque réhabiliter et valoriser le patrimoine architectural d’une ville en l’inscrivant dans son temps présent. Hérésie, car à cultiver une vision passéiste d’une ville, on est assuré de l’étouffer et de la voir dépérir.

La Tour Triangle risque de faire un peu d’ombre à ses plus proches riverains. De changer la vue de quelques voisins trop heureux de contempler le flot de voitures qui dégueule chaque jour sur le périphérique. Soit. Mais, la tour Triangle risque aussi de loger quelques salariés, d’héberger quelques entreprises, d’accueillir quelques congressistes, ou encore d’attirer quelques investisseurs. Bagatelles, chimères, billevesées ! Paris n’a pas besoin de cela.