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Point de vue de Philippe Taboret, Cafpi

L'importance d'être constant

Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi, critique les signaux contradictoires envoyés par le gouvernement en matière de logement.

C'est le titre d'une comédie d'Oscar Wilde - "The importance of being earnest"- qui me vient à regarder ce que devient la politique du logement en France. De toute évidence, notre gouvernement et nos parlementaires ont perdu le sens de la constance et du cap. Alors que les mesures du plan de relance du logement, annoncées par le Premier ministre à la rentrée, ne sont pas encore entrées en vigueur, voilà que l'Etat désigne l'immobilier comme sa première victime expiatoire au moment de faire ses fins de mois et de boucler son budget.

Ce sont d'abord les aides personnelles à l'accession à la propriété qu'on sacrifie, avant de suspendre pour un an la décision mercredi soir dernier en séance publique au Palais Bourbon : devant l'estimation dressée par les professionnels des conséquences de la mesure, on calme le jeu, sans pour autant reconnaître l'erreur initiale d'appréciation. L'épée de Damoclès reste pendante sur ce dispositif précieux de solvabilisation de la demande, qui conditionne en particulier la primo-accession. Quelques heures plus tôt, l'examen du projet de loi de finances pour 2015 avait conduit l'Assemblée nationale à autoriser les maires de villes situées en zones tendues d'augmenter de 20 % la taxe d'habitation pour les résidences secondaires.

Au même moment, le ministre du Budget, donnant en cela satisfaction à des députés de sa majorité, remet en question l'amélioration du dispositif Pinel visant à permettre l'investissement locatif en vue de la location aux ascendants et descendants. On aurait pu penser que les tirs groupés s'interrompraient là... Pas du tout : l'Assemblée nationale a pérennisé la faculté offerte aux conseils généraux d'augmenter de 3,8 % à 4,5 % leur part des droits de mutation à titre onéreux, initialement prévue pour deux ans.

Que veulent le gouvernement et les parlementaires ? Veulent-ils définitivement mettre à bas l'immobilier ? Sont-ils à ce point aveugles sur la richesse que le secteur du logement peut créer ? L'espoir de relance, que le plan Valls-Pinel avait fait renaître, laissait augurer 0,4 point de croissance en plus. Il était porteur de 50 000 constructions de logements de plus au cours des douze prochains mois. Il pouvait contribuer à hauteur d'une centaine de milliers d'emplois durables dans le bâtiment à la réduction du chômage. Sans parler des rentrées fiscales à la clef d'une redynamisation du marché: la récente étude réalisée par le cabinet Fidal pour la Fédération des promoteurs immobiliers a fait apparaître que la construction résidentielle rapportait chaque année 60 Mds€ à l'Etat, en contrepartie d'allocations budgétaires de 40 Mds€.

Veulent-ils aussi que les ménages français renoncent à leurs projets, dégradent leurs conditions de vie, que la mobilité - condition de l'emploi- soit enrayée ? Veulent-ils que les parents désespèrent de voir leurs enfants se loger au moins au même niveau de confort qu'eux ? A l'absurdité économique et sociale des choix du moment, s'ajoute tout simplement l'illisibilité. Il n'y a plus de politique du logement. Les familles, pour leur résidence principale, pour investir, pour leur résidence secondaire, ne savent plus à quel saint se vouer. Ils sont ainsi en train de perdre l'un de leurs repères les plus solides.

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