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Paradoxe(s), saison 2

© Sashkin

Berlin, Dublin, Madrid : ce n'est pas le résultat d'un championnat européen de football. Ce n'est pas non plus la promenade touristique à la mode à travers l'Europe. C'est ni plus ni moins que le classement 2015 de l'étude "Emerging Trends in Real Estate" réalisé par Pwc pour ULI (Urban Land Institute) qui mesure auprès des investisseurs immobiliers l'attractivité des marchés européens. Si vous vous attendiez à retomber - encore - sur le sempiternel trio Londres-Paris-Munich ou Paris-Londres-Munich, soyez, de ce point vue, rassurés ! Car, pour la fin, on reste, à l'instar d'un Bernard Michel, président du conseil d'administration de Gecina, invité à s'exprimer dans le cadre du colloque ULI de restitution, "interloqué".

Que nous disent les résultats ? D'un classement à l'autre, Paris dégringole - on peine à trouver terme plus fort encore - de la 10e à la 24e place derrière la quasi-totalité des villes européennes, exception faite de Zurich, Vienne, Rome et Moscou. Même Lyon dépasse la capitale française d'une courte tête (23e). Rassurons-nous (un peu) : Londres ne décroche que la 10e place et se fait dépasser par... Athènes, Birmingham, Lisbonne et Copenhague. Les Britanniques - lourdement soupçonnés de french bashing puisqu'ils ont représenté 14 % des répondants à cette étude, contre 5 % de Français seulement - apprécieront eux-aussi...

Plus sérieusement, cette étude - réalisée sur la base de 300 interviews d'investisseurs pan-européens - a le mérite de faire éclater un ou plusieurs paradoxes comme la France se plaît à les cultiver. Le marché de l'investissement français ne s'est jamais aussi bien porté, à l'exception de 2006 et 2007. L'argent est abondant, disponible et gratuit ou presque. Les prix sont en hausse, certes sous la pression des capitaux, mais surtout d'une offre faible, en particulier sur les produits Core censés être les moins risqués. Les investisseurs étrangers, si peu enthousiastes sur Paris, sont quand même à l'origine de 35 % des montants investis dans les bureaux parisiens. Preuve, s'il en fallait, que le marché de l'investissement reste attractif, liquide, profond... Alors, il est vrai, que le marché locatif patine un peu même si le score des 2 millions de m² n'est pas, à proprement parler, une catastrophe. Loin de là...

Comment expliquer alors ce très mauvais classement - n'ayons pas peur des mots - pour Paris ? La situation macro-économique n'est pas étrangère à cette défiance à l'égard du marché parisien. La France reste au fond de la classe. Les errements de la fiscalité ne facilitent pas une reprise (la taxe à 75 % est encore dans les esprits de certains investisseurs ! Si, si…) et les sempiternelles discussions autour de la loi un peu fourre-tout, dite Macron, donne une image d’un pays incapable de se réformer. Même en surface.

Côté immobilier, l'évolution des loyers, dans le bureau comme dans le commerce, n'engage pas à l'euphorie. Mais le phénomène n’est pas franco-français, ni strictement parisien. Tout de même, comment peut-on croire que Paris soit moins attractive que Dublin, Athènes ou Birmingham ? La faute à des actifs trop chers ? Ou la certitude qu’il n’y a plus de création de valeur possible dans la Capitale ? Finalement, comme le soulignait Stéphane Theuriau, président de Cogedim Entreprise et d'Alta Fund, c’est peut-être le baromètre des plus-values potentielles en Europe que le classement Emerging Trends met en exergue. Paris joue dans une autre catégorie aux yeux des investisseurs, celle d’une place idéale pour des placements pérennes, sécurisés sur le long terme, où la régularité des cash-flows prime sur le potentiel de valorisation des actifs. Alors s’il n’y a peut-être plus de « coups » à faire à Paris, il n’y en a assurément plus beaucoup à prendre.

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