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Philippe Laurent, président du CAUE 92

[POINT DE VUE] Qui veut la mort des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement - « CAUE » ?

Les Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) ont été créés il y a près de 40 ans - en 1977 - en réaction contre les effets de dépersonnalisation des grands ensembles, contre les opérations bulldozer de rénovation des centres historiques anciens, contre la banalisation des lotissements périphériques, contre un urbanisme autoritaire centralisé, qui jonglait entre la planification et l’opérationnel sans la moindre concertation avec les habitants.
La loi sur l’architecture leur a confié de véritables missions de service public de proximité, auprès des habitants, auprès des communes, auprès des administrations, auprès des professionnels et auprès des associations.
Afin d’assurer une pluralité de points de vue, leur forme juridique elle-même est celle d’une association loi 1901, qui comprend dans son Conseil d’administration des représentants des communes, de l’État, des départements, des professions, des associations.
Ce sont de petites structures, souples, très réactives, une dizaine de personnes en moyenne, composées d’architectes, d’urbanistes, de paysagistes, d’experts en environnement ou en performances énergétiques.
Les CAUE ont un champ d’intervention départemental et à quelques exceptions près, ils couvrent toute la France.
Leurs conseils sont gratuits. Ils ne sont pas dépendants du secteur marchand et ils ne relèvent pas directement de collectivités territoriales. Ils ont ainsi su concilier une image de neutralité et de veille de la qualité.
La qualité de leur écoute est particulièrement plébiscitée des habitants qui font confiance à leur conseil. De fait, dans un contexte de retrait des services publics, c’est une des dernières structures à taille humaine, à côté de l’habitant dans son parcours du combattant pour se construire un cadre de vie.

Très concrètement, le CAUE des Hauts-de-Seine, par exemple, conseille chaque année environ 1 500 particuliers, il organise des formations pour les élus, les personnels administratifs et techniques, les architectes, les bailleurs sociaux, les associations, soit près de 1 200 personnes et il organise aussi des ateliers pour sensibiliser 900 jeunes et adolescents des quartiers en difficulté à la ville, au paysage urbain, à la future métropole.
 
Il travaille aussi avec les communes et les habitants au problème actuel de manque de logements, tout en s’attachant à préserver la qualité urbaine de l’existant.
En un mot, il n’a de cesse de valoriser la qualité architecturale au profit de tous.
 
Un changement de forme de la taxe qui le finance, comme ses homologues, va cependant conduire le CAUE à mettre au chômage l’ensemble de son équipe et induire des suppressions d'emplois chez de nombreux prestataires, fin mars 2015, si les services du ministère des Finances et des Comptes publics ne réagissent pas à un très grave dysfonctionnement de reversement de cette taxe qui a cependant été payée par ceux qui y sont assujettis !
 
En 2013, il n’a recouvré que 61% de la taxe pourtant réglée par ceux qui déposent des permis de construire, en 2014 il n’a recouvré que 40% de cette même taxe.
Interrogés, les services du ministère des finances ont répondu qu’un décalage de deux mois s’était produit mi 2013 mais que depuis « les choses étaient rentrées dans l’ordre ».
A également été invoqué le fait d’un « problème informatique ». Comment se fait-il que ce problème n’ait pas été réglé en deux ans ?
Comment se fait-il alors que ces services ne nous aient pas reversé près de 800 000 euros, en souffrance sur 2013 et 2014 ?
 
Où est passé l’argent ?  
 
Que l’on n’aille pas invoquer que la faute en est due à une baisse de l’activité du bâtiment sur les Hauts-de-Seine. Les chiffres de 2012 et 2013 sont connus. Non seulement ils ne sont pas à la baisse, mais en outre ils  ont enregistré des hausses records (**) !
Que l’on n’aille pas dire non plus que les calculs prévisionnels de rentrée de taxe sont faux ! Ils sont établis scrupuleusement par les services de l’UTEA 92 (***) à partir des permis de construire déposés. Ils intègrent les versements en deux fois consentis selon la loi et ils tiennent compte d’un abattement de sécurité de 20% pour les abandons éventuels !
 
Rappelons aussi à tout hasard qu’en France les contribuables payent encore leur taxe d’aménagement, au même titre que leur TVA, leur impôt sur le revenu ou leurs impôts locaux ! En un mot, si certains d’entre eux demandent parfois des moratoires cela ne peut expliquer en aucune façon des pertes en ligne de 40 ou 60% !
 
Les promoteurs privés, interrogés, nous ont répondu qu’il n’était pas de leur intérêt de ne pas s’acquitter au plus tôt de cette taxe. À titre d’exemple (*), sur une opération de 22 logements, pour 58m2 habitables par logement, la taxe dans son ensemble représente un montant d' 1 % du prix de vente, et la part CAUE, environ 1/10e de ce pourcentage, un ratio à peu près dérisoire !
 
Cette situation n’est pas spécifique aux Hauts-de-Seine et plusieurs CAUE, une vingtaine en France, sont en grande difficulté financière en raison de ces incuries de reversement de la taxe d’aménagement. Des licenciements ont déjà été engagés.

25 sénateurs ont posé des questions au gouvernement,  dont 8 à ce jour ont obtenu une réponse !
28 députés ont posé des questions au gouvernement,  dont 3 à ce jour ont obtenu une réponse !

En effet, il ne s'agit pas que de "la part CAUE". La taxe d’aménagement, globalement, représente plusieurs centaines de millions d’euros, une somme colossale très amputée compte tenu de tous ces dysfonctionnements. Et les manques à gagner pénalisent les maires qui s’attaquent au problème de manque de logements, restreignent les aménagements d’espaces verts que tout le monde réclame !
 
En janvier et février 2015, le CAUE des Hauts-de-Seine a encaissé 6 000 euros, contre 100 000 euros en régime de croisière les autres années, avant le passage de la Taxe départementale à la Taxe d’aménagement !
 
Le constat est plus qu’alarmant. Aujourd’hui, sur fond de déclarations de transparence, l’État n'est pas en capacité de dire quelles sommes de taxe d’aménagement pourtant réglées par ceux qui déposent des permis de construire, sont « dans les tuyaux », combien, département par département et quand elles seront versées aux collectivités et structures qui assurent une mission de service public !
 
Qui veut la mort des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement ?

Merci à tous ceux qui font confiance et sont partenaires du CAUE - habitants, associations, architectes, maîtres d’ouvrage, communes, entreprises, membres des réseaux CAUE - de diffuser ce communiqué aussi largement que possible.


(*) source Nexity.
(**) source DRIEA IDF
logements autorisés en 2012 sur les Hauts-de-Seine : 10 752
logements autorisés en 2013 sur les Hauts-de-Seine : 7674
(***) Unité territoriale d’équipement et d’aménagement des Hauts-de-Seine. En un mot, ce que l’on appelait avant, la DDE.