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[EDITO] Les tours infernales

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Par un heureux hasard de calendrier, Paris vient d’inscrire à son agenda deux projets de tours. Sur son flanc Ouest, dans le secteur de La Défense que l’on va considérer comme le deuxième quartier d’affaires de Paris pour éviter de rentrer dans de petits combats de coquelets qui animent la constitution de la Métropole du Grand Paris, le promoteur russe Hermitage vient de lever les derniers obstacles juridiques pour lancer ses tours jumelles. Sur la frange Sud de la Capitale, Unibail-Rodamco a fait sauter, non sans peine, le verrou politique autour de son projet légèrement retouché de tour Triangle.

Oublions les arguments des partisans et des détracteurs de ses deux projets, dont certains ont quand même un peu de mal à franchir le comptoir du bar de commerce, pour nous pencher sur la méthode. Qui est assez fou aujourd’hui pour oser lancer un projet ? Les tours Hermitage sont nées à l’occasion du plan de renouveau de La Défense en… 2005. Si le promoteur trouve son financement (et il est vraiment là l’aléa autour de ce projet), on ne peut pas espérer siroter un petit cocktail avec vue sur une ville-monde pas avant 2020.

La Tour Triangle, elle, est sortie en 2008 de la table à dessin des architectes suisses Herzog et de Meuron. Si le marché pousse dans le bon sens, on peut espérer une sortie effective en 2020. Patience et longueur de temps… on connaît le refrain.

On accuse l’immobilier d’être le symbole de la rente. Mais, quand les opérateurs se lancent, on les assassine à coups de motifs plus fallacieux les uns que les autres. La tour reste un sujet beaucoup plus clivant qu’un R+6 où tout le monde, y compris votre poissonnière, a un avis tranché !

De même, on stigmatise les recours qui freinent l’économie de projets. Force est de constater que les recours endogènes sont encore légion. Mais quand on regarde qui s’est attaqué au permis de construire du projet Hermitage, force est de constater que le NIMBY (not in my backyard) n’est pas réservé aux seuls réfractaires du logement social, mais s’étend à l’ensemble de la communauté, y compris immobilière.

Face à cet accès de conservatisme, qui tend de plus en plus à l’égoïsme, les promoteurs de tels projets sont devenus presque des pèlerins portant leur tour comme une croix, certes avec une perspective autre que de finir sur le mont Golgotha. Une période infernale à traverser pour un hypothétique Eden, car la réalité économique est encore beaucoup plus âpre que les atermoiements politiques et les batailles juridiques.

La ténacité de la mairie de Paris dans l’affaire de la tour Triangle peut cependant être vue comme un signe d’espoir pour tous ces fanatiques du développement, à commencer par ceux qui ont planché autour de l’appel à projets « Réinventer Paris ». Au-delà de la modernisation de son parc immobilier, l’attractivité de la Capitale ne peut se résumer à tel ou tel programme immobilier, mais à la capacité de mobiliser les talents à travers le monde entier pour repenser une ville qui fût un temps la lumière de l’Europe. Encore faut-il leur permettre de passer du virtuel au réel.

 

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