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[EDITO] Zéro + Zéro = la tête à « taux-taux »

Qui a peur du grand méchant taux ? « C’n’est pas nous, c’n’est pas nous », répondent en cœur les investisseurs. Et pourtant, les économistes Philippe Dessertine et Eric Chaney ont brossé, à l’occasion du colloque IEIF, une vision de l’économie qui peut faire froid dans le dos à plus d’un investisseur averti. Si la question des taux d’intérêt reste au cœur des préoccupations de ces derniers, ils peuvent se rassurer. Personne ne croit à une hausse brutale des taux d’intérêt et personne ne craint même une remontée progressive des taux de la FED. Toutefois la conjugaison d’un afflux de capitaux – « le Canadair de la liquidité passe tous les mois » rappelle Philippe Dessertine – avec des taux d’intérêt historiquement bas (voir même négatifs) abouti à une situation de « mispricing » des actifs financiers dans le monde. Rassurez-vous, cela touche tous les secteurs, des marchés actions à celui de la dette, notamment souveraine, en passant par… l’immobilier. « Nous créons les conditions de la bulle », affirme Philippe Dessertine, qui estime que ce « dérèglement » ne peut pas durer dans le temps en particulier dans un contexte de « stagnation séculaire » de l’économie, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’une baisse irréversible de la croissance tendancielle.

A l’échelle de l’immobilier, ce « mispricing » se traduit par une compression violente, rapide et semble-t-il inexorable des taux de capitalisation des meilleurs actifs. Le bureau « core » tombe sous la barre des 4% de rendement, pas seulement dans le QCA parisien, mais aussi dans l’ensemble de la Capitale et maintenant dans le croissant Ouest. Tous les taux de rendement se réalignent sur cette nouvelle échelle, avec une crainte qu’ils convergent quelque soit la qualité du sous-jacent immobilier. Certains investisseurs l’on déjà vécu en 2007.

Quelles sont les pistes pour sortir de cette spirale baissière ? Remonter les taux pour rémunérer enfin le risque ? C’est le scénario souhaité par la plupart des économistes, qui est d’ailleurs au cœur des réflexions de la FED, mais qui a peu de chance de se réaliser. La faiblesse de l’inflation, notamment à la faveur du contre-choc pétrolier, devrait limiter une telle remontée. « Les banques centrales se sont fixées pour objectif de limiter l’inflation à 2%. Cela fait 5 ans que nous sommes en inflation nulle. Si cette dernière ne décolle pas, nous aurons toujours des taux d’intérêt trop élevés », rappelle Eric Chaney. Ce scénario éteint pour quelque temps le moteur de l’indexation. « Un monde sans taux d’intérêt et sans inflation est un monde sous morphine. Un monde où l’on ne rémunère plus le risque devient un monde malsain », souligne un professionnel immobilier.

L’autre porte de sortie, c’est l’émergence d’un nouveau modèle économique dont le socle repose sur la métamorphose numérique, que l’on qualifie de transition ou de révolution selon son appétit pour le changement. Il se dit qu’il faut 50 à 70 ans avant qu’une innovation technologique se diffuse dans l’économie. En attendant, la plupart des grands acteurs de l’industrie immobilière phosphorent autour de l’innovation pour ne pas rater le prochain virage.

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