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Point de vue de Thierry Langlois, Vivastreet

[POINT DE VUE] Encadrement des loyers : premiers retours frileux pour la capitale

La politique du logement reste centrale pour la Mairie de Paris. Parmi les mesures actées, l’encadrement des loyers fait beaucoup parler. Quatre mois après sa mise en place, celle-ci connaît ses premiers effets. Les professionnels restent pour le moins sceptiques, prévoyant notamment une fuite des investisseurs, des litiges avec les locataires ou encore une revente massive de biens immobiliers. Les particuliers quant à eux, semblent plus optimistes. Retour sur un dispositif qui fait débat.

Le logement reste le premier poste de dépense des Franciliens locataires (36 %), devant l’alimentation et les impôts (15 % et 14 %). Cette situation demeure inchangée depuis 2006 pour les trois millions de locataires concernés. Or en 2015, le loyer moyen en Ile-de-France se situe aux alentours de 800 € pour 40 m², soit près du double des 480 € de la Picardie ou des 560 € de la région Provence-Alpes-Côte-D’azur.

En mars 2014, le gouvernement déploie la loi ALUR (Loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) afin de réformer le droit au logement français. Elle instaure des changements importants pour les locataires et les propriétaires, dont le très médiatisé dispositif d’encadrement des loyers, mis en place en août 2015 dans la capitale. Paris et son marché locatif tendu, avec une offre nettement inférieure à la demande et des loyers exorbitants, fait office de cobaye. Cette mesure a une valeur de test, avant une éventuelle mise en place en Ile-de-France, voire à l’échelle nationale. Certaines villes en ont d’ores et déjà fait la demande, telles que Lille et Grenoble.

Quels en sont les résultats jusqu’à présent ?

Début novembre, sur 1 900 baux signés à Paris depuis le mois d’août, seuls 15 % des loyers auraient baissé et 7 % dépasseraient l’encadrement grâce à un complément de loyer. Si les professionnels restent pessimistes, les particuliers n’auraient pas peur de cette mesure : 77 % des futurs investisseurs locatifs désireraient maintenir leur projet immobilier, malgré l’encadrement des loyers. Les projets immobiliers sont généralement mûrement réfléchis et les particuliers n’ont pas la même vision du marché que les professionnels : ces derniers réfléchissent en termes d’investissements et de bénéfices, alors que les particuliers espèrent surtout un complément de ressources, toujours réalisable avec cette mesure.

Toutefois, si les particuliers ne semblent pas inquiétés, 42 % des loyers de Paris ne seraient actuellement pas conformes à la loi et excèderaient en moyenne de 146,51 euros par mois. Plus d’un appartement sur trois se louerait plus cher que le maximum autorisé, et même un sur deux lorsqu’il l’est directement par un particulier. Ces loyers abusifs seraient plus fréquents lors d’une location en direct (seules 47 % des annonces respecteraient la mesure) et concerneraient surtout les petites surfaces. Les mauvais élèves se trouveraient dans les 2e, 3e, 4e, 6e et 16e arrondissements de la capitale.

Qu’en est-il de l’avis des propriétaires ?

Beaucoup ne semblent pas enchantés par le dispositif et comptent sur le complément de loyer. Ainsi, les 7 % des 1 900 logements loués dépassant l’encadrement font jouer le complément de loyer prévu par la loi afin de refléter certaines qualités d’un logement, comme la terrasse ou l’ascenseur. Toutefois, cela ne permet tout de même pas de revenir au niveau du précédent loyer dans la plupart des cas.

Certains propriétaires préfèrent revendre leur bien plutôt que de supporter une baisse de rentabilité. Cela n’augure rien de bon : les investisseurs s’éloignent de ce type d’actifs dont la rentabilité peut-être remise en cause. Pour Jean Perrin, président de l’UNPI (Union Nationale pour la Propriété Immobilière), il s’agit d’une mesure compliquée et impossible à mettre en place pour les propriétaires, qui de surcroît, ne représente pas la réalité du marché. A noter également que l’encadrement des loyers ne prévoit pas de sanctions pour ceux qui ne la respectent pas. Toutefois, les bailleurs en faute peuvent être condamnés à rembourser le trop-perçu.

Ainsi, peu de propriétaires respectent la mesure pour le moment. L’Idée part d’une bonne intention : le gouvernement souhaite aider les locataires, et plus particulièrement les jeunes. Cependant, les effets sur le moyen et long terme ne semblent pas garantis et la loi reste compliquée pour les propriétaires qui ne sont pas toujours bien informés ou ne comprennent pas très bien le dispositif. Certains commencent déjà à vendre leur bien. Ce dispositif vient soutenir l’objectif de création de 10 000 logements par an, fixé par la Mairie de Paris, aux côtés notamment de Multiloc’ ou du Prêt à Taux Zéro.

Pour résumer, le bilan global est, pour le moment, peu flatteur avec un effet limité et une complexité importante pour les propriétaires. Le recul n’est cependant pas assez important pour tirer des conclusions qui seraient hâtives. Affaire à suivre…