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L’énergie et les fondamentaux de l’immobilier

Mes prises de position sur la valeur verte immobilière suscitent des réactions de la part des professionnels. La plus argumentée est celle d’Olivier Elamin, directeur général d’ALSTRIA OFFICE REIT AG, une société foncière allemande. Notre échange in extenso est dans mon blog dont l’adresse est au bas de la présente chronique.

J’en extrais deux éléments. La première question posée est : les investisseurs immobiliers, quelle qu’en soit la nature, sont-ils responsables des 40 % d’énergie consommée dans l’immobilier ? Est-ce leur faute si 40 % de l’activité de la société ont lieu dans les immeubles ? La réponse est oui. Mais ils ne sont pas les seuls. Les consommations réelles, en particulier dans le tertiaire, qu’il soit privé ou public, dépendent des décisions de trois acteurs : l’investisseur/propriétaire, l’utilisateur et l’exploitant.  L’investisseur est responsable de la qualité environnementale intrinsèque de l’immeuble, l’utilisateur est responsable des modalités d’usage de l’immeuble, l’exploitant est responsable de l’efficacité du pilotage des installations, notamment de chauffage et de climatisation.
Leurs décisions, et la qualité de la coopération entre eux, sont déterminantes pour atteindre de bonnes performances énergétiques. Pour être efficace, il est souhaitable que cette coopération prenne une forme contractuelle, avec notamment un contrat de performance énergétique entre propriétaire et exploitant, et un bail avec annexe verte entre propriétaire et utilisateur. Dans ce cadre, l’objectif très ambitieux, fixé par la loi dite Grenelle 1 du 3 août 2009, d’une baisse de l’ordre de 40 % de la consommation d’énergie en moyenne sur le parc existant d’ici 2020 est à leur portée. Une équation de type moins 20 % en moyenne liés aux travaux d’amélioration, moins 10 % liés à l’exploitation et moins 10 % liés à l’utilisation, n’est pas irréaliste.
Le deuxième élément de la discussion est : la valeur verte des immeubles performants est, selon un certain nombre de professionnels, une vue de l’esprit. La réalité est par contre selon eux un risque fort de décote des immeubles non performants. En fait, en France, pour l’instant, on ne constate ni l’un, ni l’autre, ni une survaleur des immeubles verts, ni une décote des immeubles non verts. Mais il est clair qu’une majorité d’investisseurs jugent incertaine la survaleur des immeubles verts et quasi-certaine la décote à terme des immeubles non verts.
En fait, il s’agit du même mécanisme économique de valorisation/dévalorisation des immeubles selon leur performance énergétique. Les deux mots-clés de la valeur verte sont le risque et l’obsolescence : un risque potentiellement plus faible et une obsolescence ralentie pour les immeubles verts, un risque potentiellement plus élevé et une obsolescence accélérée pour les immeubles non verts.
Rappelons une évidence : un immeuble n’est pas fait pour économiser l’énergie. Il est fait pour rendre un certain niveau de services à ses utilisateurs pour un coût, d’investissement et de fonctionnement, donné. L’économie d’énergie est imposée par la société pour des raisons stratégiques extérieures à l’immobilier : le changement climatique et l’approvisionnement énergétique. Ces objectifs de baisse drastique des consommations d’énergie ne sont pas spécifiques à la France du Grenelle de l’Environnement. L’attitude des pouvoirs publics est peu ou prou la même en Europe, en Amérique du Nord, au Japon et, progressivement, en Chine et en Inde.
Cet impératif sociétal ne doit pas faire oublier les fondamentaux de l’immobilier : la qualité de la localisation de l’immeuble par rapport à la demande et la qualité d’usage pour les occupants. A mon avis, dans les dix ans qui viennent, trois segments de marché vont apparaître. Le premier sera celui des immeubles verts bien localisés et de bonne qualité d’usage, ces immeubles bénéficieront d’une survaleur. Le second segment sera celui des immeubles non verts bien localisés et de bonne qualité d’usage, leur valeur va bien résister, même s’ils pâtissent d’une légère décote par rapport aux immeubles du premier segment. Le troisième segment sera constitué des immeubles non verts mal situés et de mauvaise qualité d’usage. Ils subiront une décote, plus ou moins importante selon leurs défauts de localisation et d’usage.
Et dans quel segment se situeront les immeubles verts mal situés et de mauvaise qualité d’usage ? Dans le troisième segment bien sûr. Ils subiront une décote, qui pourra être significative, même si elle est un peu atténuée par leurs caractéristiques énergétiques et environnementales.