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[EDITO] L’immobilier dans l’œil de Bercy

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L’immobilier serait-il dans l’œil de Bercy ? D’ordinaire quand le ministère de l’Economie et des Finances se penche sur le secteur, c’est avec une focale fiscale qui oscille entre la carotte et le bâton.

Il y a 10 jours, c’est avec une approche plus que prudentielle qu’un organe du ministère – le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) – s’est intéressé à l’immobilier d’entreprise en insistant sur les risques de survalorisation des actifs et sur un contexte propice à « l’émergence d’un épisode d’emballement ». La note est salée à première vue. Elle l’est d’autant plus qu’elle émane d’une autorité macroprudentielle qui a pour objectifs de « réduire les risques de crise financière et assurer la stabilité nécessaire à la croissance ».

Est-elle fausse pour autant ? La vision du marché du HCSF n’est pas totalement déconnectée de la réalité. Le Haut conseil met en exergue un marché à deux vitesses avec d’un côté des investissements qui explosent faute de rendement dans les autres placements, et de l’autre un secteur locatif qui souffre faute de croissance économique. Traduction sur le terrain : les prix s’envolent, accélérant la dégringolade des rendements locatifs.

Le HCSF pose la question qui inquiète les investisseurs : le marché de l’immobilier d’entreprise français est-il surévalué ? Les hypothèses du Haut conseil oscillent entre une surévaluation de 15 à 20% de l’immobilier d’entreprise, et même de 30% des bureaux dans le QCA parisien. Dans cette analyse, le HCSF se range derrière les avis de la BCE qui pointe une surévaluation de 50% du segment "prime" de l’immobilier d’entreprise en France pour 2015 et de la banque d’Angleterre qui a inclus dans ses stress tests une hypothèse de baisse de 35% des prix de l’immobilier d’entreprise français. On n’ose imaginer les stress tests sur l’immobilier londonien dans le contexte d’un éventuel Brexit !

Le plus problématique, c’est que la France apparaît comme le mauvais élève européen de la classe. Le HCSF insiste sur la situation « singulière » de la France qui passerait du statut de « pays le plus rentable jusqu’en 2005 à celui de moins rentable en 2014 ». Une vision du marché qui n’est pas corroborée par la plupart des études sur le secteur.

Mais au-delà de la question du prix – perçu comme un risque financier et comme une épée de Damoclès pour les investisseurs – le Haut conseil y ajoute un risque économique lié à une offre excédentaire. Ce n’est pas tant la surproduction qui est pointée du doigt que le décalage entre l’offre et la demande. Et ce risque est d’autant plus mal apprécié que les données se font rares, en particulier sur le degré d’obsolescence du parc tertiaire, souligne le Haut conseil.

Faute de lisibilité, le risque serait que le régulateur mette le pied sur le frein des investisseurs institutionnels dans leur allocation à l’immobilier. Ce serait surtout un signal négatif pour l’attractivité d’un marché que de déconseiller à ses acteurs domestiques d’y investir.

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