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[EDITO] Brexit : God save Real Estate ?

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Les analyses et autres commentaires pleuvent sur les conséquences du Brexit pour les marchés immobiliers. Plus ou moins farfelus. On nous annonce le grand retour des émigrés au bercail, la colonie française s’apprêterait à quitter en masse Londres. Dans la même veine, les grandes fortunes établies outre-Manche se rabattraient à Paris au grand bonheur des courtiers de l’immobilier de luxe. En réalité, le retour des émigrés fiscaux – qui restent encore non-résidents – n’a pas attendu les résultats du référendum britannique. Et si l’immobilier de luxe se porte bien dans la capitale française, c’est avant tout parce que les prix et les taux d’intérêt ont baissé. Quant à savoir si le Brexit ferait rentrer les quelque milliers de retraités britanniques qui s’épanouissent en France, cela reste un épiphénomène même à l’échelle des côtes dinardaises ou du fin fond de la Dordogne. La réalité sur le marché résidentiel, c’est qu’on ne sait fichtre rien des conséquences du Brexit.

En immobilier d’entreprise, le Brexit inquiète tout autant qu’il fait espérer. Si tout le monde reste dans l’expectative quant aux conséquences macro-économiques de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Europe, les préoccupations micro reprennent le pas. La perspective d’une relocalisation de sièges sociaux européens sur Paris est un scénario qui prospère, au moins dans les esprits. Il faudra néanmoins surmonter les obstacles fiscaux et sociaux qui renchérissent le coût du travail en France.

Mais c’est surtout les capitaux des investisseurs internationaux que tout un chacun espère capter. En particulier Paris qui, en tant que premier marché tertiaire d’Europe continentale, se présente comme la nouvelle porte d’entrée des investisseurs. Sur le papier effectivement, Paris est une alternative totalement crédible par rapport à Londres. Pour autant, elle souffre de quelques handicaps, à commencer par des prix jugés chers, pas seulement par le régulateur dans le rapport du HCSF, mais aussi en off par les professionnels eux-mêmes. D’ailleurs, Paris et la France en général n’ont pas profité de l’attentisme pré-référendum. Quand les volumes d’investissement en immobilier d’entreprise chutent de 43 % en Grande-Bretagne au 1er trimestre 2016 selon RCA, ils dégringolent de 59 % en France et de 36 % en Allemagne. La dérivation des flux n’a pas encore fonctionné.

Pas sûr que les investisseurs internationaux refluent naturellement vers l’Europe continentale. D’abord, parce que la plupart des analystes écartent un crash de l’immobilier d’entreprise en Grande-Bretagne, et particulièrement à Londres, dont les perspectives de croissance économique, même abaissées, restent positives (1,5 % contre 2,3 % en 2016 et 2,7 % en 2017 selon les pronostics de Capital Economics). Ensuite, parce que la baisse de 10 % de la livre sterling par rapport au dollar et à l’euro redonne 10 % de pouvoir d’achat aux acquéreurs potentiels qui vont certainement bénéficier d’une révision attendue des valeurs vénales. Autant d’arguments qui maintiennent une certaine attractivité de la place londonienne dans un climat qui frôle parfois l’hystérie.

En attendant de surfer sur le Brexit, le marché de l’immobilier d’entreprise continue son long fleuve tranquille, anticipant une légère reprise de la demande placée de bureaux en Ile-de-France (2,3 millions de m²), un niveau d’investissement attendu à 22 Mds€ et une nouvelle compression des taux de rendement sous la barre des 3 % sur les actifs « prime ». Jusqu’ici, tout va bien. Une sorte de « french flegme ».

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