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Point de vue d'Arnaud Syoën, CBRE Valuation and Advisory

Infra-state : une nouvelle alternative pour les acteurs de l’investissement ?

Arnaud Syoën, Directeur régional Sud-Ouest et référent infrastructure CBRE Valuation and Advisory © CBRE Valuation and Advisory

En 2013, Axa IM avait initié la transformation de sa division Real Estate en annonçant vouloir investir 10 milliards d’euros dans les dettes infrastructures. 3,5 milliards d’euros plus tard, le chemin pris par la division d’Axa, rebaptisée depuis « Real Assets », est désormais emprunté par d’autres acteurs parmi lesquels se trouvent des géants de la gestion à l’instar d’AmundiLa Banque Postale AM, ou encore Natixis AM

L’ensemble de ces acteurs viennent chercher, de manière directe ou indirecte, au travers de ces actifs non notés, un rendement supérieur aux obligations et autres instruments financiers grâce, entre autres, à leur prime d’illiquidité.

Cette ambition de diversification dans les actifs réels est catalysée par le contexte des taux extrêmement bas qui posent des difficultés inégalées et nouvelles aux investisseurs, ces derniers devant répondre aux exigences de rendement de leurs clients.

Dans ce contexte, même si l’obligataire continue « d’occuper une place très importante dans les allocations stratégiques, notamment chez les institutionnels, les « actifs réels », parfois aux allures de trophy assets étant donné l'élément de rareté, tendent à constituer de nouveaux eldorados recherchés à la fois pour leur rendement supérieur aux obligations et pour la protection de portefeuille qu’ils offrent », explique Arié Flack, associé fondateur de la Compagnie Financière du Lion, banque d’affaire et conseil spécialisé dans le domaine des infrastructures.  

Cependant, au-delà de cette « diversification », à quelle définition précise correspond la notion « d’actifs réels » ? En effet, les interprétations diffèrent d’un acteur à l’autre. Ainsi, certains n’y intègrent que des investissements en dettes quand d’autres y comprennent des investissements immobiliers alors que des troisièmes y ajoutent des investissements en infrastructure.

Derrière cette malléabilité dans la définition, il faut surtout retenir une approche en creux qui consiste à comprendre ces actifs comme « tout-ce-qui-n’est-pas-du-financement-corporate-non-coté » ou encore « tout-ce-qui-ne-correspond-pas-à-des-produits-financiers-dérivés-volatils ». Autrement dit, les « actifs réels » s’assimilent à des actifs fongibles, cessibles et répondant aux exigences de sécurité, grâce au sous-jacent physique demandé par les gérants.

Cette appétence pour le « sous-jacent physique », visée par une approche pragmatique pratiquée par les investisseurs, tend à couronner la notion d’actifs réels au-dessus des « silos » que constituent le domaine des infrastructures d’un côté et de l’immobilier de l’autre. Cette trajectoire qui voit deux univers distincts se rapprocher dans une classe d’actifs globale répond au passage au souhait des clients qui viennent chercher, dans les infrastructures et dans l’immobilier, une vraie visibilité sur les cash flows qu’ils génèrent et donc sur la rentabilité de l’investissement.

Cet intérêt commun de la part d’acteurs aux visions différentes et complémentaires donne de l’épaisseur à la notion d’actifs réels que l’on qualifiera « d’infra-state », soit une classe de produits mêlant infrastructure (« infra ») et immobilier (« state » de « real estate »). Cette convergence se retrouve plus précisément dans la mise en place de plate-forme opérationnelle, à l’instar de BlackRock qui n’a pas hésité à regrouper, pour les services infrastructure et immobilier, les activités, entre autres, de fundraising, de marketing et de relations avec les investisseurs[1].  

Au-delà de ces aspects techniques répondant aux enjeux des gérants et au-delà de la visibilité de rentabilité des investissements répondant aux enjeux de clients, ces « infra-states » correspondent par ailleurs à une convergence des infrastructures et de l’immobilier en tant qu’acteurs communs de la politique de l’aménagement de la ville et du territoire. C’est le cas, par exemple, des aéroports dont les gestionnaires capitalisent sur le gisement de l’immobilier commercial  fondé sur l’existence de flux de chalands captifs incarnés par le trafic voyageur.

On retrouve ces caractéristiques dans les gares métropolitaines qui tendent à devenir de véritables centres commerciaux fondés sur le flot de voyageurs pendulaires. D’autres équipements s’inscrivent dans les caractéristiques de ces infra-states, tels des dépôts de bus, des centres de réparation de tramway ou de trains. Chaque exemple cité ci-avant a d’ailleurs vu des acteurs de l’immobilier s’y consacrer tout comme Altarea Cogedim dans les gares ou encore Foncière Atland et ses partenaires dans l’OPCI Transimmo dédié au transport. Cette convergence incite également des acteurs de l’infrastructure à cheminer vers l’industrie immobilière, à l’instar du mouvement entrepris par Paris Aéroport sur ses plates-formes.

La demande sociale soutenue et continue en infra-state (besoins en équipements scolaires, crèches, services, etc.), couplée à une problématique majeure du financement du côté des collectivités, devrait continuer à alimenter ce pipeline de projets qui intéressent donc aussi bien les acteurs de l’immobilier que ceux des infrastructures.

Cependant, « malgré une trajectoire convergente, infrastructure et immobilier, réunis dans ces infra-states, ne constituent pas un segment monolithique », alerte Bruno Candès, partner chez Infravia Capital Partner, société indépendante d’investissement en infrastructure : développements greenfields, actifs brownfields, concessions, PPP, long-terme, mid-terme, par exemple, sont autant de spécificités qui traversent cette classe d’actifs.

Des spécificités qui « imposent des manières différentes de gérer tous ces types de produits, des méthodes distinctes pour les valoriser ou encore des stratégies de sortie singulières à anticiper », ajoute Bruno Candès. Autant de caractéristiques qui incarnent des zones de risques devant être abordées selon une gestion tactique, adaptée et en cohérence avec les enjeux des sous-jacents.

[1] Interview de Jim Barry, Head of infrastructure de BlackRock, Infrastructure Investor, PEI Magazine – mars 2016

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