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Les bons voeux de la Direction du Trésor

Dans la corbeille de vœux du Grenelle de l’Environnement, la Direction du Trésor du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie a déposé en décembre un présent de choix, intitulé « Impacts économiques du Grenelle de l’Environnement ». Les conclusions de ce « Document de travail », présenté en annexe de la présente chronique, sont claires : l’impact positif du Grenelle en terme de croissance et d’emploi jusqu’en 2020 s’annule pour devenir négatif entre 2020 et 2050. Cette publication m’inspire quatre réflexions.
Premièrement, il s’agit d’un nouvel épisode du bras de fer qui oppose depuis 2007 le ministère du Développement Durable au ministère des Finances. Le rattachement récent de l’Energie à ce dernier traduit l’évolution du rapport de force, longtemps favorable au ministère du Développement Durable.
Deuxièmement, une critique sérieuse et argumentée de l’étude économique de la Direction du Trésor est absolument indispensable. On peut en particulier se demander si les conclusions de l’étude ne sont en partie contenues dans les hypothèses. L’hypothèse centrale est que le Grenelle de l’Environnement est une simple avancée (coûteuse) dans le temps de réglementations et de mesures qui auraient de toute façon vu le jour. Une autre hypothèse est que le Grenelle n’aura aucun impact en terme d’innovation et de productivité. Nous avons donc besoin d’une analyse faite par une équipe d’économistes, français et avec un regard étranger, totalement indépendante des deux ministères concernés.
Troisièmement, le Grenelle de l’Environnement a d’immenses mérites, en particulier celui d’avoir organisé la mobilisation inédite de cinq grands corps de la société (Etat, collectivités territoriales, patronat, syndicats, organisations environnementales) pour rattraper le retard accumulé par la France sur les questions stratégiques du changement climatique, de la biodiversité et des risques environnementaux et de santé. Mais il a un manque important : l’absence ou la faiblesse de l’analyse économique. Les analyses en termes de coût de la tonne de CO2 évitée ou l’étude coût/efficacité des mesures décidées devraient être au cœur de la démarche. Ce n’est pas le cas.
Dans le domaine de l’immobilier et du bâtiment, où se situe selon l’étude du Trésor normalement « un potentiel important de réduction du CO2 à bas coût » (page 20), cette analyse économique ne doit pas se limiter aux travaux, neufs ou de rénovation, mais inclure les modalités de gestion exploitation des immeubles et le comportement des utilisateurs. Nous pensons que l’objectif du Grenelle de l’Environnement d’une baisse de près de 40 % de la consommation d’énergie dans le parc immobilier existant, est atteignable, avec en moyenne 20 % obtenus par des travaux, 10 % dépendant d’une exploitation plus rigoureuse, et 10 % liés à une évolution du comportement des utilisateurs.
Une grande entreprise m’indiquait récemment qu’elle avait décidé des économies d’énergie substantielles dans ses cinq implantations tertiaires régionales, à condition que le temps de retour de l’investissement, au prix actuel (peu élevé) de l’énergie, soit inférieur à 3,5 ans. L’opération fut impossible dans une agence : économiser l’énergie dans un immeuble bien orienté, bien conçu, bien réalisé et bien géré est coûteux. A l’inverse, dans les quatre autres agences, les économies réalisées (et mesurées) ont été en moyenne de 29 % avec des investissements d’un temps de retour moyen de 3,1 ans.
Quatrièmement, une étude économique complémentaire de celle de la Direction du Trésor est à faire. Une conclusion pouvant être tirée de l’approche du Trésor est qu’il convient de ne rien faire jusqu’en 2050, puisque les gains en terme de croissance et d’emploi obtenus avant 2020 sont annulés d’ici 2050. Cela ressemble fort au scénario « Business As Usual » du rapport Stern sur « L’économie du changement climatique » publié en 2006. Nicholas Stern concluait alors que les conséquences de ce scénario « Business As Usual » se traduiraient par une baisse de 5 à 20 % du produit intérieur brut par habitant, « l’estimation correcte (se situant) dans la partie supérieure de cette fourchette ». Mais l’analyse économique était différente de celle du Trésor, les conséquences économiques du dérèglement climatique étaient chiffrées, l’approche était plus globale et à plus long terme, et le taux d’actualisation utilisé n’était pas le même.