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Point de vue de Hélène Bédon-Rouanet

L'ère des immeubles-marques

L’immobilier de bureaux ouvre une nouvelle ère et se prépare à jouer sur le territoire des grandes marques !

#Cloud.paris © SFL

L’immeuble de bureaux a toujours été plus qu’un simple immeuble. Porteur des valeurs de son époque, il a été soumis en permanence à l’obligation de répondre aux attentes de ses locataires pour mieux les attirer. Le rendement locatif guide toute l’histoire de l’immobilier tertiaire. Longtemps, une simple adresse prestigieuse a suffi, la fameuse « localisation » qui fait encore les beaux jours du QCA*. Il s’agissait alors de refléter le standing de son occupant.

Puis l’immobilier tertiaire a évolué en proposant des architectures plus à la mode ou spectaculaires afin de mieux porter les valeurs de puissance ou de créativité de l’entreprise qui y installe son siège. L’immeuble de bureaux comme support de communication de l’entreprise. Les bureaux ont pris de la hauteur notamment à La Défense, quand d’autres ont préféré les campus éloignés de la capitale.

Après cette concentration sur les murs, l’époque suivante a préféré prendre en compte des valeurs plus sociales. La volonté a été de simplifier la vie des salariés en leur proposant des espaces de restaurants d’entreprise, d’avoir des salariés en bonne santé avec l’installation de salles de sport en sous-sol, de proposer aux femmes des crèches d’entreprises et bien sûr toujours des places de parking respectueuses de la hiérarchie. Les plus chanceux ont aussi eu droit à des nouveaux services et l’arrivée des conciergeries.

Mais la création de valeur est toujours le nerf de la guerre dans un marché qui n’a jamais eu peur des remises en question. C’est la finance qui a commencé à regarder de près ces actifs immobiles en imposant des nouvelles grilles de critères et de rentabilité. L’obsolescence a rattrapé certains immeubles qui pourtant avaient avant tout pour plaire. La qualité fait une percée avec les premières normes.

Enfin les attentes des locataires ont fait place à l’arrivée des nouvelles réglementations et certifications environnementales. L’immobilier est montré du doigt, un peu exagérément, comme grand responsable de la pollution de la planète. Les acteurs ont alors anticipé le mouvement avec bonne volonté. Les immeubles ont verdi et se sont parés de toutes les vertus écologiques du moment. La green value poussée par les fonds de pension américains a fait évoluer tous les métiers de l’industrie immobilière. Matériaux recyclés, récupération des eaux de pluie, panneaux solaires, végétalisation des façades, accès aux transports en commun, etc.

On lui demande aujourd’hui un peu plus d’intelligence, de savoir capter sa data, d’analyser et d’économiser sa consommation d’énergie, de partager ses flux avec les immeubles voisins, d’être smart !

Mais le mouvement s’accélère ! Voilà qu’après avoir subi toutes ces exigences et contraintes, on exige de l’industrie immobilière de produire des immeubles pour le bien-être des salariés ! Une notion encore subjective si on ne la réduit pas à une décoration « comme à la maison ». On l’interroge aussi sur la qualité de l’air intérieur, la pollution sonore, les lieux de convivialité, les lieux pour s’isoler, les lieux pour déjeuner, les lieux pour se réunir à 2 ou à 10, les lieux pour créer… Stop ! N’en jetez plus !

Après la finance et l’environnement, c’est l’économie des services qui vient demander des comptes et prendre le pouvoir.

De nouvelles certifications arrivent plus vite encore, prenant en compte la connectivité de l’immeuble, sa relation à la ville et sa contribution à la nature.

Mais la digitalisation de l’économie n’est pas en reste pour venir jouer un dernier tour à l’industrie immobilière. Voici que l’on pourrait se passer en fin de compte aisément de bureau pour travailler ou se réunir. Pire encore, la nouvelle tendance est de sortir de ces immeubles parfaits pour faire du co-working ! Aller au bureau tous les jours c’est ringard, les utilisateurs veulent travailler où et quand ils veulent et surtout dans un endroit sympa ! L’immeuble de bureaux menacé de devenir une appli au bout du pouce. Alors se pliant de bonne grâce, les immeubles de bureaux se transforment aujourd’hui en valeur d’usage et ouvrent des espaces de co-working et des flexi-bureaux.

Il est donc temps que l’industrie immobilière cesse d’être tributaire des désirs des autres et des modes pour imposer elle-même des immeubles-marques qui seront à leur tour convoités ! Quoi de plus résistant et de durable qu’une grande marque qui sait traverser les époques sans prendre une ride ?

Les promoteurs devront donc consacrer de nouveaux efforts au « naming » de leurs immeubles.

On pourrait résumer que l’immobilier de bureaux a été une « marque sous le radar » peu connu du grand public, puis a évolué en marque fonctionnelle (proposer des m2 de bureaux) et que demain les immeubles seront des marques aimées. Des lieux proches des phantasmes des locataires, déclenchant des enthousiasmes incompréhensibles, échappant à la logique d’un marché mais qui auront trouvé leurs racines dans l’affectif pur. Un lien plus important que le bien.

Un directeur de l’innovation d’une grande foncière m’a dit « un jour on ne dira plus pour quelle entreprise on travaille mais dans quel immeuble on travaille ».

Ce jour-là, l’industrie immobilière aura gagné son pari, et elle l’aura bien mérité !

*QCA : Quartier Central des Affaires

 

 

Mots-clés : Coworking, Data, QCA, Smart