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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE France

Face au risque, le "retail bashing" ne paye pas

Monoprix à La Mantilla - Montpellier (34)

On vient d’apprendre que plus de 200 centres commerciaux seraient menacés de faillite au Royaume-Uni. Il est incontestable que les difficultés des enseignes britanniques (BHS, Tesco, Sainsbury, House of Fraser…) et la baisse de la consommation liée à la dépréciation de la livre expliquent en grande partie la dégradation du marché immobilier commercial britannique.  

Pour autant, les cessions dans l’urgence peuvent avoir d’autres origines que la vacance ou la contre-performance du commerce lui-même.

Des mécanismes financiers à l’échelle de l’institution y ont leur part, comme le montre l’exemple de Casino, qui vient d’annoncer la cession de 55 Monoprix. Selon le journal Les Échos, le distributeur serait sous la pression de fonds d’investissement menaçant de se retirer s’il ne réduit pas son endettement, d’où l’adoption d’un plan de cessions.

Rappelons que, dans les sociétés cotées, le taux d’endettement varie en fonction de la valeur estimée des actifs détenus. Schématiquement, quand la confiance des milieux financiers baisse — et Standard and Poor’s a justement dégradé la note de Casino — le taux d’endettement monte et la société doit vendre des actifs ou tailler dans les coûts d’exploitation pour retrouver des fonds propres.

Des annonces de ce type, quand elles ne sont pas resituées dans leur contexte, font du commerce un coupable idéal et génèrent un "retail bashing" contre-productif.

Elles amplifient l’impression de risque pour les investisseurs, tirent encore les valeurs des actifs à la baisse et rendent par là plus difficile le financement des investissements nécessaires.

Car si l’immobilier commercial français, pour des raisons structurelles, résiste mieux que son homologue britannique, plus personne ne doute qu’il faille agir, parfois en profondeur, pour repositionner les actifs et pérenniser leur valeur. Le marché est en train de réaliser ce que des décennies de conjoncture porteuse lui ont fait oublier : au même titre que les autres classes d’actif immobilier, le commerce n’est pas exempt de risque.

Les investisseurs doivent-il pour autant se détourner de l’immobilier commercial, se limiter aux valeurs sûres ? Ou doivent-ils adopter au contraire des stratégies plus offensives ?

L’immobilier commercial est parfaitement rentable quand le commerce est prospère.

Or, si l’avenir du commerce a pu paraître incertain, nous savons aujourd’hui qu’il passe par un modèle omnicanal.

En d’autres termes, le commerce physique reste indispensable aux yeux des consommateurs, à condition de trouver, pour chaque point de vente et pour chaque site, le positionnement à la fois cohérent avec son emplacement et différenciant par rapport à l’e-commerce, en terme d’offre, d’accueil et de service.

Cela se fera-t-il tout seul ? Certainement pas. Mais au moins le cap est-il fixé. Et il montre que le succès appartiendra aux investisseurs les plus experts, capables de se projeter à moyen terme dans des stratégies éclairées et constructives.

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