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Point de vue de Laurent Escobar, ADEQUATION

Il reste 14 mois pour changer le modèle des opérations d’aménagement en secteur tendu

© JeromeCronenberger / Fotolia

Victimes collatérales de la disruption de la promotion immobilière par les prix du foncier dont nous parlions dans un récent article, les aménageurs publics des métropoles auront peut-être bientôt du mal à mener à bien leurs opérations.

Du fait de la hausse des prix qui s’annonce, faute d’acquéreurs solvables, tant en accession qu’en investissement défiscalisé, les promoteurs ne pourront plus supporter les charges foncières inscrites au bilan des opérations d’aménagement. Rappelons que le marché des particuliers investisseurs va de toute façon chuter brutalement en 2020, soit dans 14 mois, du fait de la réduction drastique du dispositif Pinel.

Dans les secteurs tendus, les bilans des aménageurs, comme ceux des promoteurs, ne tourneront bientôt plus.

Une solution consiste à reconsidérer la programmation des opérations d’aménagement qui, aujourd’hui, ressemble classiquement à cela :

  • Logement libre (accession / investisseurs) : 45 %
  • Accession à prix maîtrisé sur foncier décoté : 15 %
  • Locatif intermédiaire : 5%
  • Logement locatif social et accession sociale : 35 %

On peut loger la même population en changeant ainsi la répartition des logements :

  • Logement libre (accession / investisseurs) : 30 %
  • Accession à prix maîtrisé avec bail réel solidaire : 15 %
  • Locatif intermédiaire : 20 %
  • Logement locatif social et accession sociale : 35 %

Ces adaptations diminuent le prix de revient des logements sans perte de recette foncière pour l’aménageur, du moins en ce qui concerne les logements libres.1

Dans cette nouvelle répartition, les ventes à particuliers investisseurs (Pinel) sont converties en locatif intermédiaire. Le public visé reste celui des ménages aux revenus légèrement supérieurs au seuil d’éligibilité au logement social.

Le transfert vers les investisseurs institutionnels est justifié par le fait que, à la différence des particuliers, ils peuvent se financer à long terme et amortir leurs actifs dans la durée.

En outre, cela revient à transformer des ventes au détail par la promotion immobilière en ventes en bloc à des investisseurs institutionnels ou en maîtrise d’ouvrage directe par eux. À charge foncière égale, le prix de revient des logements est allégé en termes de marge commerciale, de frais de commercialisation et de rémunération du risque des apporteurs de capitaux.

Quant à l’accession à prix maîtrisé, elle ne se fait plus sur des fonciers cédés à un prix décoté, d'où une économie pour l'aménageur. C'est au prix du marché qu'il vend le foncier à un OFS, organisme foncier solidaire, à but non lucratif, qui le louera ensuite aux acquéreurs des logements via un bail réel solidaire (BRS).

Ces solutions sont prometteuses, mais appellent un changement de posture de la part des aménageurs et des collectivités.

Il devient ainsi impératif de généraliser les montages dissociatifs, dont le BRS est un exemple. Or on ne compte aujourd’hui que 5 organismes de foncier solidaire agréés et 13 en projet sur l’ensemble du territoire.

Quant aux investisseurs institutionnels qui reviennent doucement sur le marché du logement, ils ne sont pas forcément prêts à s’y impliquer massivement, surtout hors région parisienne.

Face à cette clientèle devenue vitale pour leurs opérations, les aménageurs doivent se préparer non pas à les mettre en concurrence dans le cadre de leurs consultations habituelles, mais à constituer des dossiers solides pour les convaincre de prendre part à leur opération.

Un changement radical, donc, et urgent !


1 Ces adaptations améliorent les recettes foncières sur le logement libre, mais peut-être pas au point de de maintenir les péréquations permettant de procurer du foncier décoté aux bailleurs sociaux

Mots-clés : Pinel, OFS, BRS