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Point de vue de Simon Goudiard, ADEQUATION

Chartes du logement : gare à l’effet boomerang

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Depuis une dizaine d’années, les collectivités des secteurs “tendus” multiplient les chartes ou les conventions qui encadrent la construction de logements pour mieux maîtriser les profils de population concernés, la qualité de l’habitat et parfois le fonctionnement des copropriétés.

L’intention n’est pas contestable, bien au contraire. Toute la question est de savoir “jusqu’où ne pas aller trop loin”, car un carcan de règles est peut-être le meilleur moyen de ne pas atteindre les objectifs poursuivis.

Les limites des chartes en termes de réponse au marché

Souvent, la charte détermine simultanément un prix de vente moyen au mètre carré et des surfaces minimales par type de logement, ce qui la rend très compliquée à appliquer, surtout à l’échelle d’un programme isolé en diffus.

En outre, ces normes encouragent les promoteurs à optimiser leur programme sur le plan financier (quelle combinaison dégage le plus de chiffre d’affaires) plutôt qu’en réponse aux besoins du marché (quels produits pour quels budgets).

En termes de qualité des logements

La charte fixe des principes de conception architecturale, mais ne saurait définir tous les éléments qui font la qualité des logements. Pour schématiser, ce qui se voit a des chances d’être réalisé conformément à la charte (bien que sans réel contrôle), tandis que ce qui ne se voit pas risque d’être utilisé comme variable d’ajustement pour rentrer dans l’enveloppe financière imposée. La qualité est-elle au rendez-vous ? Il faut le demander aux occupants des logements.

En termes de pérennité

Des règles de conception trop précises ont pour effet de standardiser les logements, au risque d’une obsolescence rapide et d’une sclérose du marché, quand on sait que ce sont au contraire la diversité et la flexibilité des produits qui assurent sa fluidité dans la durée.

Quant à la pérennité des prix que la charte entend contenir dans des limites abordables, elle non plus n’est pas garantie. Certes, quand la charge foncière a été cédée à un prix bonifié en contrepartie d’un prix capé, des clauses anti-spéculatives sont censées limiter les plus values à la revente :  faute de robustesse juridique, leur efficacité est toutefois discutable.

Devant ce constat, une approche alternative est souhaitable.

S’il appartient bien aux élus de poser leurs objectifs politiques, leur rôle ne devrait pas aller jusqu’à codifier les moyens de les atteindre. Il serait plus efficace – et peut-être légitime eu égard à la liberté de la concurrence – que les collectivités consacrent leurs efforts à :

1. Mobiliser l’intelligence collective autour de projets

  • En partageant en continu avec les opérateurs immobiliers leur vision stratégique du logement sur leur territoire.  
  • En stimulant la créativité des professionnels dans le cadre de projets, encadrés par des objectifs plus que par des règles fixées a priori.
  • En encourageant la participation des usagers à la conception des logements, tendance lisible dans tous les secteurs de l’économie et dans l’habitat en particulier.

2. Appliquer les critères de qualité au bon niveau

  • La charte fait rarement sens à l’échelle d’un programme isolé. Il vaut mieux la réserver aux opérations d'aménagement.
  • Sur les programmes concernés, il sera plus efficace de prioriser certains critères d’excellence que de chercher à atteindre une valeur moyenne sur tous.

3. Accompagner la réalisation des projets du début à la fin

Puisque l’existence de normes n’apporte que peu de garanties de résultat, un dialogue entre gens éclairés et responsables tout au long de la conception et de la réalisation du projet sera souvent plus efficace. Cela implique des services techniquement compétents, avec des ressources humaines qu’il faudra probablement mutualiser à l’échelle intercommunale.


Les chartes d’esprit réglementaire comportent un vrai risque d’effet boomerang.

Remplaçons ces textes contre-productifs par une démarche plus partenariale et ouverte, moins systématique et plus responsabilisante.

Mots-clés : Aménagement