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Point de vue de Laurent Escobar & Simon Goudiard, Adéquation

Le BRS peut représenter 15 % du marché du neuf : qu’est-ce qu’on attend ?

Le bail réel solidaire est un outil très efficace pour créer du logement abordable et accroître le marché de la primo-accession. Il a toute sa place dans les PLH, les opérations d’aménagement et les modèles d’affaires des promoteurs. Or son développement dépend de la création d’offices fonciers solidaires. Il faut accélérer leur mise en place et les doter de stratégies volontaristes.

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Créé par la loi Alur, le bail réel solidaire (BRS) fait partie des montages qui dissocient le bâti du foncier. Le ménage acquiert un droit réel sur un logement. Ce droit est un capital cessible qu’il se constitue en empruntant. En revanche, le terrain ne lui appartient pas : il versera tous les mois une redevance modérée à l’organisme propriétaire.

En étalant dans le temps la charge mensuelle du logement (emprunt + redevance), le BRS diminue le taux d’effort regardé par les banquiers et rend les ménages plus solvables. S’ajoute au dispositif une série d’avantages spécifiques qui facilitent et sécurisent l’accession des particuliers à la propriété, sous des conditions de ressources analogues à celles du PSLA.

Pour en faire bénéficier leurs clients, les opérateurs immobiliers publics ou privés doivent construire leurs programmes sur des terrains mis à leur disposition par un office foncier solidaire (OFS) agréé par l’État.

Un outil judicieusement conçu

Il va de soi que le montage en BRS a de quoi séduire les primo-accédants.

Précisons qu’il est éligible à la TVA réduite et au PTZ. La cession est non seulement possible, la durée du bail étant réinitialisée à chaque mutation, mais également sécurisée par l’engagement de l’OFS à racheter le logement.

Pour les collectivités aussi, ce montage cumule de nombreux avantages.

Il allège les volumes de fonds propres et de subventions à consacrer aux opérations. Les logements restent durablement abordables car la loi a tout prévu : les acquéreurs successifs sont soumis aux mêmes conditions de ressources et les prix de cession sont encadrés, selon un indice choisi librement par l’OFS (par exemple l’IRL). Enfin, ces logements rentrent dans les quotas de logements sociaux de la loi SRU. Notons au passage que le BRS offre d’autres applications très prometteuses dans l’ancien (copropriétés dégradées, rénovations énergétiques, ventes de logements sociaux…) sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir.

Un énorme potentiel encore largement sous-exploité

L’allègement du prix des logements rend de nouveau solvable la clientèle des accédants du début de la classe moyenne, aujourd’hui exclus du marché par des prix trop élevés en regard de leur capacité d’endettement. Il améliore également la mobilité résidentielle des ménages du haut de la classe moyenne.

Les opérations montées en BRS pourraient concerner jusqu’à 15 % de la clientèle de l’accession à la propriété, une partie prise sur le volume actuel, une partie gagnée sur de nouveaux ménages.

L’attrait du BRS pour les ménages concernés ne fait guère de doute. Les premières mises sur le marché ont montré que les candidats à l'acquisition étaient parfaitement renseignés sur les avantages du montage et très nombreux à souhaiter en profiter. Cela s’explique notamment par le fait qu’ils y voient une alternative non pas à l’accession classique (inabordable), mais à la location : c’est une épargne en lieu et place d’un loyer à fonds perdus.

Malgré tous ces avantages, trois ans après la parution du décret d’application de la loi Alur, le nombre d’offices fonciers solidaires agréés est encore limité : ils n’étaient que huit à la fin 2018. Une quinzaine de plus sont en préfiguration, dont certains en cours d’agrément.

Fait significatif, pour l’instant seuls trois OFS sont préfigurés en Île-de-France (dont un déjà agréé), dotés ensemble de ressources foncières qui permettront à terme de construire 550 à 600 logements par an. Là où le potentiel est dix fois plus important. Et ce constat peut être généralisé aux principaux marchés métropolitains en régions.

Ne pas se priver des ressources du privé

Le législateur a laissé une grande liberté aux collectivités, aux EPF et au monde HLM pour façonner à leur main des offices fonciers solidaires qui soient l’instrument juridico-financier de stratégies volontaristes.

À Saint-Malo, la Coop HLM Keredes, pionnière en la matière, a créé la Coopérative Foncière Malouine. Sa stratégie est particulièrement judicieuse, en cela notamment qu’elle incite le plus possible d’acteurs privés (promoteurs, employeurs, banquiers) à s’associer à l’OFS en lui apportant des terrains.

Il faut insister sur l’intérêt qu’il y a à mobiliser les ressources du privé. Certes, le modèle est d’autant plus efficace que l’OFS acquiert ses terrains à des prix se rapprochant de la charge foncière du logement social. Mais ce n’est pas un obstacle pour les promoteurs.

Réserver une partie de leur foncier à l’OFS, qui le leur remettra à disposition sous forme de BRS (transmis ensuite aux acquéreurs) pour construire des logements, génère une péréquation proche des habituelles Vefa aux bailleurs sociaux.

Faire entrer le BRS dans toutes les programmations

Pour créer une dynamique locale du type de celle de Saint-Malo, le message des élus locaux, exprimé avec force et relayé auprès de tous les acteurs du logement de l’agglomération, devrait être à peu près celui-ci : « Nous allons faire en sorte que 15 % des logements neufs produits dans l’agglomération soient en BRS. Cet engagement est traduit dans le PLH et dans les programmes des opérations d’aménagement. »

Le BRS est tellement inhabituel (en France) qu’on y voit principalement un montage astucieux. C’est passer à côté de l’essentiel : le formidable marché potentiel qu’il libère et le pouvoir donné aux territoires de le satisfaire de manière maîtrisée.

À condition de se saisir sans attendre de cette opportunité et de créer rapidement des offices fonciers solidaires au service des politiques locales de l’habitat.