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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE France

Le maire, l’écologie, le commerce et les électeurs

Les élections municipales approchent et l'écologie occupe largement les débats. Greenwashing, alliance politique ou vraie conviction : dans tous les cas, il est très probable que les exécutifs locaux issus des urnes en mars prochain soient tenus par des engagements plus forts que jamais en la matière. D'où cette question : de quelle manière ces engagements sont-ils susceptibles d'impacter les politiques commerciales des collectivités ?

© Hurca! / Adobe Stock

Poussons la logique écologiste jusqu’au bout… 

… et faisons un rêve.

Le rêve d’une ville (moyenne à grande) dans laquelle l’empreinte environnementale du commerce serait drastiquement diminuée.

Dans cette ville, l’offre commerciale est resserrée sur des pôles de flux : centre-ville, cœurs de quartier voire zones commerciales transformées en polarités urbaines mixtes et forcément densifiées. Plus aucune construction à usage commercial n’est créée sur des terrains agricoles ou naturels. 

L’usage de la voiture a quasiment disparu : les clients se déplacent à pied, en transports en commun ou à vélo. L’espace public est largement dévolu à ces modes, le stationnement est limité au strict minimum.

Les livraisons, celles des points de vente et celles des clients individuels, sont fortement réglementées afin de limiter la circulation en ville à quelques plages horaires et quelques secteurs. Les véhicules de livraison fonctionnent obligatoirement à l’électricité, à la traction humaine (pédalier) voire animale. 

Chacun trouve localement des produits bios à des prix abordables : des hypers aux supérettes, les rayons se sont considérablement étoffés et « démocratisés ». Des producteurs locaux de denrées alimentaires les vendent en circuit court via des Amap ou des épiceries coopératives. La vente en vrac est devenue la norme, entre autres parce que la fiscalité locale et l’organisation de la collecte des ordures ménagères rend compliqué ou coûteux de se débarrasser des emballages. 

Revenons sur terre, dans le monde de la complexité

Cette vision paraîtra désirable à certains, utopique à beaucoup, liberticide à d’autres… Est-ce parce que le monde se divise entre vertueux écologistes d’un côté, commerçants mercantiles et consommateurs irresponsables de l’autre ? Entre valeureux piétons ou cyclistes et méchants automobilistes ? 

Bien sûr que non. Le clivage n’oppose pas des camps, il passe en chacun de nous. Manger bio, mais se faire livrer des produits suremballés à toute heure, rouler à vélo, mais prendre l’avion plusieurs fois par an pour passer un week-end dans une capitale européenne, n’est-ce pas faire preuve d’incohérence caractérisée ?

En politique, l’incohérence prend souvent le nom de compromis. Et ce n’est pas faire offense à nos élus que de le dire, car quel élu n’est pas  confronté quotidiennement à des injonctions contradictoires : limiter la circulation automobile, mais faciliter le stationnement, défendre le centre-ville, mais ne pas laisser péricliter le commerce de périphérie, construire des logements, mais protéger les espaces naturels… 

La liste est longue de ces compromis qu’il faut faire au nom d’un juste équilibre qui semble devoir être toujours remis en cause.  

Et de fait, l’équilibre du commerce, déjà menacé par les efforts qu’il doit consentir pour s’adapter à un environnement économique en mutation, le sera fatalement par ceux qu’il va devoir consentir face aux impératifs écologiques. Le « rêve » décrit plus haut est peut-être celui de quelques écologistes radicaux, il n’est pas assurément pas celui de tous les commerçants. 

Soyons sérieux : agissons

S’il semble radical, ce « rêve » n’a pourtant rien de fantaisiste. Il ne fait que pousser jusqu’au bout des idées qui sont déjà là. En filigrane, il fait comprendre que l’évolution du commerce, sous l’angle environnemental, ne peut que s’accompagner de politiques urbaines et fiscales volontaristes, mais aussi de changements d’habitudes de la part des consommateurs et des usagers de la ville au sens large.  

Faut-il en débattre ? Assurément ! S’il faut prendre des décisions contraignantes, seul un débat démocratique les rendra légitimes, donc acceptables. Souhaitons que les nouvelles équipes municipales veuillent s’emparer du sujet et le traiter dans toute sa complexité et avec tout le courage politique nécessaire.

Mais souhaitons aussi (vœux pieux) que le « débat » électoral ne soit pas l’occasion de simplifications outrancières et de promesses bâclées qui rendraient tout travail sérieux impossible.