Business Immo, le site de l'industrie immobilière
Point de vue d'Antoine Mesnard, Recrutimmo

BIM Manager : du neuf dans les métiers de l’immobilier

Lorsque l’on parle de l’immobilier en général et des métiers de l’immobilier plus spécifiquement, le terme « conservateur » n’est jamais très loin que ce soit consciemment ou inconsciemment. Pourtant, le secteur de l’immobilier n’échappe pas aux évolutions du numérique et de nouveaux métiers ont fait leur apparition et ont surtout pris un rôle essentiel, notamment dans la conception et la conduite des chantiers. C’est le cas du BIM Manager.

Si aujourd’hui le BIM Management représente une réalité incontournable dans le monde de l’immobilier, il faut remonter aux sources du BIM (Building Information Modeling) pour en comprendre la substance et sa place dans la réalisation et l’exploitation d’ouvrages immobiliers.

À l’échelle de l’immobilier, le BIM Management est donc une discipline neuve. Joël Gaudin, responsable ingénierie pour l’Île-de-France d’Artelia (qui intègre le département BIM Management) estime la naissance de ce métier à six ou sept ans.

Le principe du BIM Management est de permettre de définir la maquette numérique d’un projet immobilier pour mieux la modéliser dans le temps et contrôler l’état d’avancement de ce projet au fur et à mesure de son déploiement, puis de gérer l’ouvrage au cours de sa vie et de son exploitation.

Avec le développement des projets immobiliers, de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes, est apparu le besoin impérieux de sécuriser la conception des projets immobiliers, car de plus en plus de problèmes, notamment dans les gabarits, apparaissaient.

De là est née l’idée d’une modélisation numérique exploitable de la conception et à la réalisation de l’ouvrage, sans oublier les perspectives en matière d’exploitation, voire de destruction qu’une telle maquette pouvait autoriser.

Toutefois, la mise en place et l’harmonisation de telles maquettes, si elles apparaissaient nécessaires aux bureaux d’étude, se sont très vite heurtées à une véritable réticence des maîtres d’ouvrage. En effet, la réalisation de ces maquettes représentait un coût trop important à leurs yeux au regard du seul intérêt immédiat qu’ils voyaient à savoir les perspectives commerciales qu’elles permettaient. En effet le BIM permettait de disposer de maquettes virtuelles très intéressantes pour projeter leurs clients dans l’ouvrage immobilier.

Ce sont donc les grandes entreprises d’ingénierie, telle qu’Artelia, qui ont initié cette démarche, rapidement suivies par les grands architectes, qui allaient donner ses lettres de noblesse au BIM.

Cette impulsion a d’ailleurs été rapidement relayée par l’État en France qui a rendu obligatoire l’utilisation du BIM dans ses appels d’offres, afin notamment de pousser les entreprises françaises à prendre le train du BIM en marche et ne pas se retrouver à la traîne vis-à-vis de ses concurrents, notamment anglo-saxons.

C’est donc d’abord en phase de conception que la maquette BIM a trouvé ses premiers débouchés.

Et c’est très vite et très naturellement que le métier de BIM Manager s’est créé afin d’organiser et déployer les multiples utilisations permises par la maquette numérique, en leur apportant des débouchés commerciaux auprès des clients. Les BIM Managers ont ainsi orienté les clients vers l’utilisation de ces maquettes non seulement sur la phase commerciale, mais surtout sur les phases de conception, mais également sur les phases d’exploitation.

Le BIM Manager intervient donc à plusieurs stades de la réalisation et de l’exploitation d’un ouvrage immobilier :

Tout d’abord en qualité d’assistant à maîtrise d’ouvrage : en effet, devant les difficultés des clients à définir leurs besoins en matière de modélisation numérique, le BIM manager vient les éclairer sur les applications qu’ils en feront.

Le rôle du manager BIM est alors d’orienter le client dans ses choix en lui faisant prendre conscience de ses besoins futurs et lui ouvrir des possibilités. À ce stade, le BIM Manager doit faire preuve d’une forte capacité d’écoute et être capable de se projeter dans les opportunités futures du client. Il occupe ainsi une place de conseil auprès du client qui pourra adapter la maquette BIM à ses besoins les plus précis.

En effet, les besoins en BIM peuvent être très différents selon les clients et l’utilisation des maquettes numériques qu’ils souhaitent en faire.

Le BIM manager intervient ensuite en phase de conception. Il définit ainsi le cadre de la prestation : qui doit faire quoi et quand. Il définit le niveau de précision des données qui doivent être intégrées dans la maquette numérique, en fonction du cahier des charges défini avec le client.

Le BIM Manager établit ainsi une convention BIM qui reprend ses éléments, avec le maître d’ouvrage.

Le BIM Manager intervient également dans le cadre de la phase d’exécution de l’ouvrage. Il intègre le projet à part entière. Sur la base de la maquette BIM de conception ou de la maquette BIM d’exécution si elle a été complétée ou refaite entièrement par le maître d’œuvre, le BIM Manager aura la charge de veiller au respect des éléments définis dans cette maquette tant du point de vue technique qu’au niveau des délais impartis et du respect des coûts.

Lors de cette phase d’exécution, la difficulté principale à laquelle sera confronté le BIM Manager sera l’hétérogénéité des compétences BIM de ses interlocuteurs sur le chantier. En effet, la plupart du temps, les correspondants BIM pour chaque corps de métier ne sont pas des professionnels du BIM. Ce sont le plus souvent des intervenants sur le chantier qui disposent de ces compétences, souvent apprises « sur le tas ». Selon la taille des entreprises, le niveau des correspondants BIM en matière de maquette numérique sera ainsi très aléatoire et il appartiendra au BIM manager du maître d’ouvrage ou de l’entreprise générale de veiller au respect de la convention par des intervenants moins performants ou moins sensibilisés à l’importance de ce nouvel aspect de leur métier. Le BIM Manager doit ainsi jouer un rôle de facilitateur, voire de formateur pour mener à bien le projet. En effet, plus l’entreprise qui intervient sur un chantier est petite, plus la compétence BIM est limitée. Le BIM Manager doit donc composer avec les intervenants de chantier, sans les braquer en trouvant des solutions.


Le BIM Manager est ainsi devenu incontournable pour la réalisation d’un ouvrage immobilier, dont il devient un véritable chef d’orchestre sur la partie numérique. Il anime des réunions régulières avec les coordinateurs BIM et veille au respect de la convention BIM. Il réalise des audits réguliers pour corriger les difficultés rencontrées. Il est en quelque sorte le gendarme de la maquette numérique.

Le BIM Manager voit avancer le projet à travers l’utilisation de la maquette BIM par les intervenants, laquelle devient le reflet de son avancement réel. La maquette BIM permet non seulement d’identifier de manière immédiate les écarts constatés avec le cahier des charges et la maquette de conception, mais elle permet également d’identifier et d’anticiper d’éventuels retards dans l’avancement du projet. C’est ainsi que le BIM Manager pourra informer le responsable de programmes des risques de retard identifiés et qu’il tâchera de trouver des solutions concrètes avec les conducteurs de travaux ou les chefs de chantier pour les limiter.

Si le parcours théorique pour devenir BIM Manager s’est structuré avec le temps, il faut bien comprendre que pendant longtemps, il n’existait pas de parcours type pour le devenir. Le plus souvent, des professionnels de l’immobilier suivaient des formations internes de sensibilisation au BIM Management afin d’en cerner les principales caractéristiques. Toutefois, devant l’importance qu’a pris cette compétence depuis sa création, des spécialisations en BIM Management se sont invitées, notamment dans les écoles d’ingénieurs ou en université afin de créer une véritable spécialité de BIM Management.


Cette montée en compétence transforme d’ailleurs certains métiers historiques de l’immobilier. Ainsi les « projeteurs » deviennent petit à petit des « modeleurs BIM » et l’absence de connaissances en BIM limitera forcément les débouchés des plus réfractaires.

Mais si les compétences techniques du BIM Manager se sont structurées et amplifiées avec la mise en place de ces nouvelles filières de formation, il n’en reste pas moins que les qualités intrinsèques nécessaires pour devenir BIM Manager dépassent largement ces compétences « théoriques ».

Il doit disposer de compétences d’écoute, d’analyse et de synthèse très importantes. Au-delà de ses compétences techniques, le BIM Manager gère avant tout des hommes et des femmes dont il gère une partie de l’activité. Il coordonne et identifie très vite les points de blocage. En effet, il n’est pas seulement un contrôleur du respect du remplissage de la base de données numérique par les correspondants BIM. Il doit tirer des conséquences des données renseignées et doit émettre des solutions pour la bonne réussite du projet en lien avec les intervenants sur le chantier.

Comme le décrit parfaitement Joël Gaudin d’Artelia, le BIM Manager est devenu « un véritable chef d’orchestre sur un chantier : il bat la mesure, prend des décisions et permet au chantier d’avancer dans les délais impartis. Il est de ce point de vue devenu le Maître du temps sur un chantier. »

Pour cela, le BIM Manager doit faire preuve d’une très grande polyvalence, et ses fonctions nécessitent beaucoup de méthode et d’organisation.

Mais comme toute spécialité récente, notamment en matière numérique, le BIM est en constante évolution et ce qui fait une de ses particularités, selon Joël Gaudin, c’est qu’il est « particulièrement curieux, il est intéressé par la nouveauté. Il aime l’innovation, est en recherche perpétuelle d’amélioration, il a un besoin féroce de se nourrir intellectuellement. C’est dans son ADN. »

Le BIM Manager doit avoir une connaissance extrêmement précise de l’état du marché dans ce domaine, car les données stockées et échangées sont de plus en plus nombreuses et leur poids ne cesse d’augmenter. Les performances techniques des plates-formes BIM sont donc essentielles à la bonne gestion d’un projet et le BIM Manager doit donc toujours être au fait des dernières évolutions du matériel pour répondre à ces problématiques. De ce point de vue, il sera le garant de la qualité technique de la plate-forme utilisée.

Et à terme, quelle est l’évolution du BIM Management ? Selon Joël Gaudin, dans les rêves les plus avancés, mais totalement réalisables, la maquette BIM ne serait plus la matérialisation d’éléments d’un ouvrage immobilier saisis en amont, mais à l’inverse, elle serait automatiquement proposée par l’outil numérique sur la base des seuls besoins exprimés par un client. On pourrait alors imaginer que le BIM Manager deviendrait le véritable concepteur des programmes immobiliers. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Mots-clés : BIM