Alexa pénétra dans le hall d’accueil, aussi long et haut qu’une cathédrale. « Bienvenue ! Tu dois être Alexa ? Suis-moi, je vais te faire visiter le Hub. » Tout juste diplômée d’une prestigieuse université, elle avait succombé aux sirènes de cette entreprise qui, pour la troisième fois, venait de recevoir le prestigieux «WBW » : « World Best Workplace», Graal absolu des organisations les plus avant-gardistes en matière de lieu de travail. Au terme de nombreuses pandémies, la conception de ces lieux avait été repensée. L’immeuble sain était devenu la norme. Outre que ce dernier se devait d’offrir toutes les garanties sanitaires – la commande vocale s’était partout imposée –, de nombreuses théories managériales avaient démontré, données neurologiques à l’appui, que le cerveau livrait le meilleur de lui-même dans un environnement conçu pour favoriser les liens entre tous ses occupants. Aussi, la conception de ces lieux était-elle devenue l’apanage exclusif de « neurotectes », des neuroscientifiques formés à l’architecture. Quelques années plus tôt, réunis en congrès, cette nouvelle corporation avait décidé de supprimer le mot « bureau », trop connoté ancien monde. Désormais, il fallait parler de «Work Social Hub » ou « Hub », raccourci qui s’était imposé de lui-même.
Alexa et son guide quittèrent l’atrium. L’immeuble était tentaculaire. Aux côtés de spectaculaires escaliers en bois, de larges baies vitrées donnaient sur des terrasses où des petits groupes s’affairaient devant d’imposants tubes translucides autour desquels défilaient des images. Certains, chaussés de drôles de casques, semblaient un peu plus agités que les autres.
« Et eux ? », se risqua Alexa.
« Ne t’inquiète pas… Ils sont dans leurs safe sphères. Des bulles numériques communautaires qui adaptent la perception du monde extérieur à la réalité que chacun veut lui donner. Idéal pour des créatifs comme eux… »
En parcourant ces vastes espaces baignés de lumière grâce à des vitrages capables de capter l’énergie ambiante de l’atmosphère, Alexa fut frappée par la quasi-absence de technologies visibles. Pas un seul écran aux murs, pas la moindre trace d’objets numériques à l’exception de lunettes de réalité mixte soigneusement disposées, signe que les hologrammes étaient l’usage pour le travail en équipe. Sur ces espaces, rien que d’immenses vitres translucides aux caractéristiques étonnantes. Tantôt rigides, pour des besoins de télétransportation, ou rétractables pour collaborer en petits groupes ou alors pour s’isoler (le flex office avait montré ses limites), ces séparations donnaient aux occupants l’impression d’évoluer dans des vitrines.
Lorsqu’elle pénétra dans l’ascenseur, Alexa vit instantanément apparaître son nom sur les parois. Une voix douce résonna dans la cabine :
« Bienvenue, Alexa, nous sommes heureux de t’accueillir. Je serai ton guide, ton coach et, je l’espère, ton ami… » Sur la porte, une image venait de s’afficher. Un avatar parfait de son guide qui se tenait physiquement à ses côtés.
« Nous sommes arrivés, lui précisa son hôte, et c’est ici que nos chemins se séparent. Mais rassure-toi, je te laisse en de bonnes mains… C’est elle qui va désormais veiller sur toi. »
Alexa sursauta lorsqu’elle découvrit que se tenait à ses côtés une forme humanoïde, exacte réplique de sa guide.
« Je m’appelle Renata. Je suis ton référent virtuel et comme tous les référents virtuels, nous prenons soin de ceux qui habitent au Hub. Sois la bienvenue et souviens-toi que le Hub a été pensé pour agréger nos intelligences et nos rêves. »
À propos de l’auteur : Philippe Boyer est directeur des relations institutionnelles et de l’innovation chez Covivio. Diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et de l’EM Lyon (MBA), il est par ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la ville intelligente et au numérique ainsi que d’un roman « God save the tweet » paru aux Éditions Kawa. Il écrit régulièrement pour diverses publications, dont le blog « Homo Numericus » publié par La Tribune.
Article issu du numéro 178 de Business Immo Global.
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