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L’exonération des droits de surélévation : une fausse bonne idée ?

La dernière loi de finance a introduit une mesure fiscale temporaire (applicable du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014) destinée à accélérer la production de logements en milieu urbain dense, par le comblement de « dents creuses ». Cette mesure consiste en une exonération des plus-values de cession de droits de surélévation.

Un mécanisme fiscal simple et efficace….

Simple car l’exonération concerne tous les cédants, qu’ils soient personnes physiques ou personnes morales, soumis à l’impôt sur les sociétés ou non, intervenant directement ou indirectement (cas de détention via une SCI), résidents de France ou non-résidents. Simplicité également puisque l’exonération porte sur toute l’imposition due au titre des plus-values concernées : impôt sur les sociétés (ou impôt sur le revenu et prélèvements sociaux), et prélèvement du tiers pour les non-résidents. Efficace pour satisfaire l’objectif d’accélération de la production de logements car l’exonération est subordonnée à l’engagement du cessionnaire du droit de surélévation de réaliser et achever les locaux d’habitation dans un délai de 4 ans à compter de la date d’acquisition. Efficace quant à la mise en oeuvre de la mesure puisque le manquement à l’engagement du cessionnaire de réaliser les locaux est sanctionné par une amende égale à 25 % du prix de cession (à noter que l’exonération du vendeur ne sera pas remise en cause en cas de manquement du cessionnaire).

Qui se heurte aux contraintes juridiques et opérationnelles

La surélévation est une opération immobilière juridiquement complexe qui nécessite de mobiliser des ressources importantes sur une longue période pour l’obtention des accords privés et des autorisations administratives nécessaires. Dans le cadre d’une copropriété, dans le silence ou la contradiction des titres, le droit de surélévation est un droit accessoire aux parties communes. Il est donc propriété indivise de l’ensemble des copropriétaires. La privatisation de ce droit requiert des opérations juridiques conséquentes : décision de l’assemblée générale des copropriétaires prise à la double majorité de l’article 26 de la Loi du 10 juillet 1965, cette majorité étant celle de l’article 25 si le terrain est dans une zone soumise au droit de préemption urbain, création d’un lot, modification de l’état descriptif de division, nouvelle répartition des tantièmes et des charges, etc. En outre, chaque copropriétaire du dernier étage dispose individuellement d’un droit de veto. La surélévation d’un immeuble nécessite, en outre, de s’assurer que l’existant peut supporter les nouvelles constructions. Ce type d’opérations ayant vocation à intervenir sur des immeubles anciens et, en toute hypothèse, non prévus pour recevoir de telles surcharges, des reprises des fondations seront le plus souvent nécessaires. Divers accords seront également à prendre avec les propriétaires, ou les copropriétés, des immeubles existants de part et d’autre de l’immeuble objet d’une surélévation, notamment au regard de la mitoyenneté et des vues.

En conclusion

L’intérêt financier d’une cession de droit de surélévation sera mis en balance avec les inconvénients qui en résulteraient tels que les risques de désordres immobiliers, les nuisances de chantier, pour les copropriétés la dilution des copropriétaires et donc une perte de pouvoir au sein du Syndicat… Les professionnels de l’immobilier subordonneront, quant à eux, l’acquisition d’un droit de surélévation à l’obtention de l’ensemble des accords et autorisations requises. Or, le temps nécessaire au montage d’une opération immobilière étant important, cette mesure qui prendra fin le 31 décembre 2014 ne devrait produire ses effets que sur une courte période. La complexité juridique et technique de ce type d’opérations, sa rentabilité, son financement ainsi que la capacité à prendre les risques qu’elle requiert nécessiteront l’intervention de professionnels avertis, que seules des opérations d’envergure intéresseront. Il ne serait pas surprenant que, sauf quelques opérations d’envergure, cette mesure touche essentiellement les immeubles avec peu de copropriétaires et pour une surélévation peu importante. A chaque fois qu’une cession du droit de surélévation sera envisagée pour de petits immeubles, l’intérêt de la mesure devra être comparé à l’intérêt du traitement fiscal réservé à la vente de la totalité des biens, étant précisé que le bilan de promotion d’un immeuble neuf, sera souvent plus avantageux que celui d’une surélévation d’un ou deux étages, ce qui permettra au promoteur d’offrir un meilleur prix aux copropriétaires, dont une partie pourrait d’ailleurs faire l’objet de dations de logement neufs en paiement. Pour ces diverses raisons, il est à craindre que cette mesure fiscale ait un effet limité quant au but d’accroissement du nombre de logements qui est recherché.

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Mots-clés : Magazine 78