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Réforme des valeurs locatives

Faut-il craindre la réforme des valeurs locatives foncières des locaux professionnels ?

Initiée avec la loi de finances rectificative pour 2010, la réforme des valeurs locatives foncières des locaux professionnels connaît, en 2012, un tournant majeur avec la remise du rapport de la DGFIP sur les effets à venir de cette réforme (sur la base des tests effectués dans les cinq départements test) et avec le lancement à venir de la campagne déclarative sur la période 2012-2013.

© aleksey kashin

Rappelons sur ce point que les locaux professionnels commerciaux sont actuellement évalués selon les dispositions de l’article 1498 du CGI, à savoir par référence à une valeur locative au 1er janvier 1970. Si le local faisait l’objet d’un bail au 1er janvier 1970 et si celui-ci n’a pas fait l’objet depuis cette date de changement de consistance significatif ou de changement d’affectation, il est évalué par référence à ce bail. Si tel n’est pas le cas, hypothèse la plus fréquente, ce local doit être évalué par référence au bail en cours au 1er janvier 1970 dans un local-type inscrit sur un procès-verbal communal. Si aucune de ces deux méthodes ne peut être appliquée (généralement en raison du caractère exceptionnel du bien à évaluer, tel qu’un parc d’attraction), il est possible de recourir à une méthode d’évaluation par voie d’appréciation directe qui vise à permettre d’obtenir une estimation de la valeur du loyer qui aurait été acquitté dans ce local au 1er janvier 1970. La pratique a permis de constater que ce mode d’évaluation a particulièrement mal vieilli du fait (i) de la rapidité de l’évolution et de la modernisation du marché de l’immobilier et (ii) de la réduction progressive de la liste des locaux types. De nos jours, la première méthode d’évaluation est devenue exceptionnelle, tant il est rare de trouver des locaux n’ayant pas évolué depuis plus de quarante ans. La deuxième méthode d’évaluation est actuellement particulièrement difficile à appliquer, eu égard à un phénomène de raréfaction des locaux-types (qui perdent chacun leur qualité de locaux-types au fur et à mesure des restructurations dont ils peuvent faire l’objet ou des changements d’affectation qu’ils peuvent connaître). Il est ainsi désormais fréquent de ne pas réussir à trouver de local-type régulier pour procéder à l’évaluation de locaux aussi communs que des bureaux ou des hôtels… La dernière méthode d’évaluation qui devait constituer une méthode d’évaluation exceptionnelle tend ainsi à devenir une méthode d’évaluation courante. Conscient de ces difficultés et devant la montée des contentieux en la matière (de nombreux contribuables contestant le choix du local-type retenu pour procéder à l’évaluation de leurs locaux pour lui en substituer une autre dont la valeur locative est plus faible), le législateur a entrepris de réformer les méthodes d’évaluation des locaux professionnels (I), ce projet de réforme connaît toutefois à ce jour un certain nombre de difficultés pratiques qui devraient amener ce dernier à connaître quelques ajustements (II).

I La réforme des méthodes d’évaluation des locaux professionnels

La nouvelle méthode d’évaluation devrait reposer sur la multiplication d’une surface par un tarif. La surface serait une surface pondérée en fonction de l’utilité économique du local. Le tarif sera un tarif déterminé dans des zones présentant une homogénéité du marché locatif en fonction de l’affectation du local. La référence à un local-type est dès lors abandonnée, de même que celle à des abattements pour prendre en compte les différences qui peuvent exister entre deux locaux (un cœfficient de localisation devrait toutefois être conservé). Eu égard à ces éléments, l’un des principaux points d’attention sera de procéder à une déclaration très précise et très fine des surfaces afin de permettre une application effective des coefficients de pondération. Enfin, compte tenu du fait que cette réforme est supposée se réaliser à recettes constantes pour les collectivités territoriales, il est permis de se demander comment les contribuables pourront bénéficier des dispositifs de lissage qui seront mis en place.

II Les difficultés identifiées dans le rapport

Le rapport déposé au Parlement en janvier 2012 a permis de mettre en exergues les difficultés qui seront générées par cette réforme, dans la mesure où ce dernier a chiffré les effets des nouvelles dispositions. Les plus grands perdants de la réforme seront ainsi, par exemple, dans certains départements, les centres médicaux qui verront le montant de leurs impôts locaux multiplié par deux. Les locaux à usage de bureaux, d’hôtels ou d’entrepôts seront généralement pénalisés, mais dans une moindre importance. Les grands gagnants de la réforme seront, en revanche, les locaux industriels évalués selon une méthode comptable (en pratique, cela désigne principalement les usines détenues par des sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés). Afin de remédier à ces difficultés, les auteurs du rapport invitaient le législateur à prévoir des dispositifs transitoires afin d’éviter des transferts de charges trop importants. Cette proposition a été suivie d’effet puisque le 22 février 2012, deux sénateurs ont plaidé en faveur d’un lissage des effets de la réforme sur une période de six ans et d’une neutralisation des effets de la réforme pour les locaux industriels. De telles mesures, si elles peuvent sembler salutaires, ne feront toutefois que retarder les effets dans le temps de cette réforme. Ce rapport a également permis de dresser un bilan de la campagne déclarative lancée dans les cinq départements-tests et des difficultés rencontrées par les contribuables lors de l’établissement des déclarations des surfaces, des loyers et de l’affectation des locaux. Les services de la DGFIP ont ainsi pris l’engagement d’adapter ces formulaires de déclaration avant le lancement de la campagne de 2012 et 2013. Cette réforme fait effectivement craindre des hausses significatives et des disparités selon la nature des locaux et leur emplacement géographique. Gageons que l’administration fiscale prendra les mesures de lissage nécessaires pour amoindrir, ou à tout le moins étaler, les effets de la réforme et que les contribuables sauront faire preuve, à cette occasion, de toute la vigilance nécessaire dans l’établissement de leurs déclarations.

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