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Christine Daric et Olivier Mesmin

Budget de l’Etat : les SIIC et les OPCI à nouveau mis à contribution !

5 milliards d’Euros ! C’est l’estimation de la somme que la France va devoir rembourser au titre de la retenue à la source prélevée sur les dividendes payés par des sociétés françaises à des OPCVM étrangers à la suite de sa condamnation le 12 mai dernier par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Celle-ci a en effet considéré que le droit de l’Union Européenne s’opposait à ce que la réglementation française prélève une retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM de droit étranger alors que les mêmes dividendes en sont exonérés lorsque le bénéficiaire est un OPCVM résident en France. Qui va payer ? La réponse est dans la loi de finances rectificative pour 2012 du 31 juillet 2012 : les entreprises et indirectement leurs actionnaires qui vont voir la rentabilité de leur investissement diminuer! En effet, l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2012 supprime dans un premier temps toute retenue à la source sur les distributions bénéficiant à des OPCVM étrangers afin de rendre le dispositif compatible avec les règles de l’Union Européenne. Dans un second temps, il rétablit une retenue à la source de 15 % sur les dividendes distribués par des SIIC, des OPCI ou leurs filiales bénéficiant à un OPCVM français ou étranger. Enfin, il crée pour toute société passible de l’impôt sur les sociétés (sauf exceptions) une nouvelle contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 3 % sur les montants distribués afin de compenser la perte de recette résultant de la suppression de la retenue à la source. Après une présentation technique du nouveau dispositif mis en place, nous vous proposerons une analyse critique de cette disposition et de son impact sur le secteur immobilier.

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I. Retenue à la source sur les produits distribués à des organismes de placements collectifs

1.1 Une exonération au champ d’application large

Afin de rendre la réglementation française conforme au droit communautaire, le législateur a supprimé toute retenue à la source sur les revenus distribués à des organismes de placements collectifs étrangers situés dans un Etat membre de l’Union Européenne ou dans un autre Etat ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative. La retenue à la source demeure applicable si le bénéficiaire est établi dans un pays non coopératif. Deux conditions sont posées à cette exonération : l’organisme de droit étranger doit (i) lever des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs conformément à une politique d’investissement définie et dans l’intérêt de ceux-ci, et (ii) présenter des caractéristiques similaires à celles de organismes de placements collectifs en valeurs mobilières, OPCI ou société d’investissement à capital fixe de droit français. Ce faisant les distributions bénéficiant à des SICAV luxembourgeoises présentant les caractéristiques ci-dessus ou des fonds ouverts allemands ne sont potentiellement plus soumises à retenue à la source en France.

1.2 Le maintien d’une retenue à la source des 15 % en cas de distribution par les SIIC, les OPCI et leurs filiales

Les produits distribués par des OPCI, des SIIC ou leurs filiales donnent lieu au paiement d’une retenue à la source au taux de 15 % lorsqu’ils sont prélevés sur des résultats exonérés et qu’ils bénéficient à un OPCVM, un OPCI ou à une société d’investissement à capital fixe de droit français ou à des organismes de droit étranger présentant des caractéristiques similaires. S’agissant toutefois des filiales d’OPCI, la part qui est distribuée à leur mère OPCI n’est pas soumise à cette retenue à la source. S’agissant d’une retenue à la source et non d’un impôt du par la société distributrice, les conventions internationales sont susceptibles, lorsqu’elles s’appliquent, de réduire son montant. A noter toutefois que dans beaucoup de conventions internationales, les organismes de placement collectifs ne sont pas considérés comme des résidents ayant accès au traité car ils sont totalement exonérés d’impôt sur les sociétés.

II. Contribution de 3 % sur les distributions

Afin de remplacer le manque à gagner lié à la suppression de la retenue à la source ci-dessus, le législateur à créé une nouvelle contribution au taux de 3 % applicable aux revenus réputés distribués par les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l’impôt sur les sociétés (IS) en France.

2.1 Un champ d’application très large avec deux exclusions de principe

Toutes les sociétés passibles de l’IS, en ce compris celles qui en sont exonérées, entrent dans le champ d’application de la contribution de 3 %. Les SIIC et leurs filiales sont donc visées (voir toutefois § 2.2 ci-dessous). Sont toutefois hors du champ de cette contribution :
• les organismes de placements collectifs : OPCVM, OPCI, organismes de titrisation, SCPI, sociétés d’épargne forestières et sociétés d’investissement à capital fixe;
• les sociétés ou organismes répondant à la définition des micro, petites et moyennes entreprises au sens de l’annexe I du Règlement (CE) n°800/2008 de la Commission du 6 août 2008. Concernant cette dernière catégorie, entrent dans cette définition « toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique ». La définition de l’activité au sens de cet article est très large et devrait comprendre selon nous toutes les activités immobilières, même de gestion, le législateur n’ayant pas pris soin, comme c’est le cas pour d’autres dispositif, de limiter la notion d’activité économique aux activités industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou libérales. Des seuils de chiffres d’affaires (inférieur à 50 M€), de salariés (moins de 250 personnes) et de total de bilan annuel (moins de 43 M€) ne doivent pas être atteints étant précisé que pour les entreprises qui sont liées ou partenaires au sens du droit communautaire, les données sont déterminées sur la base des comptes consolidés et doivent s’agréger.

2.2 Des exonérations limitées

La contribution de 3 % est applicable à l’ensemble des revenus distribués par les entreprises visées au 2.1 ci-dessus, en ce compris les dividendes, acomptes sur dividendes, les revenus réputés distribués et certaines rémunérations. Le texte prévoit toutefois quatre exceptions. La contribution de 3 % n’est pas applicable :
• aux montants distribués entre sociétés appartenant au même groupe d’intégration fiscale;
• aux montants distribués par des sociétés ayant opté pour le régime d’exonération de l’article 208 C du CGI et bénéficiant à des sociétés ayant elles-mêmes opté. Ainsi, les distributions effectuées par les filiales de SIIC à leur SIIC mère ou à une filiale intermédiaire sont exonérées de la contribution de 3 %. Il en sera différemment des filiales d’OPCI qui seront redevables de cette contribution au titre des distributions bénéficiant aux OPCI détenant leurs titres. La redistribution par l’OPCI du dividende reçu sera toutefois elle exonérée (cf §2.1 ci-dessus).
• aux distributions payées en actions sous certaines conditions;
• à certaines distributions bénéficiant aux caisses locales du crédit agricole mutuel.

2.3 Des modalités pratiques calquées sur l’impôt sur les sociétés

La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l’IS et sous les mêmes garanties et sanctions. Elle s’applique pour les distributions mises à paiement à compter du 17 août 2012. Elle est payée spontanément lors du premier versement d’acompte d’IS suivant la mise en paiement de la distribution. Pour les distributions mises en paiement avant le 1er septembre 2012, elle est payée le 15 décembre 2012.

III. Quels impacts sur les SIIC et les OPCI?

La suppression de la retenue à la source sur les dividendes distribués aux OPCVM aurait un coût annuel de 800 millions d’Euros. L’instauration de la contribution de 3 % a pour objet affiché de compenser cette perte des recettes fiscales. Cette estimation du ministère des Finances est assise sur les profits annuels des sociétés concernées par le nouveau dispositif. En réalité, un même profit pourra être soumis plusieurs fois à la contribution de 3 % en cas de distribution entre sociétés d’un même groupe en l’absence d’option pour l’intégration fiscale. Cette double imposition a été évitée dans le cadre des SIIC et des OPCI. En effet, comme il a été exposé plus haut, si la SIIC est soumise à la contribution de 3 %, ses filiales ne le sont pas. Inversement, les filiales d’OPCI sont soumises à la contribution de 3 % mais pas l’OPCI elle-même. Il n’en demeure pas moins que les SIIC, les OPCI et leurs filiales sont soumises de part leur statut fiscal à une obligation de distribution qui ne leur permet pas d’arbitrer librement entre une distribution de résultats soumise à la contribution de 3 % et un réinvestissement du profit au sein de l’entreprise non soumis à cette contribution. La contribution de 3 % revient en effet à appliquer deux taux d’impôt sur les sociétés selon que le bénéfice est distribué ou réinvesti, le plus élevé visant les bénéfices distribués. le système a donc aussi pour vocation d’encourager les entreprises à réinvestir plutôt qu’à distribuer du profit à leurs actionnaires. L’effet pervers est qu’une entreprise qui distribue moins devient moins attractive et a plus de mal à lever des capitaux. Dans le cas des SIIC et des OPCI, l’obligation de distribution à laquelle ils sont soumis conduira à maintenir un niveau de distribution élevé, mais avec une rentabilité moindre du fait de la contribution de 3 %. Cela vient s’ajouter aux mesures fiscales de décembre dernier qui ont conduit à un alourdissement de la fiscalité des actionnaires de SIIC et d’OPCI personnes physiques. On peut considérer que l’ensemble de ces aménagements à ce stade pèse à la marge sur l’attractivité de ces véhicules mais il faudrait maintenant que ces régimes restent stables.


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Mots-clés : CGI, IS, Magazine 85, OPCI, Sicav