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Point de vue de Jean-François Buet, Fnaim

La France peut-elle se contenter de 500 000 transactions par an ?

Il est un sujet dont on parle sans cesse en matière de politique du logement et un dont on ne parle jamais. Le premier a trait au niveau de la construction, avec la barre des fameux 500 000 logements. L'année 2012 nous a éloignés de ces objectifs et tout le monde semble s'y résigner. C'est pourtant une épreuve économique et sociale pour le pays : la France manque d'un million de logements et au rythme actuel de construction, inférieur à 350 000 unités par an, elle creuse son déficit dangereusement.

A force d'avoir été un sujet politique, le niveau de production s'est ensablé dans les dunes des thèmes dont on ne débat plus. Il ressortira inévitablement. Un autre sujet est apparu, celui des transactions dans l'ancien : le marché a perdu en 2012 près de 30 % de son activité, menaçant des dizaines de milliers d'emplois dans le bâtiment au titre de l'entretien et de la rénovation et dans les services, agences immobilières et cabinets de gestion. La France peut-elle vivre avec 500 ou 550 000 ventes par an, alors que le rythme était de l'ordre de 800 000 depuis plusieurs années ?

Clairement non. La raison en est simple : le marché de la revente des logements est un marché de besoins. Ce sont les mutations professionnelles, les mariages, les séparations, les naissances, les décès qui le conditionnent à plus de 80 %. Le marché des résidences secondaires en constitue moins de 15 % et l'investissement locatif l'équivalent. Si le marché était parvenu au rythme de 750 ou 800 000 opérations par an, c'est que c'était sa respiration naturelle.

Alors que faire ? On ne peut que comprendre que l'Etat exsangue ne puisse plus, comme par le passé, soutenir le secteur du logement et que le logement doive prendre sa part à l'effort collectif de restauration des finances publiques. On peut comprendre que le mécanisme le plus naturel de resolvabilisation de la demande soit la baisse des prix et que les pouvoirs publics ne veuillent pas alimenter l'inflation... Seulement voilà, le gouvernement commet deux erreurs lourdes : il ne voit pas que la resolvabilisation par la modération des prix a déjà eu lieu, et qu'elle est même déjà à l'oeuvre à Paris, traditionnellement le dernier bastion de résistance, et il alourdit le fardeau fiscal sur l'immobilier sans aucune contrepartie.

La fiscalité d'abord et le droit général. Entre la loi de finances rectificative pour 2012 et la loi de finances initiale pour 2013, les gestes indélicats se sont multipliés, directs et indirects, à l'encontre de la propriété. A la volée, alourdissement de la taxation des plus-values, alourdissement de l'ISF, réduction du plafonnement des niches fiscales, hausse du taux de TVA applicable aux travaux d'entretien et de rénovation, encadrement des loyers d'habitation. Il faudrait ajouter à cette litanie les hausses des taxes foncières et d'habitation... qui ne sont rien par rapport à celles que provoquera la révision des valeurs cadastrales dans quelques mois. Enfin, on voit venir une modification de la loi sur les rapports locatifs qu'on n'imagine mal au profit des propriétaires bailleurs.

Tous ces gestes cumulés tracent un paysage de la propriété somme toute peu séduisant. Jamais la barque n'avait été aussi chargée. On pourrait s'accommoder d'un paysage sans aide, sans levier, sans booster, mais pas d'un paysage désolant.

S'agissant des prix, les chiffres attestent qu'ils sont sur une pente de modération et quoi qu'il en soit, avec un accès au crédit compliqué pour les ménages en dépit de taux bas, dans une période si éprouvante pour l'emploi, comment la tendance ne se poursuivrait-elle pas ? En revanche, il ne faut pas espérer un effondrement des prix, qui abîmerait notre économie purement et simplement, en vertu de l'effet patrimoine : d'une correction trop forte des valeurs, s'ensuivrait un appauvrissement virtuel des quelques 70 % de ménages propriétaires d'un bien immobilier, qui bloquerait la consommation à force de saper le moral des Français.

En clair, les conditions d'une action publique de soutien au secteur du logement sont déjà réunies. Qu'attend le gouvernement ? Les 300 ou 350 000 transactions qui manquent à l'appel du marché, ce sont des familles qui vivent mal, dans des conditions inadaptées, ou loin de leur lieu de travail, ou séparées parce que leur recomposition ne peut se réaliser. Ce sont des personnes âgées qui ne pourront ajuster leur habitat et vivront malgré elle dans un trop grand logement, quand d'autres, actifs, plus jeunes, avec des enfants à charge, sont à l'étroit. Ce sont aussi des locataires qui n'accèderont pas à leur projet, qui leur aurait donné une chance de promotion sociale.

L'Etat ne peut pas prendre le seul parti de solliciter fiscalement et financièrement le logement, surtout s'il n'a pas les moyens de lui mettre du baume au coeur. Pas de PTZ dans l'ancien, pas de déductibilité, pas de TVA incitative, pas d'espace fiscal privilégié pour les plus-values, soit. Mais qu'au moins cesse cette pluie de mauvaises nouvelles, qui ont une conséquence terrible : priver la France d'un marché du logement démocratique.

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