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Point de vue d'Alexandre Gauthier et Frédéric Nouel, Gide Loyrette Nouel

Métropole de Paris : vers une rationalisation de la gouvernance de l’Ile-de-France ?

Alors que le gouvernement s'engage sur la voie de la création de la « Métropole de Paris » dans le projet de loi sur la décentralisation, il convient d’examiner les atouts et les faiblesses de la gouvernance du territoire francilien afin d’en tirer les enseignements utiles et d’en améliorer ainsi l’administration, au regard notamment du fonctionnement du Grand Lyon.

Le Grand Lyon est aujourd'hui le plus grand établissement public de coopération intercommunale français et fédère 58 communes, représentant 156 conseillers communautaires et 1,3 million d'habitants. Avec 80 % des habitants du Rhône dans 15 % de son territoire, le Grand Lyon gère un budget supérieur à 1,6 milliard d'euros pour l'année 2010 et dispose de 4000 agents. Son administration passe par un conseil de communauté, transposition du conseil municipal à l'échelle intercommunale dont les 155 membres sont désignés au sein des 58 conseils municipaux des communes de la communauté. Depuis sa création en 1966, la Communauté urbaine de Lyon s'est vue transférer un grand nombre de compétences : la compétence d'urbanisme en 1983, la compétence sur les transports en 1985, la compétence de développement économique en 1990 et la compétence sur le logement en 1995.

Désormais, la gouvernance à l'échelon local ne s'arrête plus au Grand Lyon. En effet, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales permet aux agglomérations proches de coopérer sous la forme d'un pôle métropolitain. La communauté urbaine de Lyon s'est ainsi associée avec les communautés urbaines de Saint-Etienne Métropole, des Portes de l'Isère et du Pays Viennois afin de fonder un pôle métropolitain de plus de 2 millions d'habitants.

Plus encore, le Grand Lyon et le département du Rhône ont décidé de s’organiser afin de créer deux collectivités publiques aux compétences équivalentes mais agissant sur des territoires différents. Le Grand Lyon récupèrera ainsi les compétences du département du Rhône sur son territoire, notamment sur le plan de l’action sociale, de la gestion des collèges et de l’aide aux personnes âgées. Le département du Rhône conservera pour sa part ses compétences sur le territoire non couvert par le Grand Lyon.

Si la rationalisation des compétences entre le Grand Lyon et le département du Rhône n’est qu’en projet pour l’heure, l‘organisation actuelle du Grand Lyon a déjà permis d'instituer une harmonisation de fonctionnement concourant au développement équilibré des territoires et des investissements.

Une telle organisation fait précisément défaut au territoire francilien présentant une multitude d’acteurs et, en conséquence, d’interlocuteurs pour les investisseurs.

Si l’on s’en tient qu’à la maîtrise de l'urbanisme et de l'aménagement sur le territoire francilien, celle-ci est soumise à une réglementation d'urbanisme complexe, en raison principalement de la multiplicité des acteurs qui disposent tous de compétences propres qui s'enchevêtrent.

En synthèse, la commune, en particulier à l'échelle de l'Île-de-France, bénéficie, en principe, d'une compétence particulièrement large en matière de droit des sols : elle détermine l'organisation de son territoire et délivre les autorisations de construire. Toutefois, ce schéma, qui présente le mérite de la simplicité, aboutit à un éclatement des règles entre Paris et ses communes limitrophes. Un tel éclatement apparaît aujourd'hui anachronique eu égard aux efforts accomplis notamment par le Grand Lyon.

Seul territoire Français pour lequel la loi SRU a maintenu un rôle de planification au profit de la région en tant que collectivité territoriale, la Région Île-de-France met en place le Schéma Directeur d'Île-de-France (Sdrif), obligeant les éventuels SCOT ou PLU à lui être compatibles. La région bénéficie ainsi de la compétence générale d'orientation de l'aménagement du territoire francilien ce qui, inévitablement, donne lieu à des situations de blocage, à l’égard des communes qui peuvent vouloir développer des projets qui ne sont nécessairement compatibles avec le Sdrif, mais également à l’égard de l’Etat qui développe ses propres projets. A titre d’exemple sur ce dernier point, le Conseil d'État, saisi sur le fondement de l'article L. 141-1 du Code de l'urbanisme aux fins d'approuver le Sdrif de 2008, avait rendu un avis défavorable sur le projet au motif que le schéma directeur n'était pas compatible avec la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, qui avait entre-temps été élaborée et adoptée. Pour surmonter cette difficulté, le législateur a dû adopter dans l'urgence la loi n° 2011-665 du 15 juin 2011 visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France afin de poser le principe selon lequel les documents d'urbanisme mis en compatibilité avec le Sdrif de 2008, lequel n'a pas d'existence juridique à défaut d'avoir été approuvé en Conseil d'État, ne sont pas, de ce simple fait, illégaux…

Au-delà de la Région, l'État dispose d'un pouvoir d'association dans l'élaboration du Sdrif, du schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris et des contrats de développement territorial (au titre de la loi sur le Grand Paris). Il dispose également de la possibilité d'agir au niveau local par le biais du Règlement national d'urbanisme (RNU), défini à l'article L. 111-1 du Code de l'urbanisme et ayant vocation à s'appliquer en intégralité dans toutes les communes dépourvues de PLU, ainsi que partiellement pour les communes qui en sont dotées. Par ailleurs, l'État demeure compétent, malgré la planification locale, en ce qui concerne les opérations d'intérêt national (OIN) telles que définies à l'article R. 121-4-1 du Code de l'urbanisme. Il s‘agit notamment, en Île-de-France, de la Défense, des aérodromes parisiens (Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget) ou encore de la zone Orly-Rungis-Seine, et peut recourir également aux projets d'intérêt général (PIG) tel que définis par les articles L. 121-9 et R. 121-3 et R. 121-4 du Code de l'urbanisme.

Enfin, l’organisation des transports publics de voyageurs d'Ile-de-France est assurée par le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), autorité autonome.

L’organisation du territoire francilien est don soumise à l’administration d’au moins quatre niveaux de collectivités publiques, aux rôles et objectifs souvent différents et surtout, dont l’action répond à des calendriers différents.

Cette organisation sera a priori complétée par la création de la « Métropole de Paris » prévue dans le projet de loi sur la décentralisation, qui devrait être présenté fin mars en conseil des ministres. La Métropole de Paris sera notamment chargée de la politique du logement et gouvernée par un conseil rassemblant le maire de Paris et les présidents d’intercommunalités de taille importante.

En Ile-de-France, le cadencement des grands rendez-vous électoraux est très illustratif :

  • élections législatives de juin 2007 ;
  • élections municipales de mars 2008 ;
  • élections du conseil régional en mars 2010 ;
  • élections législatives de juin 2012 ;
  • élections municipales en 2014.

En droit de l’urbanisme, au niveau de la région Ile-de-France, ce calendrier a eu les conséquences suivantes :

  • s'agissant de la seule Ville de Paris, le Plan Local d'Urbanisme, dont la révision avait été entamée en 2002 après la première élection d’un maire socialiste, est entré en vigueur en septembre 2006, puis adapté à plusieurs reprises, et est actuellement en cours de modification.
  • le Sdrif a été adopté en septembre 2008 et devait être approuvé par décret en Conseil d'Etat. Compte tenu des difficultés rencontrées, notamment en raison de l'adoption intercalaire de la loi sur le Grand Paris, le SDRIF n'a toujours pas été approuvé réglementairement et fait aujourd'hui l'objet d'une révision afin de le mettre en compatibilité avec les objectifs de la loi sur le Grand Paris.
  • La loi sur le Grand Paris va prochainement être amendée par la majorité parlementaire issue des élections de juin 2012, renvoyant potentiellement à une date ultérieure sa compatibilité avec certains aspects du SDRIF qui sont fondamentaux pour la détermination des projets d’aménagements des villes les plus concernées (notamment les aménagements cruciaux des secteurs des gares).

En pratique, là où l’intercommunalité du Grand Lyon n’est impactée lourdement qu’une fois tous les six ans lors du renouvellement concomitant de tous les conseils municipaux, la région Ile-de-France, par l’importance du SDRIF et des compétences dévolues à l’Etat, subit un choc électoral et politique tous les deux ans en moyenne.

Aussi, lorsque le consensus indispensable à la détermination du cadre juridique d’un projet est finalement trouvé, sa durée de vie est en pratique relativement courte, les nouveaux élus de l’une ou l’autre des collectivités concernées ayant légitimement le souhait d’appliquer leur programme et d’adapter les documents d’urbanisme en conséquence.

Quand on sait qu'un projet d'importance, au niveau de la région Ile-de-France, se développe sur une décennie, cela signifie qu'il sera confronté à cinq élections majeures et probablement à deux à trois modifications des documents d'urbanisme qui impacteront alors directement sa réalisation.

Dans ce contexte, la création de la Métropole de Paris peut être soit une première tentative de rationalisation de la gouvernance de la politique du logement à l’échelle de l’Ile-de-France, soit la juxtaposition de nouvelles compétences compliquant davantage encore l’administration du territoire francilien. A cet égard, outre ses compétences, le calendrier de composition de l'organe par rapport à celui des autres organes avec lequel la Métropole de Paris devra composer, est crucial. La logique voudrait que ce nouvel organe soit aligné sur le calendrier municipal afin de coordonner efficacement l'action des communes pendant toute la durée de chaque mandature municipale. C'est la solution efficace retenue par le Grand Lyon, c'est aussi celle du Grand Londres. Espérons que ce sera le choix du législateur pour la Métropole de Paris.