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Michèle Vullien, Grand Lyon

Grand Lyon : du dernier kilomètre à la logistique urbaine

130 000. C’est le nombre de livraisons et d’enlèvements effectués tous les jours sur le territoire de l’agglomération lyonnaise. Un enjeu de taille qui représente 10 à 15 % du trafic total et une part importante des émissions, 44 % pour les particules dues au transport. Mais la logistique, c’est aussi 4,5 millions de m2 en région lyonnaise, dont près de 1,5 million sur le territoire du Grand Lyon, 9 % des emplois et plus de 2 000 établissements de transport et d’entreposage.

L'ELU (Espace logistique urbain) situé aux Cordeliers à Lyon.

Offrir des services urbains performants à ses citoyens et à ses entreprises et réduire l’impact environnemental de ses activités : voilà les deux ambitions conjuguées par le Grand Lyon dans sa délibération-cadre sur la logistique urbaine votée le 18 février 2013.

C’est au début des années 2000 que le Grand Lyon engage une réflexion sur le fret urbain, en même temps que le lancement du Programme national transport de marchandises en ville de l’Etat. Dix ans plus tard, le bilan est là.

Depuis 2004, une instance pérenne de concertation avec la profession, les opérateurs de transport, les logisticiens, les chargeurs, se tient sous mon pilotage en qualité de vice-présidente déplacements du Grand Lyon.

Une collaboration avec le pôle de compétitivité LUTB et l’ensemble du pôle de compétences du transport lyonnais (Laboratoire d’économie des transports, CERTU, IFSTTAR…). Des partenariats formalisés avec d’autres acteurs, comme la convention CNR, CCI et Grand Lyon sur la logistique urbaine, et plus récemment avec Afilog.

Le Nord de la Presqu’Ile, au cœur du 2e arrondissement de Lyon, est devenu un véritable « laboratoire de logistique urbaine » avec :
- un espace logistique urbain (Cordeliers) inauguré en 2012 et opéré par Deret ;
- une réglementation environnementale innovante des aires de livraison, basée sur les normes d’émissions CO2 des véhicules (actuellement Euro 3), une taille maximale uniformisée des véhicules (29 m2) et l’instauration du disque livraison « 30 minutes ». Cette réglementation a été étendue début 2013 à tout Lyon et au centre-ville de Villeurbanne ;
- la reconfiguration des aires de livraison : redimensionnement pour un accès aisé des véhicules et le déploiement des hayons, abaissement des bordures selon un programme défini avec les professionnels et avec un budget ad hoc voté en octobre 2012 ;

De nouveaux projets sont à l’étude en ce moment, comme un deuxième espace logistique urbain en RDC, un premier sous-sol du parking Lyon Parc Auto des Halles, et un centre de consolidation pour les matériaux de construction.

Le Grand Lyon a accompagné des projets européens, dont certaines « briques technologiques » se sont avérées suffisamment pertinentes pour que les professionnels souhaitent les déployer à une plus large échelle : onde verte pour les camions dans le projet Freilot, nouveau système de conteneurisation et de transbordement dans le projet CityLog. Le Grand Lyon est aussi l’une des rares collectivités à utiliser en interne des outils de modélisation de flux marchandises (modèle FRETURB), permettant d’éclairer chaque échelle de projet (depuis l’îlot, jusqu’au pôle métropolitain) du point de vue des flux marchandises et des surfaces nécessaires pour un bon fonctionnement logistique.

La récente délibération-cadre s’appuie sur ce bilan pour aller plus loin vers l’opérationnel, toujours dans une logique de partenariat avec les acteurs privés, partenariat qui est la marque de fabrique lyonnaise.

Favoriser l’émergence d’espaces logistiques urbains

Passer à la vitesse supérieure, changer d’échelle et élargir la focale de l’action : telle est la volonté de la collectivité pour les années à venir. Bref, passer du dernier kilomètre à la logistique urbaine.

Optimiser les flux de marchandises circulant en ville, accorder des avantages compétitifs aux professionnels « vertueux », trouver et garantir une juste place aux activités logistiques dans notre agglomération, apporter un niveau de services logistiques performants aux particuliers et aux entreprises, tout en préservant le cadre de vie ; voici les grands enjeux de la feuille de route que s’est donné le Grand Lyon.

La mise en œuvre passe notamment par une armature pertinente des implantations logistiques et par une localisation judicieuse des activités non logistiques très fortement productrices de flux urbains de marchandises (le « compte propre »). Tout en consolidant le partenariat fort et la précieuse relation de confiance avec la profession. D’ailleurs, l’un des objectifs de la feuille de route de la collectivité est précisément de donner de la lisibilité aux partenaires professionnels.

Concrètement, il s’agit de favoriser l’émergence d’espaces logistiques urbains par la mise à disposition, de foncier accessible à des coûts abordables et/ou par l’accompagnement de projets de ce type émanant d’initiatives privées.

Sur le plan de l’inscription de la logistique urbaine dans les projets immobiliers, le Grand Lyon vise à faire du projet Part-Dieu 2030 un modèle en matière de gestion des livraisons. Avec plus d’un million de m2 programmés sur un site contraint, et une augmentation des flux marchandises attendue de +80 % par rapport à aujourd’hui, le défi est de taille. Le principe affiché est d’intégrer le plus possible les espaces de livraison sur fonds privé, et non pas sur espace public, et ce dès la conception des bâtiments neufs ou restructurés.

Le développement des livraisons nocturnes mais silencieuses, est souhaité. Une identification des secteurs dont la sensibilité sonore peut accepter une livraison nocturne est prévue avec l’aide de l’association Acoucité.

La volonté d’offrir une priorité aux entreprises vertueuses en termes environnementaux est clairement affichée par le Grand Lyon, car un avantage compétitif peut être de nature à faire évoluer les pratiques organisationnelles et accélérer le renouvellement des flottes.

Le potentiel d’une mixité fret-voyageurs sera étudié dans les mois à venir, en partenariat avec le Sytral, à commencer par la desserte du centre commercial de la Part-Dieu par tramway et l’ouverture de certains segments de couloirs bus à des véhicules dont la charge est optimisée.

Doté d’un Plan local d’urbanisme intercommunal qui entre en révision, le Grand Lyon entend saisir cette opportunité pour inscrire spatialement la logistique urbaine sur son territoire. Celle-ci est une fonction trans-filière de première importance et un facteur de compétitivité pour les entreprises. L’offre en services transport/logistique de qualité est un élément essentiel dans l’implantation d’une entreprise.

Préserver la logistique dans les PLU

Pour ce faire, l’objectif est de préserver, dans le PLU, des sites logistiques ainsi que des surfaces pour des activités fortement productrices de flux urbains de marchandises. La préservation de ces sites et surfaces pourra notamment se traduire par la rédaction spécifique de règlements de zone, ou par l’intégration de la logistique urbaine et de la mixité fonctionnelle dans les orientations d’aménagement de programmation.

Il s’agit aussi d’utiliser l’article 12 du PLU (sur les normes de stationnement) pour orienter la satisfaction des besoins en surfaces logistiques sur les parcelles privées et pas seulement sur le domaine public. En effet, les constructions nouvelles ont de plus en plus l’obligation de prévoir des surfaces suffisantes pour répondre à certaines fonctionnalités comme le stationnement, les locaux vélos ou les locaux poubelles. Toutefois, l’intégration de surfaces nécessaires à la livraison n’est pas encore prise en compte. Le futur PLU comportera un quota obligatoire de surfaces réservées au stationnement des véhicules de livraison en fonction de la surface de ventes pour les commerces par exemple. Cette obligation permettra de libérer la voirie publique dans certains sites contraints.

Un programme ambitieux qui ne pourra, bien entendu, se faire qu’avec le concours des opérateurs de transport. L’adhésion des acteurs qui « font la ville », qu’ils soient aménageurs, promoteurs, investisseurs est aussi essentielle pour réussir l’inscription spatiale de la logistique dans le Grand Lyon de demain.