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Point de vue de Denys Brunel, Chambre des propriétaires

Réforme Duflot : propriétaires touchés, location coulée

Denys Brunel est le président de la Chambre des propriétaires.

Le projet de loi sur le logement et l’urbanisme (Alur) a pour objet de réformer le statut des baux d’habitation issu de la loi du 6 juillet 1989. Les mesures annoncées par le gouvernement auront à coup sûr un effet dévastateur sur les propriétaires immobiliers actuels ou potentiels. Si les pouvoirs publics font tout pour détourner les Français de l’investissement locatif, comment alors recréer les conditions favorables nécessaires au marché de l’immobilier ?

Une réforme de la location résolument anti-propriétaires

Que prévoit cette réforme ? Elle consiste à garantir à chaque propriétaire de percevoir un loyer, même lorsque son locataire ne paie pas. Sur le papier, l’idée peut sembler séduisante. Les plus naïfs pourront même croire que cette mesure va relancer l’investissement locatif et accroitre le nombre de biens à louer. Dans les faits, la GUL sera la contrepartie des nouvelles mesures qui pèseront sur les propriétaires : plus de caution, limitation du dépôt de garantie, réduction du préavis de départ du locataire, limitation stricte des documents exigibles à la signature du bail, obligation de se conformer à un bail type comprenant peu d’informations sur le locataire mais beaucoup de mentions contraignantes pour le bailleur, obligation de se conformer à un modèle type d’état des lieux d’entrée et de sortie, encadrement des loyers avec l’obligation pour le bailleur de mentionner le prix médian du loyer, le dernier loyer pratiqué et la possibilité pour le locataire de demander le remboursement rétroactif de la différence pendant cinq ans.

Une garantie au financement incertain et déséquilibré. Le coût de cette garantie, dont on ne connait pas encore les conditions précises (voir encadré), serait estimé entre 1 % et 3 % du montant du loyer. Tous les spécialistes savent que ces chiffres sont irréalistes et seront très vite dépassés. En effet, en supprimant la caution et en allégeant les documents à fournir par le candidat locataire, on organise la déresponsabilisation générale, des locataires comme des propriétaires.

De plus, Madame Duflot ne cache pas son intention de rendre l’expulsion du locataire quasi-impossible. Il en résultera que le coût de la GUL sera très probablement de l’ordre de 6 % à 8 % du montant des loyers, c’est-à-dire beaucoup plus que les primes versées. Il faudra alors trouver d’autres sources de financement de la GUL en augmentant sans cesse les cotisations ou en taxant d’une autre manière les propriétaires (complément d’impôt foncier, ISF, etc.).

Madame Duflot assure, par ailleurs, que le paiement de la GUL sera assumé par les bailleurs et les locataires. Tous les locataires ? Comment demander à ceux qui n’arriveront pas à payer leur loyer de contribuer ? Quant au locataire malhonnête, comment l’inciter à payer son loyer lorsqu’il sait qu’il ne se fera jamais expulser ? Encore une fois, il est un peu candide d’affirmer que cette GUL ne se transformera pas en une véritable taxe nouvelle pour le propriétaire et ne conduira pas, de fait, à la dépossession de sa propriété.

Vers une accentuation de la pénurie de logements ?

Il faut garder à l’esprit que, dans le parc locatif privé, la quasi-totalité des logements appartiennent à de petits propriétaires, dont on peut estimer le nombre à 5 millions, la part des institutionnels étant tombée à moins de 150 000 logements. Etre propriétaire bailleur privé n’est pas synonyme de luxe. La plupart des propriétaires ne possèdent qu’un logement qu’ils ont acquis, souvent à crédit, pour s’assurer un complément de revenu, notamment en vue de la retraite. Ils ont fait le choix responsable de l’autonomie financière tout en contribuant au logement de leurs concitoyens, parmi lesquels une part significative de ménages modestes.

Le projet de loi Alur, s’il est adopté en l’état, aura un triple effet négatif :
- la baisse considérable de l’investissement locatif et donc, l’accentuation de la pénurie de logements ;
- la baisse consécutive des recettes de TVA générées par l’ensemble des métiers du bâtiment et professions liées à l’immobilier, ainsi que des recettes générées par les droits de mutation perçues par les collectivités locales ;
- au final, la montée dramatique du chômage et son impact supplémentaire sur les recettes fiscales.

Voici donc bien le tiercé perdant qui se prépare. Il ne faut pas punir les propriétaires, mais les inciter à investir et à louer. Arrêtons de leur imposer des baisses autoritaires de loyers, des normes toujours plus contraignantes, une fiscalité toujours plus lourde. Pour fluidifier le marché immobilier, ce n’est pas à la demande qu’il faut s’adresser, mais bel et bien à l’offre. Alors, d’urgence, il nous faut une toute autre réforme !

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