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Point de vue de Philippe Taboret, président de l'APIC

La régulation contre le marché

Lors des voeux qu'elle a présentés à la presse, Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, a dû se livrer à un exercice bien délicat : justifier de préférer la régulation tous azimuts à la dynamisation du marché, pourtant en pleine asphyxie. Elle a affirmé que le marché, s'agissant du service très particulier qu'est le logement et de ses enjeux pour les familles, ne pouvait être livré à lui-même. Elle a soutenu qu'il fallait le contrôler et le contraindre de peur qu'il ne dérive et n'exclue.

Cette ligne politique est hautement dangereuse. Si le gouvernement l'imposait seulement dans l'ordre civil, pour l'encadrement juridique de l'immobilier, on le regretterait déjà, constatant à quel point il brime l'élan du marché. Le problème est que cette approche fautive contamine jusqu'aux autorités monétaires de notre pays : la Banque de France, en relançant la titrisation des prêts immobiliers, fait aussi le choix de préférer relancer la machine du crédit sans jouer sur la liquidité et en faisant appel à l'épargne des institutionnels. Le souvenir de l'expérience précédente, remontant au début des années 2000 en France, violemment interrompue par la chute de Lehman Brothers et ses répercussions sur le système bancaire, semble déjà effacé.

Or, la solution satisfait toutes les parties en première approche. Les banques peuvent se délester de créances lourdes dans leurs bilans et répondre plus aisément aux exigences prudentielles de Bâle III. Par ailleurs, les grandes signatures institutionnelles, notamment du monde de l'assurance, sont à la recherche de supports de placement attrayants, à la fois rémunérateurs et sûrs, comme les prêts immobiliers aux ménages. Tout le monde semble gagnant : on règle le problème de l'alimentation de la pompe à crédit pour les ménages et on offre des opportunités de diversification patrimoniale aux opérateurs institutionnels.

Plus exactement, on croit le faire. Le mécanisme est à courte vue et il est fragile. Le moindre défaut, le moindre grain de sable, enraye la machine et bloque l'économie. La Banque de France ne peut pas l'ignorer. En outre, pour que la titrisation reste séduisante, il faut que les prêts soient à forte marge : la Banque de France incite les prêteurs à restaurer leurs marges, donc à majorer les taux pratiqués. L'enchérissement des crédits immobiliers au particulier en est la conséquence.

À cette stratégie publique relative au financement de l'immobilier des familles, il est urgent de substituer la relance de l'accession à la propriété, singulièrement de la primo-accession. Financer de nouveau un prêt à taux zéro (PTZ) élargi à l'ancien, qui est la cible privilégiée des jeunes pour leur premier investissement, relève de l'évidence et de l'urgence. On entend à cet égard Madame Duflot, mais aussi des voix d'expert de la banque, souhaiter une nouvelle baisse des prix, pour resolvabiliser la demande. Dans un pays où il manque, selon les sources entre 500 000 et 1 million de logements, disons tout net que cet espoir est vain : le déséquilibre entre l'offre et la demande y oppose une résistance invincible. Disons également que le sentiment d'appauvrissement qui s'ensuivrait chez les quelque 70%* de Français propriétaires d'un bien immobilier porterait un coup fatal à la consommation et à la croissance.

En somme, que le marché devienne le cap et l'obsession de nos gouvernants et des autorités bancaires, et que l'envie de réguler, qui est son contraire, cesse d'inspirer la feuille de route. Alors qu’aujourd’hui, Bercy apparaît comme un ministère du Logement bis, cette optique, indispensable à la reprise du marché, semble encore s’éloigner. Les conséquences économiques et sociales d’une telle politique seront désastreuses.

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