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Point de vue de Jérémie Duhamel, Duhamel Blimbaum

Une directive AIFM peu adaptée aux organisations des investisseurs immobiliers

Les gestionnaires de fonds immobiliers doivent s’y résoudre : le 22 juillet prochain au plus tard, ils devront avoir ajusté leurs organisations afin de se conformer aux dispositions impératives de la directive AIFM, qui vise à encadrer les activités des gérants de fonds d’investissement alternatifs (FIA). Or, beaucoup de professionnels de l’immobilier ont le sentiment que le législateur européen a peu pris en compte leurs spécificités. Et c’est ainsi que de nombreuses interrogations restent en suspens à quelques mois de la date butoir. Mais ce ne sont pas tant les historiques et régulés SCPI et OPCI qui se trouvent en butte à des problèmes organisationnels, que justement les véhicules non régulés.

Jusqu’à maintenant ces derniers échappaient au champ de la réglementation financière et désormais ils représentent les cas les plus sensibles à résoudre en tant que FIA « par objet ». Car en effet un véhicule sera qualifié de FIA s’il lève des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs, en vue de les investir conformément à une politique d’investissement définie dans l’intérêt de ces investisseurs. Or, nombre de structures d’investissement se sont établies avec pour vocation de réaliser des opérations de co-investissement en immobilier. Créées sous la forme de SCI ou de SAS, par exemple, elles peuvent agir sans nécessairement disposer d’un agrément de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Bien souvent, la valeur de leurs actifs, financés en partie via des prêts bancaires, est supérieure aux seuils fixés par la directive. Gestionnaires de FIA, ils doivent donc nécessairement déposer un dossier d’agrément auprès de l’AMF, au titre de la directive, à moins que leurs encours soient inférieurs à 500 millions d’euros, voire à 100 millions d’euros si l’un de leurs fonds à recours à l’effet de levier, ce qui en pratique est peu courant dans l’univers de l’investissement immobilier.

Au-delà des problématiques d’agrément AIFM, l’application de la nouvelle réglementation risque de se heurter à un écueil majeur, à savoir le développement au sein de ces sociétés d’activités immobilières dites annexes à la gestion de FIA. Dans le secteur immobilier, de nombreux services sont communément logés sous le même toit et pas nécessairement liés à la gestion d’un FIA : l’asset management (la gestion d’un portefeuille de biens immobiliers), le property management (la gestion opérationnelle des baux, des loyers…), le sourcing (l’intermédiation), le financement… Une bonne partie des revenus de ces entreprises est tirée de ces activités, la gestion de fonds n’étant pas la plus rémunératrice. Or une société de gestion agréée par l’AMF se doit d’exercer l’ensemble de ses activités, financières ou non, en conformité avec le droit financier, ce qui n’est pas sans soulever des difficultés à échéance.

Pour les gestionnaires concernés, cette inadaptation de leur organisation n’est pas pour autant un moyen de bénéficier d’une exemption dans l’application des nouveaux textes. Une clarification de la part des régulateurs français et européens serait la bienvenue, mais il semble qu’une application stricte des règles entraine une profonde réorganisation, voire une filialisation de certaines activités chez les gestionnaires concernés.

Ces incertitudes ne doivent cependant pas faire oublier que les gestionnaires immobiliers français devraient faire partie des principaux bénéficiaires de l’ouverture des frontières intra-européennes à des fonds d’investissement alternatifs de droit local, permise par la directive AIFM. Ils sont en effet susceptibles de présenter des véhicules régulés affichant un historique et des performances enviables, aussi bien sur le marché de la distribution (les SCPI), que sur le marché institutionnel (les OPCI). Créés en 2007, les OPCI ont aussi connu une croissance continue depuis pour atteindre près de 35 milliards d’euros d’encours, bien répartis entre les différents segments du marché immobilier (bureaux, commerces, habitations, hôtels) et dont déjà un quart est issu d’investisseurs internationaux. Peu de pays en Europe peuvent prétendre aujourd’hui offrir une telle diversité de choix. AIFM est aussi une opportunité à saisir.

 

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