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Point de vue de Gilles Champseix, Immobilière d'Ile-de-France

Balayons aussi devant notre porte

Gilles Champseix, PDG d'Immobilière d'Ile-de-France, réfute une partie des arguments avancés par Guy Nafilyan pour expliquer la panne de la production de logements.

S’il est vrai que les coûts de construction ont augmenté, cette augmentation n’est pas la cause de la crise que nous subissons. Les coûts de construction ont certes progressé de 50 % sur 10 ans, ce qui représente une valorisation annuelle de 4 % l’an. Cette augmentation n’est pas si dramatique au regard des progrès considérables et nécessaires effectués par notre profession dans le domaine énergétique et environnemental des logements.

Cette augmentation est au surplus bien dérisoire, au regard des folies que font certains confrères, en proposant des prix de charge foncière aux côtés desquels les coûts de construction font pâle figure. Ce sont ceux-là même qui sont les premiers à demander des aides de l’Etat pour gommer leurs propres erreurs. Les prix de vente ont plus que doublé en 10 ans et ont rendu l’immobilier hors de portée de notre clientèle dont les revenus n’ont pas suivi cette progression. Il ne faut pas être grand clerc pour déceler l’origine du problème lorsque l’on sait que le coût technique moyen de construction d’un logement collectif s’élève  peu ou prou à 1 700 € HT du m² habitable.

Le problème majeur de la construction est essentiellement lié à la boulimie réglementaire que nous subissons depuis une petite dizaine d’années. Une réglementation handicapée décidée  à la hâte, un objectif très politique- et très français, qui consiste à fixer des objectifs à des échéances éloignées qui deviennent les calendes grecques- du Grenelle de l’environnement,  visant, dans le plan climat, la réalisation de bâtiments à énergie positive à l’horizon 2020, ont libéré l’énergie créatrice de l’administration pour des textes réglementaires tous azimuts, et parfois incompatibles entre eux.

Alerté par la profession, le Gouvernement a pris conscience cet été de ce problème, et c’est sur ce point – la simplification, la maîtrise de la RT 2012 et des pathologies du bâtiment qui en résultent, ainsi que sur la  pause  des nouvelles normes –  que nous devons nous battre.  

Concernant la loi Alur, si elle a en effet suscité de vraies craintes chez les investisseurs et propriétaires de logements locatifs, il est injuste de critiquer le dispositif fiscal de la loi Duflot. Ici encore, l’encadrement des loyers pour les nouveaux investissements locatifs répond à l’objectif de limiter la flambée des prix constatée ces dernières années.

Un projet monté avec une charge foncière raisonnable –sic– permet sans difficulté de commercialiser des logements dits « Duflot » aux investisseurs, pour peu que l’on propose un rendement acceptable à ces investisseurs. Encore une fois, le prix d’achat du terrain est déterminant. La simple ouverture nécessaire du dispositif pour la location à un membre de sa famille le rendra encore plus performant.

Il est vrai que nous croulons sous les normes et réglementations diverses, qu’il est très difficile d’obtenir un permis de construire, dans un pays où le recours est devenu le lot quotidien des promoteurs, et sur lesquels la justice met des années à juger le bien fondé. Nous devons continuer à alerter le gouvernement sur ces problèmes.

Mais la promotion immobilière sortira de l’ornière, si ses acteurs reconnaissent les causes profondes de la crise actuelle et balaient devant leur porte. Ces causes sont seulement pour partie exogènes à notre profession, mais le mal premier vient de la spéculation foncière liée à un appétit gargantuesque de certains d’entre nous, désireux d’augmenter leurs parts de marché.

Cet appétit est encouragé par l’attitude schizophrène des pouvoirs publics qui critiquent d’un côté la flambée des prix de l’immobilier, et organisent parallèlement, directement ou par l’intermédiaire d’aménageurs, des appels à concurrence sauvage de charges foncières. Les résultats des appels d’offres sont édifiants, avec des écarts allant du simple au double. Quelle est alors notre crédibilité si nous pleurons sur la hausse des coûts de construction ?

Obtenons la simplification des normes, la nécessité de consultations à prix contrôlés quitte à augmenter les densités pour compenser des prix au m² inévitablement moins élevés, la mise en place d’une juridiction d’urgence pour analyser les recours des permis de construire, et la situation sera débloquée.

Mais point de salut sans foncier maîtrisé.

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