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Point de vue de Pierre Appremont, Wragge Lawrence Graham & Co

L’immobilier est de plus en plus mis à contribution pour redresser les finances de la France

Trois grandes tendances se dégagent aujourd’hui : l’internationalisation de la fiscalité immobilière, la mise à contribution de l’immobilier pour faire face au déficit budgétaire de la France, et l’incitation fiscale liée à la construction et à l’urbanisme. Pierre Appremont, associé Wragge Lawrence Graham & Co, propose une revue de détail des nouvelles règles.

Concernant la modification de la convention fiscale franco-luxembourgeoise (avenant du 5 septembre 2014), pendant encore un an, les plus-values réalisées par une société luxembourgeoise, lors de la cession de titres d'une société française propriétaire d'actifs immobiliers situés en France, ne sont imposables qu'au Luxembourg et peuvent y être exonérées. Cette situation devrait toutefois évoluer dès le 1e janvier 2016 : l’avenant du 5 septembre indique que les plus-values réalisées en cas de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière seront imposables dans l’Etat de situation des immeubles. Si l’Etat est la France, l’imposition sera alourdie.

Depuis quelques temps, l'administration fiscale entend lutter contre les transferts de profits qui devraient être imposés localement (en l'occurrence, en France) vers des entités situées dans des États où la fiscalité est moins lourde. En France, un arsenal de règles a donc été progressivement mis en place pour contrôler ce type d'opérations. Cela ne concernait pas véritablement l'immobilier jusqu'alors ; cette situation est en train de changer. Ainsi, depuis décembre 2013, les entreprises concernées doivent transmettre, spontanément et annuellement à l’administration fiscale française, les principes sur lesquels reposent leur politique de prix de transfert. A noter que certaines sociétés sont dispensées de déclaration afin d'éviter que les transactions portant sur des montants faibles soient concernés et que des groupes purement français soient soumis à une obligation qui n'a pas réellement de sens pour eux. Le dispositif de sanctions pour les entreprises ne respectant pas cette obligation a été renforcé par l'article 78 de la loi de finances pour 2015 : l'amende encourue est (selon les cas) de 10 000 € ou de 0,5 % du montant des transactions, ou de 5 % des bénéfices transférés au sens de l’article 57 du CGI.

La cour administrative d’appel de Versailles a confirmé la faculté pour des sociétés françaises de bénéficier d’une jurisprudence communautaire récente quant à la mise en place d’une intégration horizontale. Cette décision va dans le sens du principe de liberté d’établissement. Il a été jugé que la situation avant cette décision établissait une discrimination entre les sociétés françaises détenues par une société mère établie en France et les sociétés françaises détenues par une société mère établie à l’étranger. Ce dispositif d’intégration fiscale va permettre de consolider les résultats fiscaux des sociétés françaises détenues par une société mère située dans l'UE. Mais attention : avant de mettre en place une intégration horizontale et de déterminer les sociétés françaises qui en seraient membres, il est nécessaire d'en vérifier, par le biais de simulations chiffrées le cas échéant, toutes les conséquences afin de s'assurer que l'opération se révèlera fiscalement favorable.

Lorsqu’une personne physique ou morale non résidente de France réalisait une plus-value immobilière en France, elle était auparavant dans l’obligation de désigner, en France, un représentant fiscal accrédité, responsable du calcul et du paiement lié à cette plus-value. Cette obligation générait des coûts significatifs et s'appliquait même en cas de moins-value. La 2e loi de finances rectificative pour 2014 supprime pour les personnes physiques et les sociétés ayant leur siège dans un Etat membre de l'UE ou de l'E.E.E. (l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein) cette obligation. Cet assouplissement législatif s'applique à compter du 1e janvier 2015 pour les personnes physiques et aux exercices clos à compter du 31 décembre 2014 pour les personnes morales.

Le dispositif fiscal applicable aux plus-values immobilières réalisées par des non-résidents, prévoyait, d’une part, l'application d'un prélèvement à la source sur les plus-values de 33,1/3 %, ramené à 19 % lorsque le cédant était domicilié dans l'Union européenne ; d'autre part, l'application des prélèvements sociaux de 15,5 % (CSG / CRDS / autres prélèvements sociaux). Ce dispositif est remis en cause par plusieurs décisions de jurisprudence et par des procédures devant les juridictions communautaires. L'article 60 de la 2e loi de finances rectificative pour 2014 a prévu de ramener ce taux à 19 % quel que soit le lieu de résidence du cédant, à compter du 1e janvier 2015.

La loi de finances pour 2015 rend pérennes les augmentations de taux qui auront été décidées avant février 2016. La quasi-totalité des départements devrait avoir porté le taux de la TPF à 4,5 % avant cette date, si bien que le montant total de la TPF applicable aux cessions de biens immobiliers devrait être généralisé à 5,81 %. L'assiette des droits d'enregistrement applicable aux cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière est, à nouveau, le prix de cession des titres (ou leur valeur vénale si elle est supérieure). La taxe sur les bureaux en IDF n’est plus déductible de l’assiette de l’IS. La taxe des surfaces de stationnement en Ile-de -France sera déclarée et payée selon les mêmes modalités que la taxe sur les bureaux, à savoir avant le 1e mars de chaque année. Par dérogation, pour l'année 2015, le paiement de la taxe pourra s'effectuer jusqu'au 1e septembre 2015. Une taxe additionnelle à la taxe foncière et à la CFE en Ile-de-France est mise en place. Son taux sera déterminé par le conseil régional, étant précisé que son produit est plafonné à 80 M€.

La 2e loi de finances rectificative pour 2014 prévoit le rétablissement de l’exonération de redevance pour création de bureaux en Ile-de-France, les opérations de reconstruction, à hauteur des surfaces de bureaux préexistantes. Cette exonération est rétablie pour les avis de mise en recouvrement émis à compter du 1e décembre 2014. En définitive, seules auront été soumises à la redevance, les opérations de reconstruction ayant donné lieu à un permis de construire à compter du 1e janvier 2014 et pour lesquelles l'avis de mise en recouvrement a été émis avant le 1e décembre 2014.

La loi de simplification de la vie des entreprises supprime différents cas de LASM (Livraison A Soi-Même) et notamment la LASM applicable aux immeubles construits par l'entreprise ne faisant pas l'objet d'une vente dans les 2 années de l'achèvement, qui concerne tout particulièrement les promoteurs ; les biens construits par l'entreprise (y compris les immeubles) pour son propre usage lorsqu'en cas de LASM la totalité de la TVA y afférant serait déductible. Il s'agit du cas des entreprises ayant une activité totalement soumise à la TVA, et ayant donc un droit à déduction de 100 %. Dans cette hypothèse, la LASM est une opération dite "blanche" qui n'entraîne aucun paiement de TVA, mais génère une obligation administrative.

L’aménagement des plus-values sur les terrains à bâtir pour les personnes physiques (article 4 de la loi de finances pour 2015) fait l’objet d’un abattement exceptionnel : - 30 % sur les plus-values de cession de terrains à bâtir, étendu aux cessions d’immeubles objet d'une promesse de vente en 2015, réalisées dans les zones tendues d'habitat, lorsque le cessionnaire s’engage, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à démolir les constructions existantes en vue de réaliser et d’achever des locaux destinés à l’habitation dans un délai de 4 ans à compter de la date d’acquisition. Les droits de mutation sur les transmissions à titre gratuit de terrains à bâtir (article 8 de la loi de finances pour 2015) font l’objet d’une exonération. Le régime de la donation de terrains à bâtir est aligné sur celui de la donation d’immeubles neufs à usage d’habitation, en prévoyant un abattement dégressif en fonction du lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire. Pour en bénéficier l'acte authentique doit être signé entre le 1e janvier et le 31 décembre 2015. L'exonération à concurrence de 100 000 € pour les donations de logements neufs sera limitée aux immeubles qui seront effectivement neufs au moment de la donation (jamais occupés ou utilisés sous quelque forme). Le cas échéant, le donataire doit prendre l'engagement pour lui et ses ayants cause, de réaliser et d’achever des locaux neufs destinés à l’habitation dans un délai de 4 ans à compter de la date de l’acte authentique.

L'exonération des plus-values immobilières devient applicable aux cessions réalisées au profit de bailleurs privés, à proportion des logements sociaux réalisés. Elle prend la forme de l'engagement du cessionnaire par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à réaliser et à achever des logements sociaux dans un délai de 4 ans. Avec la loi de finances pour 2015 (article 5), le "Duflot-Pinel" est assoupli par l'introduction d'une possibilité d'opter pour une durée d'engagement de 6 ans ou 9 ans. Une possibilité de prolonger l'engagement a également été introduite. A compter du 1e janvier 2015, il devient également possible de louer à un ascendant ou à un descendant (sous réserve de respecter les conditions de ressources du locataire). Par ailleurs, pour les contribuables ayant procédé à un investissement "Duflot-Pinel" sous forme de parts de SCPI, la réduction d'impôt est désormais calculée sur 100 %, et non plus 95 %, du montant de la souscription retenue dans la limite de 300 000 €. Ce changement s’applique aux souscriptions dont la date de clôture est postérieure au 1e septembre 2014. Le "Duflot-Pinel" reste soumis au plafonnement général des avantages fiscaux à 10 000 €.

 

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