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Point de vue de Thierry Langlois, Vivastreet.com

La 3D va-t-elle (bientôt) accoucher d’une révolution dans le bâtiment et l’immobilier ?

C’est le buzz pour les uns, une inquiétude pour les autres, parfois un fabuleux espoir… La société chinoise WinSun communique, film à l’appui, sur une imprimante 3D de 6,6 mètres de large pour une longueur de 40 mètres. Sa spécificité : elle se propose de construire un immeuble. Explications de Thierry Langlois, directeur de la branche immobilier de Vivastreet.com

Ce n’est pas de la magie, c’est de la science…

Dans les faits, les éléments sont préalablement produits et assemblés sur place, ce qui est déjà une prouesse technologique car la société évoque 20 000 éléments assemblés en une journée. Le matériau est un mélange de ciment et de déchets de construction faits de béton, de sable et de verre. Et il est sans doute peu conforme à la législation en vigueur dans les pays occidentaux. Pourtant, le travail de WinSun soulève des questions nouvelles.

Fab Lab, Art Lab… fabriquer la pièce maîtresse (et perdue) d’un Lego grâce à un amalgame de résine ou de plastique est désormais (presque) à la portée de tous. Mais il y a imprimante 3D et imprimante 3D. Or le BTP requiert des matériaux qui obéissent à des contraintes techniques et environnementales importantes. 

On sait fabriquer des pièces en métal grâce à l’aluminium, généralement sous forme d’alliage à l’état de poudre. De là, il est possible de créer des pièces complexes dans un métal qui pourra être soudé. Mais il est moins solide que de l’acier, s’use plus vite, et se fragilise quand il est confronté à de hautes températures. S’il existe des imprimantes 3D qui traitent le titane, et même les métaux précieux, ni la brique, ni le métal ne sont encore « faciles » et « rentables » à produire. Bref, les fournisseurs traditionnels ont encore (quelques) beaux jours devant eux. 

Les nouveaux supers pouvoirs des entreprises du BTP

Des beaux jours, certes, mais aussi de grandes responsabilités et des évolutions à anticiper s’ils veulent épouser le changement qui vient. Grands groupes, fabricants de matériaux, distributeurs… Tous ont un rôle à jouer. Les plus grands financent la recherche, espérant bénéficier des opportunités commerciales qui s’offriront au premier entrant. Et quand on sait que la première imprimante 3D date de 1984, ce sera là la récompense d’un investissement coûteux, et d’une grande patience. James Dyson n’avait-il pas conçu 5 127 prototypes d’aspirateurs sur ses propres économies et son temps libre ?

Les architectes l’ont bien compris à l’heure d’éditer maquettes et prototypes. Pour les autres acteurs du secteur, il y a de l’ouvrage. Des imprimantes 3D Pro devraient être mises à la disposition des artisans du Bâtiment par les distributeurs. On pourrait y fabriquer des pièces, se familiariser avec le processus. Des gains de temps massifs sont à espérer dès lors que l’on pourra fabriquer une pièce manquante sur un chantier, au lieu de mobiliser une ou plusieurs personnes pour se la procurer. 

Pour les particuliers, un certain nombre d’éléments peuvent d’ores et déjà être fabriqués à 100 % grâce à des imprimantes 3D. Le marché de l’abri de jardin, de la niche, du garage, de l’ameublement extérieur, des tonnelles, devraient être pris d’assaut par ceux qui se proposent de réduire le coût, de personnaliser, et qui sait, de proposer des options nouvelles en termes de design. Sur ce marché, artisans, artistes, mais aussi enseignes qui verraient leur intérêt à accompagner le renouvellement de l’offre, pourront se positionner très rapidement. 

La 3D n’est donc pas la nouvelle imprimerie qui mettra les moines du BTP au chômage. Elle est l’opportunité de faire muter leur métier. Et c’est plutôt une bonne nouvelle. Car après tout, les professionnels du BTP gèrent déjà les modifications impliquées par la maison connectée, les normes environnementales. La maison construite à l’imprimante 3D n’est pas encore là, parce que nous ne sommes pas encore capables d’imaginer tous les bénéfices de la technique dans les très nombreuses branches de l’industrie qu’elle touche. Il y a fort à parier que celles qui feront faire des économies au consommateur et aux professionnels émergeront les premières.